Une scène Sensorielle

Si nous suivons le développement Stern (2002), nous admettons que le temps attribue son caractère qualitatif, à la sensation, à l’expérience sensorielle au cœur de la scène ordalique. Nous pensons également que c’est la temporalité des mouvements qui facilite la mise en récit d’une histoire et sert d’embrayeur narratif.

Les sujets que nous avons rencontrés, racontent cette expérience, se racontent sensoriellement à travers elle. C’est pourquoi la notion de « contour de vitalité » introduite par D. Stern, nous a intéressé pour qualifier l’impact historicisant qu’une expérience laisse sur la psyché.

Ce contour de vitalité est une façon de saisir, ou resaisir dans l’après-coup, quelque chose de l’objet susceptible de faire contour, « bordure » (L. Brolles, 2002), délimitation de l’espace psychique de soi, au regard des expériences antérieures.

Nous avons considéré la dimension de l’émoi -ou sensation- comme prépondérante et noyautée au surgissement de la scène ordalique. D Anzieu (1993) postule une pré-séance de la sensation, en différenciant « le choc des sensations » et « la perception de douleur », la perception impliquant selon lui, la représentation. Le « choc des sensations » est lié au surgissement et à l’immédiateté.

‘« La sensation est surgissement, irruption, pénétrance. Elle émerveille, elle brutalise l’esprit. » (D. Anzieu, 1993, p.48).’

Dans cette même lignée de travaux, E. Schmid-Kitsikis (2002) soutient l’idée que « l’objet serait ainsi saisi par les sensations avant même d’être perçu, reconnu, car il stimule la sensation » (p. 110).

C’est à partir du moment où il est perçu et « expériencié » qu’une distance nécessaire favorise l’accès à la représentation.

La sensation, l’émoi, les traces sensorielles de l’expérience constituent pour notre étude, des engrammes sensoriels irruptifs agissant, surgissant et réactivés par la scène ordalique. C’est pourquoi nous les rassemblons autour de la question de la temporalité et de son effet d’après coup. Intimement liées, sensation et temporalité gravent de leur sceau la nature même de l’expérience réactivée par le sujet. Nous retrouvons l’enjeu du « contour de vitalité» (D. Stern, 2004) qui permet au sujet de se localiser, au regard l’expérience ordalique et de ce qu’elle remobilise. La temporalité s’avère indissociable de la sensorialité, pour la compréhension de la scène ordalique. Elle inscrit au cœur du processus d’après coup, la dimension de la sensorialité qui accompagne le travail de remaniement inhérent à la subjectivité. La temporalité donne forme au coup et permet une reprise de sens dans l’après coup, des scènes anciennes mobilisées par la scène actuelle.