1. Des conduites ordaliques au fantasme

Baliser le champ ordalique suppose qu’en liminaire nous définissions plus précisément les variations conceptuelles subordonnées à la question de l’ordalie. Bien que l’utilisation de ce terme soit fréquente, peu de travaux lui sont exclusivement consacrés. Les conduites ordaliques sont couramment citées dans la littérature psychanalytique et associées généralement aux conduites à risque excessives, dangereuses, voire réitératives pratiquées principalement par les adolescents ou sujets dits états limites. A l’instar de J. Lacan, (1960), puis de manière contemporaine F. Richard, (1998), de nombreux auteurs évoquent les pratiques ordaliques, cependant peu en font un terrain de recherche privilégié. Nous accordons toutefois, une mention particulière à l’ouvrage de F. Duparc et C. Vasseur, (2006), sur «les conduites à risque au regard de la psychanalyse», que nous utilisons dans la dernière partie de notre travail. Ceci dit, l’état de cette question nécessite d’accorder une place prépondérante aux travaux menés par M. Valleur et A.J. Charles–Nicolas, (1981) puis H. Sztulman, (1997) et E. Jérome, (1997) qui dans le cadre du GRECO16 ont largement participé à définir ces conduites et leurs fonctions. Bien que leurs développements mettent en tension principalement, le rapport du sujet ordalique au sujet addicté, il convient néanmoins de le citer pour différencier la conduite ordalique des problématiques ordaliques afin d’expliciter la nature du concept d’ordalie du contact que nous proposons.

Proposées par A. Charles-Nicolas et M. Valleur en 1982 à propos des conduites toxicomaniaques, les conduites ordaliques s’observent par une prise de risque peu ou prou recherchée activement à l’aide d’une épreuve comportant un risque mortel. A contrario l’initiative des pratiques ordaliques qui inscrivent le rapport au collectif, à la justice du groupe social, incombe, selon eux, au sujet dans un élan de prise de risque solitaire. Ces auteurs considèrent qu’il s’agit là d’un mécanisme inconscient justifiant l’hypothèse ordalique dans sa dimension réitérative voire chronique.

‘« La conduite ordalique par contre, serait un comportement répétitif de prises de risques ordaliques. » (A. Charles-Nicolas, 1985, p. 209).’

S’exprimant plus fréquemment à l’adolescence et à la post adolescence, l’acte ordalique apparaît selon eux, sans fondement ni fond, d’où la métaphore du tonneau des Danaïdes.

Nous discuterons ce point lorsque nous définirons l’ordalie du contact pour montrer que précisément le mouvement ordalique se situe dans une reprise du fond psychique, de la matière première. Cependant, le parallèle fait entre le sujet addicté et le sujet ordalique pose en liminaire l’aporie de la dimension narcissique, c’est-à-dire d’une difficulté logique et sans issue apparente, que rencontrent ces sujets. Ce parallèle oriente d’emblée les conduites ordaliques vers un fonctionnement récurrent, décrivant une problématique uniciste entre un sujet en transaction intime avec son objet. Le sujet ordalique est considéré par ces auteurs comme s’adonnant exclusivement à sa passion en devenant pour lui-même son propre toxique. Ce constat est réducteur car il présente comme conséquence immédiate une problématique d’assignation à une seule position tenable, celle de l’objet.

C’est pourquoi la conduite ordalique selon eux, implique une passion, une répétition et un garant que la médecine, la drogue, la chance…entre autre, représentent.

A partir de cette définition, nous décrirons les points principaux de ces travaux afin d’en dégager d’une part des fonctions, et d’autre part un fonctionnement. Nous les discuterons afin de préciser la spécificité de l’ordalie du contact dans son rapport de démarcation à l’égard des conduites ordaliques.

Notes
16.

Groupe de Recherches et d’Etudes sur les Conduites Ordaliques, 9, rue Saint Marcel, 75013 Paris.