1. 2. Le livre imprimé

Il faudra évidemment attendre la découverte de l'imprimerie au milieu du XVème siècle, pour que le livre connaisse une nouvelle expansion. Gutenberg, jeune graveur et joaillier de Mayence, fabrique une Bible avec des pages de 42 lignes entre 1450 et 1455 : c'est le premier livre imprimé avec des caractères mobiles. L’invention de Gutenberg et de ses associés Fust et Schöffer, révolutionne l’histoire du livre. L’extension régulière de l’imprimerie entraîne la disparition progressive de la copie manuscrite

En effet, dès les origines de l’imprimerie, les ateliers produisirent deux sortes d’ouvrages. Il y avait d’une part les grands livres ambitieux telle la Bible et d’autre part les livres de grammaires, les almanachs ou calendriers astronomiques, les lettres d’indulgence, sans oublier la littérature latine, etc.

L'intérêt de l'imprimerie apparaît immédiatement évidente : rapidité de composition, uniformité des textes (qui ne sont plus soumis aux erreurs des copistes), possibilité de produire en grande quantité et coût relativement moins élevé. Parmi les conséquences de l’invention de l’imprimerie, on citera : la diffusion de l’esprit de la Renaissance, la diffusion des textes et des idées à moindre prix, la diffusion de manuscrits anciens, le développement de l’esprit critique…

Plus de trente-mille incunables ont été ainsi imprimés entre 1450 et 1500, parmi lesquels figurent la Bible à quarante-deux lignes de Gutenberg (1455) et le Psautier de Mayence de Fust et Schöffer (1457). Vecteur désormais privilégié de la propagation des doctrines religieuses, l’incunable apprend le respect de Dieu, l’amour du Christ, l’art de mourir en sainteté30.

Les nouveaux ouvrages, rivalisant de beauté avec les manuscrits, s’enrichissent bientôt d’images imprimées dans le texte même. C’est le début de la gravure sur bois, notamment avec Albrecht Pfister, éditeur du premier livre allemand imprimé. L’évolution atteint aussi l’art de la reliure et surtout les caractères typographiques : type romain droit en Italie, type gothique en Allemagne et enfin, type italique penché, créé par Alde Manuce à Venise vers 150031.

De l’âge des incunables à l’époque des livres philosophiques, la société est passée par plusieurs étapes, qui sont autant de ruptures : rupture entre théologie et croyance, rupture entre religion et sécularité, rupture des réformes décisives entre 1530 et 1560, celle de la crise de la conscience à l’horizon 1680-1700, celle des Lumières vers 1750-1790 et après. A chaque moment, le poids de la production littéraire religieuse peut se relativiser et s’infléchir. Un transfert fondamental s’est joué entre le XVII ème et le XVIII ème siècles quand la production et la consommation livresque se sont laïcisées, même si les presses religieuses n’ont jamais chômé et si les petits livres de piété ont gagné du terrain à la veille de la Révolution.

La diffusion, dans un premier temps, se fait par des commis et vendeurs itinérants ou sur les foires et les marchés. Ce n’est, en définitive, qu’à la fin du XV ème et à partir du début du XVI ème siècle que des librairies à proprement parler commencent d’être documentées dans la plupart des villes importantes d’Europe occidentale. Des revendeurs non spécialisés assurent alors la diffusion dans les localités plus petites, et ces petits marchands ont, comme on le sait, un rôle décisif dans le succès de la Réforme luthérienne.

Nous sautons le XVII ème siècle pour souligner qu’au XVIII ème siècle, à l’aube de la révolution française le livre imprimé constitue le principal véhicule de la philosophie des Lumières. Il est au centre de toute la vie scientifique et culturelle européenne. L’imprimerie et le livre imprimé sont présentés comme les supports principaux de la diffusion des connaissances et donc du progrès possible, dans une perspective qui reste encore celle, supranationale, de la République des lettres32. C’est au cours de ce siècle que sont publiés des dictionnaires et des encyclopédies. Le grand ouvrage de cette époque est sans doute l’Encyclopédie de Didérot et d’Alembert.

La lecture devient la frénésie de ce siècle et favorise en même temps le développement des bibliothèques. On compte à travers l’Europe une centaine de bibliothèques de prêt donnant ainsi accès à des lectures variées. Le XVIII ème siècle est marqué par le développement de la bibliophilie et le goût des grandes collections puisque le livre fera usage de la couleur tout en rénovant la typographie. De plus, l’arrivée de la Révolution française donnera au livre une liberté beaucoup plu grande. Soutenu par de progrès technologiques qui se multiplient, le livre devient un incontournable moyen de communication de masse. Désormais, il ne fait plus que comprendre le monde, il se propose de le transformer.

On assiste donc à une privatisation progressive du livre. Avec l'avènement de la culture bourgeoise il devient de moins en moins épais, le format in octavo, le format in-douze et même le très fin format in-seize s'imposent comme les formats préférés des amateurs de littérature. Le livre se démocratise avec l'apparition au XIXème siècle de livres reliés en toile et non plus en cuir, puis au XXème siècle avec le livre de poche.

Notes
30.

Cf. Les trois révolutions du livre, édit., de l’imprimerie nationale, Paris, 2002, p. 258.

31.

Cf. Yahoo ! Encyclopédie – l’histoire du livre

32.

Cf. L. Febvre et H-J Martin, Op.Cit., p. 538.