2.2 Ratios de pauvreté.

Pour obtenir les mesures multidimensionnelles de pauvreté, nous avons besoin de calculer le score global de l’indicateur (pour chaque individu), le degré de privation individuelle par indicateur, les pondérations de chaque indicateur selon la formule de Cheli et Lemmi (1995). Enfin, nous pouvons obtenir le degré de privation individuelle par attribut dont nous pouvons déduire le ratio de pauvreté du ménage, ainsi que la mesure de pauvreté unidimensionnelle en termes de l’attribut considéré. L’agrégation des mesures individuelles permet d’obtenir le ratio de pauvreté de la population.

La théorie des sous ensembles flous nous permet aussi de calculer la contribution de chaque fonctionnement à la pauvreté totale. Les contributions calculées, selon la formule ci-dessous, montrent que les dimensions de ressources économiques et de loisirs constituent les attributs dominants de la pauvreté multidimensionnelle en France.

Un examen désagrégé des mesures de pauvreté obtenues, nous permet de dégager un certain nombre de remarques. Tout d’abord, pour la dimension ‘ressources économiques’, il est à noter que l’indice de privation P 6 prend une allure décroissante selon la catégorie de revenu. Ceci constitue un signe de la corrélation entre les indicateurs retenus et l’indicateur monétaire. Pour conforter la première remarque, nous avons exploré les mesures de pauvreté unidimensionnelle de ressources et de pauvreté multidimensionnelle. Ces mesures semblent être plus élevées pour les ménages qui connaissent des problèmes de paiement, de leurs différents engagements, que pour les autres ménages (Tableau 4). De plus, l’épargne apparaît comme une source importante de différence entre la mesure de pauvreté unidimensionnelle de ressources et la mesure de pauvreté totale. Ainsi, le risque de pauvreté varie de 17.2 % à 12.08 % respectivement pour les non épargnants et les épargnants.

Les ménages unitaires et les familles monoparentales sont les plus exposés à la pauvreté multidimensionnelle. Le risque de pauvreté pour les familles monoparentales est de 19.27%. Ce qui concorde avec les résultats de la pauvreté monétaire que nous avons traité dans le premier chapitre.

Tableau 4 : Indice de pauvreté multidimensionnelle selon les difficultés de paiement des ménages
Factures de logement traites d'emprunt logement traites de crédits loyers et charges impôts
Sans objet 14,52 16,63 16,12 13,33 24,87
Oui, à plusieurs reprises 29,07 23,23 29,74 31,61 25
Oui, une seule fois 24,6 24,46 20,32 24,03 23,45
Non 14,14 13,21 14,06 14,99 14,29
Ne sait pas 28,29 11,93 29,57 35,76 29,57
les chiffres indiquent la mesure de pauvreté multidimensionnelle floue en %
Tableau 5 : Mesure de Privation selon l’âge et Catégorie Socioprofessionnelle de la PR
Âge Catégories Socioprofessionnelles
Agriculteurs Commerçants Artisans Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Autres inactifs
-30 ans 0,108 0,179 0,135 0,153 0,185 0,201 - 0,171
30-39 ans 0,123 0,145 0,116 0,121 0,182 0,179 - 0,324
40-49 ans 0,142 0,131 0,088 0,117 0,168 0,173 - 0,279
50-59 ans 0,120 0,121 0,099 0,127 0,181 0,182 0,114 0,182
+60 ans 0,217 0,160 0,128 0,149 0,216 0,220 0,154 0,246

Parmi les ménages unitaires, les ouvriers et les employés connaissent un taux de privation plus élevé que les autres catégories socioprofessionnelles. La situation des ménages dirigés par une personne appartenant à la catégorie des employés ou celle des ouvriers se dégrade lorsque cette personne est âgée de plus de 60 ans. La même constatation s’applique pour les personnes de référence appartenant à la classe d’Agriculteurs (voir Tableau 5). Pour les autres catégories socioprofessionnelles, les personnes de moins de 30 ans de privation courent un risque plus grand.

Nous remarquons aussi que l’indice de pauvreté multidimensionnelle augmente sensiblement pour les ménages dont la personne de référence est âgée de moins de 30 ans et ceux dont la personne de référence a plus de 80 ans. Nous notons que l’indice de pauvreté pour ces deux catégories est respectivement de 17.34 % et 17.75 %. Par contre pour les ménages dont le chef est âgé de 40 à 49 ans et 50 à 59 ans la mesure de pauvreté est respectivement de 14.18 % et 14.15 %. Le taux de privation augmente encore plus lorsque le ménage, dont la personne de référence est âgée de moins de trente ans, est composé de trois personnes. Ce taux atteint 22.49% (Voir Tableau 6).

La privation totale est plus importante pour les inactifs147, les employés et les ouvriers. Ces catégories sont aussi les plus exposées à la pauvreté de ressources (graphe 2). Ainsi, nous observons que le taux de privation multidimensionnelle augmente à 19,2% pour la première catégorie, 18% et 18,3% pour les catégories des employés et des ouvriers respectivement. Les chômeurs et les femmes au foyer figurent parmi les plus pauvres. De même, la pauvreté multidimensionnelle est légèrement plus élevée dans les régions du Nord et celle du Sud-ouest. Les valeurs minimales sont enregistrées dans les régions Est et Centre- Est (Graphe 3).

Si nous considérons le sexe de la personne de référence, nous remarquons que le risque de privation augmente de plus de 3% pour les ménages ayant à leur tête une femme. Alors que le taux de privation multidimensionnelle est de 14,3% pour les ménages dirigés par des hommes, ce taux se situe à 17,97% pour les autres ménages (Tableau 8). Les femmes sont plus touchées que les hommes notamment dans les dimensions de logement, de relations sociales et de ressources économiques. La situation de la femme est légèrement meilleure par rapport aux hommes dans la dimension d’emploi. Nous pouvons attribuer ceci au fait que les hommes sont plus représentés dans la catégorie d’ouvriers –une catégorie où la privation est la prononcée- alors que la proportion des femmes retraitées est nettement supérieure à celle des hommes.

Tableau 6 : Taux de privation Multidimensionnelle (%) selon la taille du ménage et l'âge de la Personne de référence
Taille du ménage Catégories d'âge
Moins 30 30-39 40-49 50-59 60 et plus
1 personne 17,28 17,59 17,99 17,41 15,40
2 personnes 18,40 16,12 16,65 16,67 15,03
3 personnes 22,49 16,59 15,19 12,83 15,34
4 personnes 7,65 16,18 12,64 10,45 15,64
Plus 5 personnes   21,41 15,56 15,66 15,80
Tableau 7 : Mesure de Privation selon taille du ménage et Catégorie Socioprofessionnelle de la PR
Taille du ménage Catégories Socioprofessionnelles
Agriculteurs Commerçants Artisans, etc. Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Autres inactifs
1 personne 0,150 0,147 0,123 0,143 0,195 0,201 0,151 0,178
2 personnes 0,119 0,127 0,105 0,127 0,184 0,178 0,140 0,168
3 personnes 0,137 0,132 0,095 0,113 0,178 0,165 0,145 0,311
4 personnes 0,106 0,107 0,086 0,101 0,135 0,152 0,163 0,408
5 personnes et plus 0,154 0,133 0,098 0,127 0,167 0,198 0,194 0,313
Tableau 8 : Privation (%) par attribut selon le sexe de la PR
Mesures de privation Homme Femme
P1 13,66 13,92
P2 20,2 34,2
P3 10,98 8,69
P4 6,72 7,6
P5 14,81 23,96
P6 32,48 39,08
P 14,3 17,97

Pour explorer d’avantage La différence de privation selon le sexe de la personne de référence, nous intégrons l’analyse selon les sexes de manière transversale suivant les caractéristiques du chef du ménage. A toutes les tranches d’âge, les femmes semblent plus exposées aux risques de privation et notamment à la trentaine, âge de la personne de référence auquel les ménages féminins enregistrent une privation moyenne de 20,09% contre 14,42% pour les ménages dont la personne de référence est un homme (Tableau 9).

Il faut toutefois noter que les femmes seules affichent un niveau de privation légèrement moins élevé que les hommes et ce essentiellement pour les personnes âgées de moins de 60 ans. Alors que pour les femmes seules la privation totale est de 17,31% elle arrive à 18,85% pour les hommes. En explorons les caractéristiques des ménages unitaires, nous remarquons que les femmes seules sont en premier lieu des retraitées (48%). Pour les hommes, la proportion des retraités, moins importante (31%), est associée à une part élevée d’ouvriers. La catégorie des ouvriers connaît en moyenne un niveau de pauvreté multidimensionnelle plus grand que la catégorie des retraités. Les femmes seules sont légèrement moins présentes dans les catégories des cadres supérieurs et de professions intermédiaires. Les femmes aussi ont tendance à occuper les postes d’employés (18,25% pour les femmes et 11,24% pour les hommes).

Selon la classe socioprofessionnelle, la mesure de privation pour les ménages dirigés par une femme est plus élevée que celle des ménages dont la personne de référence est un homme. La différence entre les deux mesures s’accentue pour la catégorie d’agriculteurs exploitants (21,19% pour les ménages dirigés par une femme contre 12,56% pour ceux dirigés par un homme) et la catégorie d’employé (21,18% pour les ménages dirigés par une femme contre 14,94% pour ceux dirigés par un homme).

Le risque de pauvreté est moins élevé pour les habitants des communes rurales. La mesure de pauvreté dans ces régions ne dépasse pas 14.47 % alors qu’elle atteint 16.15 % dans les communes dont le nombre d’habitant dépasse 20 000. La pauvreté parmi les prestataires des aides sociales est aussi beaucoup plus élevée (le tableau 10). Ces personnes, même en bénéficiant des aides financières restent très vulnérables aux autres types de privations. Les prestations familiales et les aides au logement, comparativement aux autres types de prestations (RMI, allocation chômage) sont plus efficaces pour baisser le niveau de privation des ménages.

Les locataires sont plus exposés au risque à la pauvreté totale ainsi qu’à la pauvreté en termes de logement. Le risque de pauvreté pour les locataires d’un local meublé a atteint 22.52 %. Pour les locataires d’un local non meublé, l’indice de pauvreté multidimensionnelle est de 19.5 % (tableau 11).

Notes
147.

D’après la définition de l’Insee, la catégorie des inactifs regroupe les étudiants, les hommes et femmes au foyer et les personnes en incapacité de travailler et qui sont âgées entre 15 et 64 ans. Pour l’échantillon de Mai 2002, 47.75% d’entre eux sont des femmes. Les individus de cette catégorie ne travaillent pas et ne cherchent pas du travail. Chardon (2002) ne retient pas les étudiants dans cette catégorie “Ils ont entre 15 et 64 ans, ne sont ni étudiants, ni retraités, ni chômeurs. Ils ne travaillent pas et ne recherchent pas d’emploi. En mars 2002, ils sont 4,6 millions et représentent 12 % de la population en âge de travailler. Cette proportion ne cesse de décroître : en 1975, elle était de 20 %. Ce sont pour une grande majorité des femmes au foyer, mais aussi des personnes ayant cessé leur activité pour raisons de santé ainsi que d’anciens salariés licenciés en fin de carrière et qui n’espèrent plus trouver un emploi.”