Section 3 : Analyse empirique

3.1 Données

L’étude de la pauvreté a bénéficié du développement des méthodes d’investigation et d’exploration du bien-être subjectif depuis les années soixante dix. Ces méthodes ont permis la construction de questions- uniques et multiples- qui rendent compte de l’évaluation de l’individu de son niveau de vie. La question de l’évaluation du revenu (IEQ : Income Evaluation Question) à titre d’exemple, consiste à demander aux répondants de qualifier leur revenu de : très mauvais, mauvais, suffisants, bon, très bon. Une autre méthode, celle du revenu minimum (MIQ : Minimum Income Question), demande aux répondants de spécifier le revenu minimum nécessaire pour satisfaire leurs besoins.

Le Social Weather Station (SWS), aux Philippines, applique une question qui permet de classer les individus, selon leurs évaluations, en pauvres, non pauvres. L’Eurobaromètre utilise une méthode similaire mais en adoptant une échelle de dix situations qui fait correspondre les deux premiers points à une situation de pauvreté76.

Dans cette section nous allons essayer d’explorer la pauvreté subjective en France en utilisant des données issues du dispositif d’Enquêtes Permanentes sur les Conditions de Vie des ménages (EPCV) et plus précisément les données issues de l’enquête de mai 2002. Ce dispositif d’enquêtes permet de combiner des informations à la fois subjectives et objectives. Toutefois, le problème qui se pose au sein de ces enquêtes revient à la non-existence d’information précise sur revenu du ménage, seule la catégorie de revenu est déclarée.

Les enquêtes EPCV permettent d’extraire l’opinion sur le niveau de vie actuel en posant la question suivante :

Actuellement, pour le ménage, diriez- vous plutôt que financièrement :
1. Vous êtes à l’aise.
2. Ça va.

3. C’est juste, il faut faire attention.
4. Vous y arrivez difficilement.
5. Vous ne pouvez y arriver sans faire de dettes.

Il faut noter que la question posée ne permet pas d’évaluer le bien-être total mais seulement d’approcher la satisfaction financière. Le tableau A1 reprend quelques statistiques descriptives concernant le niveau de satisfaction en fonction des caractéristiques socio-économiques des ménages.

Tableau 1 : distribution des ménages selon le niveau de Satisfaction
Niveau de Satisfaction %
à l'aise " très satisfait " 10.28
ça va " Satisfait " 34.12
c'est juste 41.59
difficilement 12.35
il faut faire des dettes " Non satisfait " 1.66
100

Le pourcentage des ménages qui jugent leur niveau de vie actuel très satisfaisant se situe à environ 10% de la population totale. D’après le tableau 1, 14% des ménages jugent leur situation difficile ou très difficile (il faut faire des dettes).

Si nous observons le niveau de satisfaction maximale selon les quartiles de revenu, nous remarquons que le pourcentage des ménages très satisfait augmente considérablement avec le niveau de revenu. Pour les quartiles de revenu, nous avons aussi distingué, dans le premier quartile, les ménages pauvres par l’approche monétaire décrite dans le chapitre précédent (Tableau 2).

Il est intéressant de noter que le niveau de satisfaction moyen augmente sensiblement avec la catégorie de revenu. Ainsi, ce niveau moyen arrive à 4.18 pour la catégorie supérieure, alors que cette moyenne ne dépasse pas 2.85 pour la catégorie de revenu annuel inférieur à 4600 euros.

Tableau 2: Satisfaction maximale et minimale selon la distribution du revenu
Non Satisfait Satisfait
Pauvres * 5.56% 2.06%
1er Quartile 2.88% 1.38%
2e Quartile 1.66% 4.12%
3e Quartile 0.47% 8.80%
4e Quartile 0.49% 26.30%
* selon l’approche monétaire

Nous remarquons aussi que l’évolution du niveau de vie au cours des 12 derniers mois affecte positivement la satisfaction actuelle. Par contre, l’effet des anticipations sur le niveau de vie semble prendre la forme de U inversée. De même, l’effet de l’âge sur la satisfaction prend aussi l’allure d’un U. Cet effet atteint son minimum à l’âge de quarantaine. Nous pouvons résumer les autres constatations en trois points :

  • Un effet positif du mariage, du niveau d’instruction. Alors que 12,49% des personnes mariés se déclarent satisfaits, cette proportion est seulement de 5,71% pour les divorcés, 8,08 % et 8,95 % respectivement pour les célibataires et les veufs.  Le pourcentage de satisfaction varie de 21,77% pour les personnes de niveau d’enseignement secondaire à 5,68% pour les personnes sans instruction.
  • Les hommes sont plus satisfaits que les femmes. (Voir graphe 1)
  • Le fait d’avoir des enfants augmente la satisfaction.
Notes
76.

La satisfaction de la vie est abordée dans les travaux de l'Eurobaromètre par deux questions. La première s'énonce de la manière suivante:
D'une façon générale, êtes-vous très satisfait, plutôt satisfait, plutôt pas satisfait ou pas du tout satisfait de la vie que vous menez ? La deuxième question est : Dans l'ensemble, à quel point êtes-vous satisfait ou pas de la vie que vous menez en ce moment? Veuillez utiliser cette échelle (10 points) pour préciser votre réponse. 10 signifie tout à fait satisfait, et 1 signifie pas du tout satisfait.