1.2. S. Ferenczi : de l’origine de la pulsion de mort dans la névrose d’échec

L’apport de S. Ferenzci (1929), nous intéresse fortement car il interroge ce qui dysfonctionne chez ces patients, à partir de situations d’échec. Son questionnement pose l’importance de l’environnement premier dans l’accueil de l’infans, sur ce qui va peser sur lui et les effets constitutifs repérables dans son fonctionnement psychique. En effet dans cet article, « l’enfant mal accueilli et la pulsion de mort  », il défend le postulat suivant : si l’enfant est « mal accueilli », s’il n’est pas suffisamment libidinalisé à sa naissance, cela va exacerber la désintrication pulsionnelle.

‘« Tous les indices confirment que ces enfants ont bien remarqué les signes conscients et inconscients d’aversion ou d’impatience de la mère, et que leur volonté de vivre s’en est trouvée brisée [….]. L’enfant doit être amené par une prodigieuse dépense d’amour ,de tendresse et de soins à pardonner aux parents de l’avoir mis au monde sans lui demander son intention, sinon les pulsions de destruction se meuvent aussitôt.» (S. Ferenczi, 1929, p. 78).’

Ce postulat mérite discussion autour du modèle de désintrication pulsionnelle précoce qui favorise la prédominance des pulsions de destruction. Probablement qu’il faudrait nuancer le fatalisme de l’impact de l’environnement et qu’aujourd’hui certains travaux prônant la notion de résilience accordent à l’individu une potentialité de transformation non négligeable. Cependant, le postulat de S. Ferenczi entre en écho avec notre clinique, pour laquelle nous interrogeons la notion de pulsion de mort en tant que vecteur psychique. Sa suprématie reste certes déconcertante. Elle amène le chercheur clinicien à repérer la nature de son fonctionnement auprès des sujets souffrant de traumatismes en creux et en plein, et auprès desquels la désintrication de la pulsion de mort s’observe de façon emblématique. Par-delà les effets de carences dont ils souffrent, il nous semble essentiel de ré-interroger la nature de cette pulsion sous le couvert du travail du traumatique. Cet attachement au négatif dont ils témoignent, les éprouvés forts44 qui les animent, pose la question d’une non-régulation des éprouvés sauvages et l’impact du miroir premier qu’ils ont rencontré. Notons à ce stade de la réflexion la pertinence de l’empirisme des travaux de S. Ferenczi, qui ouvre sur l’originaire et son empreinte dans la constitution psychique du sujet. C’est une théorie de l’empreinte du point de vue de l’éthologie, qu’il nous propose et que nous pensons capitale à prendre en compte à un moment où l’infans n’est pas suffisamment équipé pour mettre en place de solides défenses. Cette imprégnation du milieu que l’éthologue K. Lorenz (1967) a théorisée du point de vue du comportement des animaux, établit un lien entre un déclencheur extérieur et un comportement instinctif. Une certaine prudence s’avère nécessaire face à la tentation de transposer un modèle issu de recherches sur le comportement animalier à l’humain. Une part incombe indubitablement, à la manière dont l’infans va s’adapter et s’accommoder de son environnement premier. Il nous semble cependant important, de ne pas négliger l’impact de la rencontre avec ce même environnement à un moment où l’infans se trouve dans une position de dépendance. La donnée néoténique requiert un intérêt pour soutenir l’impact de l’imprégnation sur une psyché immature. Cet aspect innovant de la pensée de S. Ferenzci subodore le rôle de l’environnement premier sur la constitution du narcissisme primaire. Il s’agit d’une idée force supputant que l’espace intersubjectif constitue un pôle d’inscription de la rencontre inagurale qui imprime, par traces mnésiques, la psyché de l’infans.

Notes
44.

La liste des éprouvés se veut être indicative afin de baliser le champ de la violence des émotions ressenties/agies par les sujets que nous étudions. Il s’agit de vécu de rage, de haine, d’angoisse incoercible, de forte dépréciation d’eux-mêmes, de honte et de culpabilité « originaire ».