Comme les analyses précédentes le suggèrent, le renforcement d’une disposition à la compétition repose sur la structuration du temps autour des échéances sportives. Cette accentuation est aussi relayée par un rapport au match qui place l’efficacité et le résultat au premier plan. Les entraîneurs, tel Christian, nous répètent souvent cet axiome : « Au football, il faut gagner au haut niveau, on va pas te demander d’être beau, d’être grand, on va te demander de gagner ». La dimension compétitive de la pratique s’appuie donc tout à la fois sur la place donnée aux matchs et sur la façon légitime de se les approprier, de juger ce qui importe dans une confrontation. L’étude de cette « culture de la gagne » permet ainsi de mieux approcher la dimension compétitive de la pratique à travers les représentations et les savoir-faire véhiculés, et de mieux saisir les dispositions qui y sont sollicitées et exploitées. Trois représentations dominantes de l’affrontement participent de la construction d’une disposition compétitive : le match est appréhendé tout à la fois comme une lutte pour l’honneur, un combat et un jeu sur les règles. Injonctions des entraîneurs et récits des joueurs témoignent de l’importance de ces trois dimensions. Quand les entraîneurs évoquent avec insistance une « culture de la gagne » ou de la « victoire », ils placent le principe de la rentabilité des actes au-dessus d’autres critères de jugement, en particulier de l’esthétique des gestes, principe présent mais minoritaire439.
« Il n’y a que la victoire qui est belle » disent certains enquêtés comme pour confirmer cette domination de la fonction sur la forme pour reprendre une opposition centrale dans la sociologie du sport inspirée par Pierre Bourdieu (comme dans l’étude des sports de combat menée par Jean-Paul Clément [« La force, la souplesse et l’harmonie. Etude comparée de trois sports de combat », In C. Pociello (dir.), Sports et Société, Op. Cit., p. 285-301]). On voit ici comment la forme de jeu se situe aux antipodes d’une pratique comme l’aïkido qui impose au combat esthétisation et euphémisation.