Section 2. Mesures de la pauvreté monétaire en 2002

Au cours de ce paragraphe, nous tenterons de mener une analyse de la pauvreté monétaire en France pour l’année 2002. Toutefois, nous sommes confrontés à une limite non négligeable due à l’information statistique disponible. Les données fournies par les enquêtes EPCV ne permettent pas de déterminer de manière exacte le revenu du ménage : seule une classification par catégorie de revenu est possible. L’enquête classe les ménages en 13 catégories, selon leur revenu total. Ainsi, l’utilisation du revenu moyen de chaque catégorie permet de reproduire de manière assez satisfaisante la différence de revenu entre les ménages.

Pour remédier à ce problème, nous utiliserons le revenu moyen de chaque catégorie. Ensuite, ce revenu du ménage est ajusté pour tenir compte de la taille du ménage. En d’autres termes, nous calculons un revenu équivalent du ménage qui tient compte de la présence d’enfant et d’adultes dans le ménage. Ainsi, nous attribuons – en s’inspirant de l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE46 et adopté par l’INSEE-un poids de 0.5 pour un adulte supplémentaire (âgé de plus de 15 ans) et 0.3 pour les enfants de moins de 15 ans. Nous avons classé les observations relatives aux individus n’ayant pas déclaré leur revenu dans les catégories de revenu supérieures.

Un point fondamental de l’étude de la pauvreté monétaire consiste à déterminer le seuil de pauvreté. Il s’agit de spécifier un revenu par tête en dessous duquel un individu sera classé comme pauvre. Nous avons calculé deux seuils relatifs établis à 50 % à 60 % du revenu médian47. Les principales caractéristiques de la distribution du revenu équivalent, ainsi que les seuils de pauvreté, sont reportées dans le tableau ci-dessous. Les valeurs trouvées sont très proches des valeurs données par l’INSEE pour l’année 2002. En effet le seuil de pauvreté établit par l’INSEE se situe autour de 625 euros/ mois pour une personne seule.

Tableau 6: Caractéristiques principales de la distribution de revenu équivalent
Annuel Mensuel
Moyenne 15497 1291
Médiane 13500 1125
Centiles 25 9000 750
50 13500 1125
75 20500 1708
seuil à 50% de la médiane 6750 563
seuil à 60% de la médiane 8100 675

Les calculs, menés à partir des données de l’enquête EPCV de mai 2002, montrent que 10.98 %48 des ménages vivent en dessous du la ligne de pauvreté49.L’adoption d’un seuil à 60% du revenu médian aura pour effet de doubler la population vivant dans la pauvreté, le taux de pauvreté se situant autour de 19,25%. Ceci atteste que beaucoup de ménages vivent avec un revenu légèrement supérieur au seuil de pauvreté. Le risque de se trouver dans la catégorie des pauvres, reste alors très élevé. Si nous faisons référence au rapport de l’ONPES 2005- 2006, nous pouvons rapporter ce constat :

“L’examen du nombre de personnes pauvres selon les différents seuils montre que la pauvreté n’est pas un phénomène isolé dans la société, qui ne concernerait que les personnes en dessous du seuil. On voit au contraire qu’il n’existe pas de rupture entre les situations des pauvres et des « non-pauvres », mais bien un continuum de situations de personnes qui connaissent des difficultés. Une variation relativement faible du seuil retenu (129 euros par mois) a donc pour conséquence un doublement du nombre de personnes considérées comme pauvres. Cela illustre l’extrême sensibilité du taux de pauvreté au seuil retenu, mais également la grande précarité d’une large partie de la population, pour qui le moindre incident peut signifier un basculement dans une situation de pauvreté”. 50

L’écart entre le niveau de vie des pauvres et le seuil de pauvreté, représenté par le coefficient de déficit de revenu, a été estimé à 26.9 %. C'est-à-dire, qu’en moyenne les pauvres disposent d’un revenu se situant à 73.1% du seuil de pauvreté (à savoir 4936 euros par an51. L’écart de pauvreté est de 2.95 %.

Les mécanismes d’aides sociales jouent un rôle important dans la lutte contre la pauvreté. Ainsi, en 2000, les divers dispositifs d’allocations ont permis à 10 % de la population de dépasser le seuil de pauvreté. En effet, le taux de pauvreté avant et après prise en compte des aides sociales a chuté de 16 % à seulement 6%.52

Notes
46.

A l'encontre de l'échelle de l'OCDE, l'échelle d'Oxford attribue plus d'unités de consommation aux membres supplémentaires d'un ménage. En effet, cette échelle attribut un coefficient de 0.7 pour tout adulte supplémentaire et 0.5 pour un enfant. Les résultats, issus à partir de l'échelle d'Oxford, sont alors plus pessimistes concernant le niveau de vie des ménages par rapport aux personnes seules.

47.

La norme traditionnellement utilisée en France est de 50 % du niveau de vie médian, tandis qu’elle est de 60 % pour l’ensemble de l’Union européenne. Nous avons retenu ici ces deux seuils.

48.

Il s’agit de la proportion des ménages pauvres. La prise en compte de la pondération de chaque ménage ramène ce taux à 11.27 %. Si nous calculons le taux de pauvreté en prenant comme unité statistique les individus le taux de pauvreté sera de 7,96%. Ce chiffre se rapproche plus des résultats officiels de la pauvreté monétaire en France.

49.

Pour un seuil établi à 50% du revenu équivalent médian

50.

Rapport ONPES (2006 ; pages 26, 27)

51.

Equivalent à 411 €/mois. D’après le rapport de l’ONPES en 2003, le revenu moyen des personnes situées sous le seuil de 50 % du revenu médian est de 533 euros par mois, soit 112 euros de moins que le seuil. Pour les personnes situées sous le seuil de 60 %, il est de 618 euros (soit 156 euros de moins que le seuil). Pour le premier seuil ceci correspond à un déficit de revenu autour de 14.72%.

52.

D’après Leroux (2004). Voir aussi le Rapport de l’ONPES 2005-2006 qui présente des résultats similaires sur les taux de pauvreté avant et après transferts sociofiscaux.