La notion d’esprit de corps, issue du langage ordinaire, a été maniée par des sociologues, et particulièrement Pierre Bourdieu, afin de décrire les relations entre les individus appartenant à une même institution et plus particulièrement les injonctions intériorisées au dévouement en faveur de ses pairs et de leur « corps »456. Dans cette perspective, il invite à ne pas établir de relation directe entre un intérêt et des comportements calculés de dévouement intéressé, mais davantage à considérer l’esprit de corps comme « un “esprit famille” générateur de dévouements, de générosités, de solidarités »457, fondé sur le partage de catégories de perception, et donc d’attentes, de désirs. L’« esprit d’équipe », notion elle aussi indigène, peut être associé pour deux raisons au concept développé par Pierre Bourdieu. D’une part, l’« esprit d’équipe » constitue un relais à la production d’un esprit de corps, au sentiment de partager une même identité (celle d’aspirant footballeur) en même temps qu’elle s’en nourrit. D’autre part, cette notion permet de décrire des mécanismes similaires d’abnégation au service de l’entité collective qui structurent la culture footballistique transmise.
Elle est, par exemple, sollicitée dans son travail sur les grandes écoles pour son rôle dans la constitution d’un capital social (via les pratiques de cooptation en particulier). L’esprit de corps tel que Pierre Bourdieu le théorise s’oppose au calcul conscient et cynique parce qu’il s’agit d’une disposition incorporée, une forme d’intérêt au désintéressement, produite par le partage d’une même illusio. [P. Bourdieu, La noblesse d’état, Op. Cit.]
P. Bourdieu, « L’esprit de famille », in Raisons pratiques, Op. Cit., p. 140.