2.1.3. L’action pastorale de l’Eglise

Inter mirifica insiste sur la formation des usagers en mettant les fidèles catholiques devant leur responsabilitéd’aider la presse catholique à jouer son rôle où qu’elle se trouve.

Dix articles composent le second chapitre sur l’action pastorale de l’Eglise.

Il s’agit des articles 13 jusqu’à 22. On peut résumer les recommandations de l’Eglise en cinq verbes : prévenir, servir, soutenir, former, organiser.

Il est question pour l’Eglise de prévenir le mal ; « tous les membres de l’Eglise auront à cœur de prévenir les initiatives mauvaises, surtout là où l’évolution morale et religieuse réclame leur intervention de manière plus urgente ».

Se servir des moyens de communications sociale est un devoir pour l’Eglise, qui devra également soutenir des productions « honnêtes », « saines » ou « bonnes ». Les catholiques sont appelés à lire et à diffuser la presse catholique qui explique la vie de l’Eglise et les aide à se former un jugement chrétien sur les événements.

Enfin, former les usagers et organiser le secteur de la communication dans l’Eglise. Les articles 15 et 16 mettent en relief la formation des professionnels et des usagers. Prêtres, religieux et laïcs devront acquérir une véritable compétence technique, doctrinale et morale. Le concile recommande la multiplication des écoles, facultés, instituts où journalistes, auteurs, acteurs, critiques, pourront recevoir une formation complète imprégnée d’esprit chrétien.

Plus de quarante ans après le concile Vatican II, on peut aujourd’hui se demander où on en est de la formation chrétienne et de l’évangélisation des professionnels. L’article 16 invite à la formation des usagers pour la bonne utilisation des médias : au catéchisme, dans les écoles, les séminaires, les groupes d’apostolat des laïcs ; une formation théorique et pratique spécifique selon chaque média doit être effectuée. Comment cette formation est-elle organisée ?

La plupart des diocèses ont des radios, des organes de presse et certains professionnels travaillent à l’éducation des fidèles, mais ce n’est pas encore assez. A notre connaissance, l’Eglise ne dispose pas encore d’un plan d’enseignement concernant les médias. Chaque Eglise particulière s’organise comme elle l’entend. Avec parfois des moyens de bord. Dans les séminaires, depuis la publication des « directives sur la formation des futurs prêtres », aucune étude sérieuse, à notre connaissance, n’a été réalisée pour déterminer les grandes lignes de cet enseignement. La formation et l’évangélisation dans ce domaine nécessitent une véritable politique de communication. Cette politique ou plan de communication peut se faire à la manière du catéchisme. Ce qui ne veut pas dire un deuxième catéchisme consacré exclusivement aux médias, cependant l’on peut s’inspirer de ce modèle pour assurer la formation des fidèles aux médias.

Au sein des structures paroissiales ou diocésaines, il serait intéressant que professionnels et non professionnels, se retrouvent régulièrement pour échanger, se former, etc. Ce type de groupe pourrait prendre la forme d’un « conseil pastoral restreint de la communication ».

Dans les séminaires, il convient de savoir exactement ce qu’il faut enseigner aux séminaristes. Là encore il y a un énorme travail d’études à faire pour fixer le contour de cet enseignement ainsi que le but à atteindre.

Pour conclure, disons que du point de vue des médias Inter mirifica est un texte qui a déçu. Il n’apporte pas grand-chose quant à leur connaissance. Au regard, des idées avancées par Pie XII concernant l’usage des moyens audiovisuels, on voit bien que Inter mirifica n’a pas vraiment fait progresser le débat dans ce domaine. Bien qu’il ait ouvert quelques brèches comme nous l’avons souligné. Inter mirifica reprend la position de Pie XII sur le double usage des médias, qui peuvent servir à aider et en même temps à détruire l’homme, d’où la nécessité pour l’Eglise de veiller à leur bon usage. Le langage de Pie XII est encore celui des techniques de diffusion ; c’est ce même langage qui continue avec Vatican II dans Inter mirifica. Selon ce document de l’Eglise, le rôle de l’Etat est de veiller au bon déroulement de la communication. Pour Miranda prorsus, il doit veiller à la moralité publique de ce qui est diffusé. D’autre part, la question de la culture dans la communication, abordée par Pie XII ne sera largement exploitée que par l’Instruction Aetatis Novae c’est-à-dire près de trente-cinq ans plus tard.

Si Inter mirifica n’a pas produit des avancées dans le domaine des médias, il a tout de même fait prendre conscience de l’ampleur du phénomène.

Avant de quitter ce point, il est intéressant de revenir sur l’aspect moral qui est l’angle à partir duquel l’Eglise aborde la question des médias. En effet, dans la plupart des démocraties industrialisées, comme le souligne Claude-Jean Bertrand, l’idéologie est originellement d’instance judéo-grecque, chrétienne. Résumée en une phrase : l’être humain fait à l’image de Dieu a été souillé par le péché originel. Il est noble et corrompu. Il possède des droits mais il est astreint à des devoirs253. L’on sait par ailleurs que l’utilisation des médias soulève des inquiétudes liées notamment au respect de l’homme. De ces inquiétudes note Jean Gelamur, surgissent des questions à dimension éthique, car le rôle social des médias s’accroît avec la puissance que leur confère le progrès technique. Les médias dit-il, posent indiscutablement des problèmes éthiques254.

Selon Joël Roman, la question de l’éthique dans les médias a connu, au cours des dernières années, un regain d’intérêt considérable, comme en témoigne le nombre de débats, de colloques, de livres ou de numéros spéciaux de revues qui lui fut consacré. Ce fut, bien entendu, le traitement médiatique des grands événements internationaux, et notamment la « révolution » roumaine de décembre 1989, puis la guerre du Golfe, qui devait mettre ainsi les médias sur la sellette, la guerre en Irak, etc. Mais à cette occasion resurgirent des questions qui avaient pu être sporadiquement posées ici ou là : les rapports de la presse avec le terrorisme ou la montée de l’extrême droite, la fonction respective du texte ou de l’image, la protection de la vie privée, la construction de l’information.

A l’instar de ce qui se joue dans d’autres domaines comme la médecine, la frontière entre les problèmes techniques et les questions éthiques est devenue floue. Il semble donc nécessaire d’actualiser une déontologie propre au journalisme. Pour Jean Gelamur, l’éthique des médias ouvre la voie à l’interrogation non seulement sur la déontologie de l’information mais sur le sens du progrès et ses retombées sur l’homme et sur la société, pour nous et les générations futures. Mais, au-delà, c’est la question du rôle des médias dans une démocratie, et de la forme qu’ils impriment à l’espace public, qui se trouve posée255.

Notes
253.

C-J, Bertrand, La déontologie des médias, (coll. Que sais- je ?), PUF, Paris, 1997, p. 33.

254.

J. Gelamur, Art. Cit., p. 17.

255.

J. Roman, « Ethique et journalisme : vers un « civisme » de l’information ? » dans Encyclopaedia Universalis, édit., Encyclopaedia Universalis, France, 1992, p. 97.