Chapitre 5 : Privation dans l’espace des fonctionnements : applications sur données françaises

Introduction

L’étude de la pauvreté en termes de fonctionnements permet d’explorer les multiples dimensions de la privation ce qui fournit un éclairage utile pour venir en aide aux populations défavorisées. Le ciblage touche à la fois les groupes vulnérables ainsi que les attributs les plus marquants de la pauvreté. Le rôle des politiques publiques est alors de donner aux individus les armes nécessaires pour améliorer leurs situations.

La stratégie d’application de l’approche par les capabilités repose sur trois étapes essentielles. D’abord, il s’agit de choisir les fonctionnements élémentaires, jugées pertinents par rapport au contexte social, ainsi que les indicateurs qui leur sont associés. Ensuite, la deuxième étape consiste à étudier les privations individuelles et par attribut. Enfin, dans la dernière étape, il est nécessaire d’agréger les mesures individuelles dans un indice capable de synthétiser l’information sur la population défavorisée.

Dans cette section, nous essayerons de montrer l’utilité d’une appréhension multidimensionnelle de la pauvreté en apportant un enrichissement à l’information monétaire. Dans cette perspective, nous tirons profit des Enquêtes Permanentes sur les Conditions de Vie des ménages (EPCV) dont le dispositif de 37 enquêtes permet depuis Janvier 1996 d’étudier l’évolution d’indicateurs sociaux harmonisés dans les pays de l’union européenne142. L’ensemble de ces indicateurs est divisé en trois parties faisant chacune l’objet d’une enquête annuelle auprès d’un échantillon représentatif de ménages en janvier, mai et octobre. Chaque enquête comporte trois parties. Dans la première partie, le tableau de composition des ménages fournit les caractéristiques générales de la population étudiée. La deuxième (partie fixe) est destinée aux indicateurs sociaux, alors que la troisième partie (partie variable) traite un problème social particulier.

Il n’est pas certainement nécessaire de dire que la France est un pays riche, mais il est indispensable de faire remarquer que cette richesse n’a pu éradiquer certaines formes de pauvreté.

La France est un pays riche. Pourtant la pauvreté y est toujours présente et semble même de plus en plus visible. Ce contraste entre richesse et pauvreté, qui se trouve sous des formes sociologiques variées dans tous les pays occidentaux, a récemment fait émerger une nouvelle obligation sociale, que l’on pourrait qualifier de devoir d’assistance. 143

Notre tâche consistera à étudier ce contraste. Pour cette fin, nous appliquerons une méthodologie consistant à explorer d’autres dimensions de la vie humaine :

La persistance de la pauvreté dans les pays où règne l’abondance est un phénomène manifestement surprenant, qui commence à faire l’objet d’une attention sérieuse dans les débats contemporains. Prendre en compte explicitement le rapport entre privation dans des espaces différents, en particulier entre les revenus et la capabilité de mener une vie sûre et valant d’être vécue, aiderait à mieux cerner le problème et ce qu’il convient de faire pour le résoudre. 144

Tout le travail qui suit est basé sur les données fournies par l’enquête EPCV de Mai 2002 traitant des questions relatives à la santé, les difficultés financières des ménages, le confort de l’équipement du logement. Cette enquête fournit en plus des informations sur les caractéristiques du ménage : région de résidence, occupation et catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence, revenu, etc.

Notes
142.

Ces enquêtes ont été exploitées par l’Observatoire National de la pauvreté et de l’exclusion sociale ONPES pour étudier la pauvreté des conditions de vie. L’observatoire utilise les données relatives aux diverses difficultés rencontrées par le ménages, concernant le budget, les retard de payements, les restrictions de consommation et les difficultés de logement, à fin de construire u indicateur synthétique de pauvreté. Cet indicateur cumule pour chaque ménage le nombre de difficultés rencontrées (sur un total de vingt-sept retenues). Le taux de pauvreté de conditions de vie désigne “la proportion des ménages  subissant au moins huit carences ou difficultés” (Rapport ONPES 2005- 2006, page 37)

143.

Leroux (2004) page 7

144.

Sen (2000a)