2. Théorie des effets traumatiques selon Ferenczi : la désorientation psychique

S. Ferenczi (1932) théorise sa conception du traumatisme à partir « d’un choc inattendu, non préparé et écrasant ».

La compréhension de l’impact de ce choc qu’il propose, participe à ce resserage théorique que nous opérons autour du fonctionnement du traumatisme en tant que celui-ci invoque incessamment une scène redoutée/recherchée, une scène à effet de hantise. L’explication convaincante qu’il en donne mérite d’être rétrocédée aux travers des différents processus subordonnés à son activation.

‘« La conséquence immédiate de chaque traumatisme, c’est l’angoisse. Elle consiste en un sentiment d’incapacité à s’adapter à la situation de déplaisir :
1°en soustrayant son Soi à l’irritation (fuite),
2°en éliminant l’irritation (anéantissement de la force extérieure). Le sauvetage ne vient pas et même l’espoir de sauvetage semble exclu. Le déplaisir croît et exige une soupape. Une telle possibilité est offerte par l’autodestruction qui, en tant que facteur délivrant de l’angoisse, sera préférée à la souffrance muette. Le plus facile à détruire en nous, c’est la conscience, la cohésion des formations psychiques en une entité : c’est ainsi que naît la désorientation psychique […] » (S. Ferenczi, p.143).’

Cette désorientation que S. Ferenczi met en avant, reprend le modèle de l’errance psychique. Elle s’inscrit dans le fonctionnement du sujet, en tant que conséquence majeure des effets du traumatisme. Par-delà la sidération, le contact traumatique provoque une paralysie absolue.

‘(….) la paralysie totale de la motilité inclut aussi l’arrêt de la perception, en même temps que l’arrêt de la pensée. La conséquence de cette déconnection de la perception est que la personnalité reste sans aucune protection. Contre une impression qui n’est pas perçue, il n’est pas possible de se défendre. Cette paralysie totale a pour conséquence :
1° que le cours de la paralysie sensorielle sera et restera, durablement interrompu,
2° que durant celle-ci on acceptera sans résistance toute impression mécanique et psychique,
3° qu’aucune trace mnésique ne subsitera de ces impressions, même dans l’inconscient, de sorte que les origines de la commotion sont inaccessibles par la mémoire. Si toutefois on veut les attendre (…), alors il faut répéter le traumatisme lui-même et, dans des conditions plus favorables, l’amener, pour la première fois, à la perception et à la décharge motrice » (S. Ferenczi, 1932, p.143).’

Cette paralysie sensorielle, et son effacement du champ de la conscience, gravent le traumatisme et ses effets, dans un hors lieu psychique ou plus précisément condamne à l’errance psychique, à défaut de s’ancrer topiquement. S. Ferencziinsiste sur la nécessité d’une répétition du traumatisme dans des conditions plus favorables, à laquelle il associe la perception et la décharge motrice.

Son approche nous intéresse vivement car elle révèle la nécessité pour le sujet de repasser, d’effectuer un mouvement de reprise, en variant les conditions-même du déroulement traumatique.

Dans cette mouvance théorique, nous considérons la scène ordalique comme pareille et légèrement différente. L’impact de ce mouvement de reprise se situe dans cet écart. Certes le traumatisme a déjà eu lieu mais quelque chose de cette première scène s’est modifié. Nous pouvons dire que si la scène est, au sens strict, une configuration isomorphique, une reprise à effet de dédoublement, sans écart, elle échoue sur le roc de l’inélaborable, destinée à être répétée. En revanche si les conditions de reprise sont proches mais sensiblement éloignée, telle une configuration de type homomorphique, un écart s’insinue pour que naisse une potentialité subjectivante.