1. Mesures d’incidence et d’intensité :

L’incidence de la pauvreté constitue la mesure la plus simple de la pauvreté31. Elle correspond au pourcentage de la population dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En d’autres termes, l’incidence se présente sous la forme d’un “indice numérique de pauvreté” (H) qui est égale au rapport du nombre de personnes pauvres – soit q ce nombre – à la taille de la population (notée n). On écrit alors :

Cet indice apporte un renseignement sur l’évolution de la pauvreté à travers le dénombrement des individus vivant en deçà des minima sociaux. L’incidence permet aussi d’apprécier l’impact général des politiques de lutte contre la pauvreté. La première idée qui vient à l’esprit, lorsqu’il est question de comparaison de situations différentes, est de s’intéresser à la variation qu’a connue la population défavorisée.

Ainsi, les chiffres relatifs à la population défavorisée en France indiquent que la lutte contre la pauvreté a connu un grand succès. En effet, entre 1970 et 2002, le nombre de pauvres a été réduit à moitié. Ainsi, l’incidence de la pauvreté a reculé de près de 6 points. En 2002, le taux de pauvreté était de 6 % (pour un seuil relatif fixé à 50 % du revenu médian).

Toutefois, Nous ne pouvons nous satisfaire de cette mesure pour le suivi du recul la pauvreté. Il faut dire que l’indice numérique de pauvreté n’est sensible qu’au nombre des pauvres dans le sens qu’il ne tient compte d’aucune information sur l’évolution de la situation des pauvres. D’une manière plus simple, la dégradation du bien-être (le revenu par exemple) d’un nombre de personnes pauvres, à un nombre total de personnes pauvres q constant, n’est d’aucun effet sur la valeur de H. Cette situation traduit l’intensité de la pauvreté.

D’autres mesures sont disponibles dans la littérature. Le « coefficient de déficit de revenu » I indique l’ampleur de l’écart entre le seuil de pauvreté et le niveau de vie moyen des pauvres noté μ z

Cet indice ne permet pas d’incorpore l’information concernant le nombre de pauvres. Ainsi, si on considère l’exemple un individu, dont le revenu est légèrement inférieur à z, et qui voit sa situation s’améliorer suffisamment pour sortir de la classe pauvre, le revenu moyen des pauvres μ z diminue, toute chose étant égales par ailleurs, et I augmente indiquant par la suite une dégradation de la situation globale. En revanche, la pauvreté a en réalité reculé.

Tableau 1 : Evolution du taux de pauvreté et de la population pauvre en France
1970 1975 1979 1984 1990 1997 2002
Taux de pauvreté 12 10,2 8,3 7,7 6,6 6,9 5,9
Nombre de personnes pauvres 5 785 5 194 4 359 4 154 3 751 3 925 3 431
Nombre de ménages pauvres 2 491 2 170 1 660 1 501 1 486 1 483 1563
Taux de pauvreté pour un seuil à 50 % du revenu médian
Source données : Insee, enquête revenus fiscaux

La combinaison de H et I peut être d’un grand appui dans la recherche d’une mesure capable de refléter à la fois le nombre de pauvres et l’écart par rapport au seuil de pauvreté. L’écart de pauvreté P 1 , définissant l’étendue de la pauvreté, mesure l’écart proportionnel moyen de l’indicateur de niveau de vie par rapport à la ligne de pauvreté. Cet indicateur “rend compte de la distance moyenne qui sépare les pauvres du seuil de pauvreté et donne donc une meilleure idée de l’intensité de cette dernière32.

Si nous supposons que le vecteur : y = (y 1 , y 2 ,…,y n ) représente les revenus individuels classés par ordre croissant :

Nous pouvons vérifier que : P 1 = I . H

Le problème avec cet indice d’intensité est qu’il ne permet pas la prise en considération des différences d’intensité de la pauvreté entre les pauvres. En d’autres termes, il ignore le degré d’inégalité parmi les pauvres. Pour arriver à de meilleurs indicateurs d’intensité, il faut arriver à construire des indices satisfaisants à un certain nombre de propriétés désirables.

Notes
31.

La pauvreté ancrée dans le temps est aussi très utilisée. Elle mesure le nombre de personne dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté, réévalué par l'inflation, pendant un nombre d'années N.

32.

Ravallion (1995, page 52). Cet indicateur, est aussi interprété comme “un indicateur des possibilités d’éliminer la pauvreté en ciblant les transferts aux pauvres” (page 53). Pour dire plus claire on définit les coûts minimum et maximum de l’élimination de la pauvreté. Le coût minimum, en cas d’information parfaite suer les pauvres (ciblage parfait) revient à la somme des transferts nécessaires pour garantir à chaque individu pauvre un revenu égal au seuil de pauvreté. Le coût maximum intervient dan le cas d’absence d’information (absence de tout ciblage) sur la population pauvre : “il (le responsable de l’action publique) lui faut, dans ce cas, verser z à chaque membre de la population pour être sûr que plus personne n’est pauvre”. P1 correspond alors au rapport entre les deux coûts. Il s’interprète dans ce cas comme “ un indicateur des économies potentielles que le ciblage permet de réaliser au niveau du budget de lutte contre la pauvreté” Ravallion (1995, page 5).