2. Seuils de Pauvreté.

L’identification des pauvres revient à fixer un niveau de vie minimum en dessous duquel un individu est classé comme pauvre22. Plusieurs méthodes de construction des lignes de pauvreté sont possibles. Le choix de la méthode dépend de l’objectif des mesures. Ravallion (1998, 1995) présente un aperçu critique des différentes approches de construction des lignes de pauvreté avec les problèmes pratiques qui en découlent. Cependant, nous ne pouvons parler de la construction des seuils de pauvreté sans évoquer le débat sur la nature de la pauvreté entre les partisans d’une vision relative et ceux en faveur d’une vision absolue.

Comme préciser par Ravallion (1995) :“les méthodes de détermination des seuils de pauvreté utilisées en pratique sont rarement formulées en des termes manifestement utilitaristes”23. Nous verrons dans le paragraphe traitant les seuils relatifs comment une approche utilitariste donne lieu à un seuil monétaire déduit à partir d’un seuil d’utilité de référence.

En réalité, la définition de la pauvreté est toute aussi différente entre les deux courants. Alors que le manque de capabilités élémentaires semble être absolu, la traduction de ce manque dans l’espace des biens s’accompagne d’un changement de nature. En effet, on affiche tous des besoins d’être bien nourri, bien vêtu, en bonne santé. Par contre, pour satisfaire ces fonctionnements, les individus recourent à des moyens qui dépendent de leurs positions dans la société (ainsi qu’à d’autres variables). De plus, les habitudes de consommation affichent des changements constants dans le temps par la disparition de certains biens et l’apparition d’autres.

Deux types de seuils sont utilisés dans les travaux empiriques traitant la pauvreté monétaire. D’abord, le seuil relatif définit la ligne de pauvreté en relation avec la distribution de l’indicateur de bien-être retenu (généralement les dépenses de consommation ou le revenu). Cette approche très répandue dans les pays occidentaux pourrait toutefois, s’avérer non appropriée pour le cas des pays en développement où il est nécessaire de garantir à la population un niveau de vie minimum. Ceci nous ramène à la seconde méthode du seuil absolu que nous allons présenter dans le paragraphe qui suit.

Encadré 1 : Les quatre approches de la pauvreté

Les mesures de la pauvreté
Quatre approches sont utilisées :
La première cerne la pauvreté monétaire « relative ». Sont pauvres les personnes et les ménages dont les revenus sont inférieurs à un seuil monétaire relatif, fixé en fonction de la distribution des revenus. En France on utilisait le plus souvent un seuil de pauvreté situé à 50 % de la médiane des revenus, mais on utilise de plus en plus le seuil de 60 % de la médiane, conformément à ce qui se pratique au niveau européen. Rappelons que la médiane des revenus est la valeur des revenus qui sépare la population en deux : une moitié qui perçoit un revenu inférieur à cette valeur, et une moitié qui perçoit plus que cette valeur. Ainsi, on considère comme pauvres les personnes qui sont dans un ménage dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 50 % ou 60 % de la médiane. Dans un ménage, la première personne compte pour une unité de consommation, les personnes suivantes pour 0,5 unité de consommation quand elles ont plus de 14 ans et 0,3 unité de consommation quand elles ont moins de 14 ans. Cela donne en 2004, au seuil de 60 % de la médiane, un seuil de pauvreté fixé à 788 euros par mois pour une personne seule et 1 182 euros par mois pour un couple sans enfant.
Une deuxième approche, employée notamment aux états- Unis, considère la pauvreté «absolue ». ہ partir de l’estimation des ressources nécessaires à l’acquisition d’un panier minimal de biens (pour se nourrir, se vêtir, se loger), un seuil de pauvreté absolu (qui ne varie donc pas en fonction de la distribution des revenus) est établi.
Une troisième approche de la pauvreté, appelée pauvreté « ressentie », consiste à demander aux individus si, en fonction de critères d’appréciation de leur aisance financière, ils se considèrent eux-mêmes comme pauvres.
Une quatrième approche, appelée « pauvreté en conditions de vie », consiste à observer si un ménage cumule des difficultés telles la précarité du logement ou l’absence d’équipements possédés par la plupart des ménages.
Enfin, une dernière approche de la pauvreté, appelée « pauvreté administrative», prend en considération le nombre d’allocataires relevant de la solidarité nationale au titre des minima sociaux (RMI, API, AAH, etc.). En 2004, on comptait 3 435 000 allocataires soit, avec les personnes à charge (conjoints et enfants) près de 6 millions de personnes.
Centre d’analyse stratégique : “ Rapport Annuel 2006 : la société française entre convergences et nouveaux clivages” Page 16
Notes
22.

L’encadré 1 présente les différentes approches d’appréhension de la pauvreté.

23.

Ravallion (1995, page 33)