2.2.4. Le paradoxe du caché/montré : une émergence de la honte

Le sujet ordalique est en proie à une culpabilité originaire – naissant d’une tension entre le moi et le surmoi (plongeant ses racines dans le surmoi maternel80). Cette culpabilité est ramenée dans la scène, afin de vérifier l’état de l’objet qu’il pense avoir fantasmatiquement détruit. Le sujet rejoue une scène qui expose le sujet/objet dans une relation de corps à corps, et en attente d’une sanction. De cette mise en scène d’une forme archaïque de la culpabilité, le sujet, tel que nous l’avons évoqué, se vit comme responsable de l’état de l’objet, et se construit par retournement une théorie de lui même qui constitue le socle de la position d’exception. A cette exacerbation de la culpabilité s’adjoint parfois81 un vécu de honte signant une tension entre le moi et l’idéal du moi -construit également en appui sur l’idéal maternel-. Le vécu de honte renvoie aux aléas de l’investissement narcissique de l’environnement que le sujet reprend à son compte en termes de disqualification.

‘« Si la honte est éprouvée devant l’idéal du moi, avec un sentiment d’être petit, incompétent, impuissant, humilié, indigne… (A. Ciccone et A. Ferrant, 2004, p. 178).’

Pour Calypso, le thème de la honte apparaît au cours des entretiens psychothérapiques, sous différentes formes :

Nous adjoignons, a posteriori à cette manifestation, un extrait de séance située peu de temps avant la fin du contrat jeune majeur :

« J’aurai voulu pouvoir vous dire ce qui n’allait pas, j’ai essayé. J’aurai aimé me cacher pour en parler. Je pense que je pourrai le faire les yeux fermés, j’ai essayé d’en parler et n’ai jamais pu ».

A la fin de l’entretien, elle se lève, se dirige vers la porte et dit :

« J’ai parfois l’impression d’être une pute, et ce n’est pas qu’une impression ».

Calypso remet en scène cette honte par le biais du dragon caché/montré qu’en accord avec A. Ferrant nous considérons comme l’effet d’un clivage, consistant à mettre en relief ce que l’autre partie s’évertue de cacher.

« Elle peut faire l’objet d’un retournement. Elle est alors transformée en son contraire. Ce deuxième destin relève d’une revendication de type identitaire phallique. » (A. Ferrant, 2004, p.186).

Le dragon banni ne peut trouver véritablement refuge dans la forêt car elle ne constitue pas un contenant adapté à lui. Cette disproportion qui nous a permis d’opérer des liens avec le paradoxe du caché/montré de Liriopé, lui-même associé à la nécessité de trouver un contenant/ne pouvant contenir. L’espace de la forêt est clos dans la représentation qu’elle en donne. Les arbres y sont regroupés, comme un bloc compact laissant une impression d’austérité. Ce contenant n’est plus adapté à la taille ni au volume du dragon. Sa transformation que nous avons lié à la transformation pubère, traduit son incapacité à en trouver adéquat. La forêt ainsi, se trouve au cœur du paradoxe caché/montré en tant qu’émergence d’un sentiment de honte lié aux effets de l’inadaptation de l’environnement.

Calypso convoque le regard à travers le dragon à la manière d’une autruche qui cache sa tête dans le sable pour ne pas être vu. Ceux qui l’observent sont attirés par le rocambolesque d’une scène inappropriée qui ne laisse pas indifférent.

Notes
80.

Nous nous référons au surmoi maternel ainsi qu’à l’idéal maternel, car c’est du point de vue du maternel que cela semble se jouer.

81.

Se référer au vécu de transparence, d’être nue que la clinique de Liriopé met en exergue.

82.

Nous nous référons à la honte liée au cru des relations sexuelles de la mère, du point de vu de Calypso.