3.3. Une scène qui laisse des traces

Le processus de localisation scénique permet de repérer les effets de la chute : une moto inutilisable et des traces de sang sur les mains. Ces traces de sang témoignent de la survenue de l’accident, atteste que l’événement a eu lieu et que le sujet blessé est toujours vivant. Le sang représente les traces de sa culpabilité de n’avoir pas pu maintenir debout l’objet, d’un objet endommagé. Si la chute engendre une brutale séparation de corps entre le sujet et l’objet qui physiquement ne sont plus collés, reste à observer les effets de ce décollement violent qui ne peut s’effectuer qu’au prix de la chute. Nous considérons qu’il s’agit d’une reviviscence de scène de type déchirement. Les mains, symbole du tenir, du faire, du saisir, s’avèrent endommagées.

Du récit de la scène, il est à noter qu’elle se présente dans une configuration de type scène primitive : « il faisait nuit » au sein de laquelle le choc de l’impact provoquera la chute dans l’eau des origines.

La particularité de cette chute s’entend de deux manières au vu des éléments d’analyse dont nous disposons. Il s’agit du thème de la naissance, que le grand boum reprend, sur le thème de l’instrumentalisation de la fonction du géniteur, et probablement des circonstances issues de la rencontre avec son père. Moïse se souvient avoir été à Paris et l’avoir vu près de la Seine. La reconnaissance effectuée par le père de Moïse a probablement effracté le travail d’idéalisation. Le thème de la chute a aussi cette fonction que nous retrouvons également dans l’histoire de Calypso qui s’est vu désigner son père de manière inopinée par sa mère.

Cette thématique est également présente dans l’histoire de Liriopé qui voit un jour sa mère revenir et repartir, après des années d’absence.

La chute traduit l’effraction dans la construction idéale du sujet. Le choc du réel fait voler en éclats la construction défensive du sujet. Nous retrouvons l’impact d’un traumatisme ayant ébranlé un travail de localisation topique. Nous constatons chez ces sujets une résurgence d’un sentiment de culpabilité originaire, et secondarisé lorsque à l’issue d’une effraction du travail d’idéalisation, le sujet fût confronté à une désidéalisation massive.

Principe n°4 :

Le sujet ré-éprouve un sentiment de culpabilité que le vécu de chute remobilise. Le sujet attend le verdict et peut également dans cet élan tenter de sauver à nouveau l’objet.

Son réflexe a été de sauver l’ordinateur de l’eau. Nous situons l’objet ordinateur du côté de l’imago paternelle originaire qu’il attaque et sauve dans un mouvement contradictoire, ou de culpabilité. L’ordinateur représente également la mémoire opératoire qu’il s’est constituée, « le disque dur » à préserver.

De cette scène dangereuse voire sanglante, il en émerge une quête : celle d’une chambre d’hôte, d’un espace contenant, d’un lieu où se poser et naître d’une néo-scène qui pacifierait la première.