2. La scène au regard de deux segments temporels

La scène ordalique s’échafaude sur un ou deux segments temporels qu’au vu des quatre monographies présentées nous synthétisons comme suit :

Le premier est celui d’un appui qui s’effondre.

Le deuxième d’un obstacle qui surgit.

Nous appelons segments temporels l’ouverture vers ces deux thématiques que la scène ordalique présentifie. La proposition de segment favorise son bornage au sein de l’expérience qui remobilise le rapport au temporel-sensoriel. Nous l’articulons à l’expérience actuelle de l’appui qui s’effondre ou l’obstacle qui surgit. A l’origine, nous avons dit que la scène se déploie à partir d’un élément déclencheur qui enclenche un complexe processuel.

Nous avons également précisé que la scène ordalique opère en trois temps. Le deuxième temps inscrit l’expérience au sein d’un segment temporel qui revêt le statut de marqueur historique, que les traces laissées confirment. La figure du danger constitue une façon de créer une scène dotée de caractéristiques particulières à inscrire au sein d’un segment temporel pour qu’elle soit, nous le répétons «suffisamment bonne à symboliser ».

La temporalité reste pour notre étude rattachée au modèle d’après coup afin d’utiliser l’ouverture d’un segment temporel pour y loger la scène. Dans ce contexte, le segment temporel a valeur de scène ou de transfert sur l’espace, « transfert topique » (B. Duez, 1988, 2000b). Cependant, il nous paraît important de conserver l’idée d’une reprise de segment temporel en tant qu’il s’agit pour le sujet d’en réintroduire un, susceptible d’ouvrir un espace de différenciation (le temps où cela se vit, et où cela s’éprouve). Ce segment via l’événement peut être contextualisé, car il véhicule avec lui les traces des autres événements traumatiques et l’intensité des émotions vécues à ce moment-là. C’est pourquoi, nous choisissons de mettre l’accent sur l’introduction d’un segment temporel doté d’une fonction d’attracteur d’événements ayant gelé, figé de nombreux traumatismes.

Ce temps d’actualisation, tente une temporalisation, une tentative d’appropriation de l’impact d’événements de portée traumatique pour après l’épreuve, s’appuyer sur un récit susceptible d’accompagner le rétablissement de la temporalité.

Il s’agit là d’un long travail en appui sur l’actualisation d’un segment temporel et associé, aux sensations éprouvées par le sujet au moment de la survenue de l’événement et dans l’après coup.

L’événement, grâce à la reprise d’une scène logée dans un segment temporel, rétablit une articulation spatio-temporelle et aide au mouvement de reprise.

Nous avons accordé à ces deux segments, une fonction de potentialité figurative, dans la mesure où sont activés des processus représentationnels favorisant la reprise des inscriptions mnésiques sensori affectives. Il s’agirait là de considérer que

‘« Ces représentations primitives même lorsqu’elles ne sont que motions, appels, cris, «mouvement en quête d’une forme », (A. Green, 1985), orientent, infiltrent, dynamisent ou tuent l’activité sensori-motrice d’appropriation du monde et de «présentation de la psyché à elle-même » ( M. Despinoy et M. Pinol-Douriez, 2002, p. 14).’

Cette dynamique de mise en mouvement accompagne ou non le travail d’appropriation subjective de ces engrammes mnésiques.