B. Évolution de la pratique : une sportivisation croissante

Le concept de « sportivisation » est régulièrement mobilisé en histoire et sociologie du sport pour décrire l’évolution d’une pratique, sa conformation aux règles sportives d’une mise en compétition dans un espace propre, en particulier par opposition aux jeux traditionnels292 ou à l’E.P.S.. Codification, recherche d’excellence dans un espace et un temps propres sont généralement relevées comme étant les caractéristiques principales de la forme sportive293. Ce concept peut aussi permettre de différencier des appropriations divergentes à l’intérieur d’une même pratique294. Dans le cadre de la théorie des champs, la « sportivisation » peut être entendue comme une transformation de la pratique dans le sens d’une centration sur les enjeux compétitifs, sur l’entraînement à la performance, en d’autres termes comme le reflet d’une autonomisation des enjeux propres à un espace de pratiques (les titres, récompenses, sélections fédérales, etc.) face à des demandes ou enjeux hétéronomes (fonction éducative et support de sociabilité par exemple)295. Ici, le concept de « sportivisation » permet de mettre en cohérence une série d’évolutions qui affectent les pratiques des joueurs et qui ont en commun d’accentuer la valeur de la compétence et de la performance pour elles-mêmes.

Notes
292.

Norbert Elias parle ainsi de « sportification » pour analyser la rupture introduite par les sports modernes [N. Elias, E. Dunning, Sport et Civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Fayard, 1994 (1986), 392 p.]

293.

Notamment par J.M. Faure [Sports, cultures et classes sociales, Thèse d’Etat, Université de Nantes, 1987, 1133 p.]

294.

Ibid. Par exemple pour l’apprentissage de la natation selon les classes sociales : selon J.M. Faure, la « baignade » est davantage le fait d’enfants issus de milieux ouvriers alors que la forme « sportive » de la pratique est privilégiée par les classes supérieures, dont les dispositions sont plus conformes à un apprentissage qui « consiste à produire des corps efficaces capables de progresser et susceptibles de se plier aux règles d’un entraînement régulier » (p. 1024). On peut parler de la même manière de la forme « progrès » qui selon J. Camy se caractérise par « l’importance de l’organisation de la production corporelle et la mesure de son progrès » à l’opposé d’autres formes de pratique, « détente » ou « entretien » [J. Camy, Pratiques sportives et production sociale du corps, , thèse de 3e cycle sous la direction de G. Vincent, Université Lyon 2, 1981, 265 p..]

295.

Pour un exemple de cette utilisation du concept de sportivisation : Loirand G., « Le bénévolat : les ambiguïtés d’un engagement », Op. Cit. : « …les années 80-90 voient s’affirmer et se renforcer un mouvement de « sportivisation » des loisirs sportifs (…). Il se replie tendanciellement, pour reprendre l’expression de Bourdieu, sur son propre « nomos », sur sa propre « loi fondamentale » qui n’est autre, en définitive, que la victoire en compétition… » [p. 283].