A. La fragilité des statuts et des avenirs

La première étape de cette démarche consiste à tenter d’objectiver le degré de précarité de leur appartenance au club tout en soulignant son poids dans l’expérience subjective des apprentis. Nous verrons par la suite que la construction d’un rapport inquiet et tendu à l’avenir détermine leur relation au pouvoir sportif. A certains égards, leur rapport au futur est dans une position intermédiaire entre celui des étudiants en médecine et celui des étudiants en sociologie analysés par Matthias Millet549. Avec les premiers, ils partagent la visibilité d’un métier clairement défini vers lequel la formation est entièrement dirigée. Mais comme ceux investis dans un cursus de sociologie, l’incertitude des débouchés envisagés les condamne à ne pas connaître l’assurance et la confiance dans l’avenir des premiers550. S’ils ont franchi en entrant en formation une frontière les retirant du « monde ordinaire », celle-ci reste réversible. En tant qu’aspirants, ils cumulent une position dominante par rapport aux profanes du football « amateur » et une place dominée et fragile à l’intérieur de l’espace du football professionnel. Ils sont ainsi des « dominants dominés » pourrait-on dire et leur position s’apparente à celle du funambule, condamné à rester en équilibre sur le fil tant qu’ils n’ont pas franchi la barrière qui les sépare du marché du travail professionnel.

Notes
549.

Millet M., Les étudiants de médecine et de sociologie à l’étude, Thèse pour le Doctorat de Sociologie, Université de Lyon II, 2000, 688 p.

550.

Les données statistiques confirment cet écart : 89,5 % des étudiants en médecine pensent trouver facilement du travail contre seulement 52,1 % en Lettres et Sciences humaines [B. Lahire, Les manières d’étudier, Paris, La Documentation Française, 1997, p. 78].