3. De la figure du danger à l’expérience ordalique

En d’autres termes, l’expérience ordalique se vit au sein d’une scène à effet de surgissement, instantanée, impromptue et reflétant un travail inconscient. C’est le moment où l’acte manqué propulse la scène ou plus précisément, favorise la mise en scène.

Marquons un temps d’arrêt sur ce concept capital, afin de mettre en relief son implication au niveau de l’émergence de la scène ordalique. S’il est évident pour J. Lacan (1966) que tout acte manqué est « un discours réussi », reste à analyser les modalités du discours, sa signification et sa fonction dans le surgissement d’un choc que représente l’élément déclencheur 57 de la scène ordalique.

L‘émergence de la scène provoque un effet d’ébranlement pour un sujet qui perd pied. Cette scène dotée d’un degré de figuration, se tisse des restes que l’acte manqué met en forme.

En appui sur la définition de S. Freud (1923b), nous considérons l’acte manqué en tant qu’acte à partir duquel le résultat explicitement visé non seulement n’est pas atteint, mais se trouve remplacé par un autre. S’agissant de conduites que généralement le sujet est capable de réussir, nous accordons à ce surgissement une fonction d’émergence du désir inconscient et de son accomplissement. L’acte manqué qui s’apparente à une formation de compromis entre l’intention inconsciente du sujet et le refoulé, justifie le passage par la scène. Nous qualifions la scène d’une valeur de lecture, un écran diurne de la toile psychique du sujet, susceptible d’être vu, entendu, senti, et mis en lien. Il s’agit là d’une scène externe « trouvée/créée » D. Winnicott (1971) dotée d’une portée « auto réflexive » R. Roussillon (1995).

Cela dit, le point de jonction entre l’acte manqué et la scène, nous conduit à poser comme liminaire une situation de crise dans laquelle le sujet se trouve. Cette crise ouvre la dynamique des enjeux psychiques mobilisés, attractant les traces-restes traumatiques inélaborées, et les traces-restes de vécus d’ambiguïté. C’est pourquoi ce point de jonction constitue, via le danger, un point de bascule, c'est-à-dire une expérience d’ébranlement psychique au sein de laquelle le sujet perd la maîtrise de ses objets que les nombreux retours - du clivé mais aussi du refoulé - viennent déstabiliser.

Autrement dit, cette jonction entre l’acte manqué et la scène ordalique, provoque un lâcher prise patent du sujet, qui sous l’impact du choc se trouve neutralisé, sans possibilité de prise sur le vécu. Il redevient l’objet subissant les affres du tourbillon qui l’emporte.

Principe n°2 :

L’acte manqué propulse la scène et participe à une localisation du sujet à sa scène.

Notes
57.

En liminaire de toutes scènes ordaliques pré-existent un élément déclencheur pouvant être  : une pierre (Moîse), un cheval (calypso), une rupture amoureuse, (Pénélope), un homme derrière la porte (Liriopé).