Communio et Progressio apporte des éléments de doctrine totalement inexistants dans le texte précédent. Rappelons qu’en lieu et place de fondement théologique, Inter mirifica se contentait d’affirmer le droit et le devoir de l’Eglise catholique d’utiliser les moyens de communication sociale en vue de servir l’homme dans le sens voulu par Dieu. Dans Communion et Progrès, la théologie repose sur l’histoire du salut centrée sur le Christ. Dans une vision biblique qui affirme l’homme comme image de Dieu, chargé de prolonger la création en dominant la terre, le texte parle des moyens de communication sociale comme reflets de la société et des mentalités, comme participation à la puissance créatrice de Dieu, pouvant permettre aux hommes une union plus grande.
Concernant le rôle des médias, il souligne que « les moyens de communication sociale informent sur la vie du monde d’aujourd’hui. Grâce à eux, nous connaissons ce qui se passe ailleurs et chez nous. Ils nous ouvrent au monde et aux autres. Ils appellent à la solidarité et à l’unité du genre humain (l’union entre les hommes). La communication sociale est de nature tournée vers la réalisation « des échanges entre les hommes » (§ 8). Selon la foi chrétienne, l’union entre les hommes est la fin principale de toute communication ». Cependant, une mauvaise utilisation des moyens de communication sociale peut conduire l’humanité à la dérive. C’est le cas des médias qui attisent la haine entre les populations. On peut citer la radio Mille Collines qui a joué un rôle macabre au Rwanda pendant le génocide. Les médias peuvent être au service des intérêts partisans et jouer un rôle trouble au sein de la société.
Pour l’Eglise catholique, communiquer ce n’est pas seulement exprimer des idées ou des sentiments ; c’est faire le don de soi par amour. Si communiquer c’est mettre en commun, la communication devient alors un don mutuel des personnes qui communiquent entre elles. Communiquer, c’est s’ouvrir, parler, écouter, échanger, être ensemble, solidariser… Dans la communication, il y a le contact, l’homme se donne aux autres ; il partage ce qu’il est et ce qu’il a avec les autres.
Les moyens de communication sociale apportent un nouveau langage basé sur la simplification qui permet aux hommes de se mieux connaître, de se comprendre et de se rencontrer. Dès lors, la solidarité peut spontanément se mettre en route, parce qu’on arrive à sonder les sentiments de l’autre. Sonder l’autre, percer le secret de son cœur, pénétrer son intelligence, essayer de le comprendre dans le sens de « cum prehendere » (prendre avec), c’est aussi et finalement « aller avec », « être en communion avec ». On retrouve ici les racines même de la communication qui vise la communion entre les hommes.
Au demeurant, la communication doit obéir aux règles de la sincérité, de l’honnêteté et de la vérité. L’intention bonne et la volonté droite ne suffisent pas à rendre une communication honnête. Il faut en outre rapporter les faits, en donner une image fidèle. Le mérite et la valeur morale d’une information ou d’une émission ne dépendent pas seulement du sujet traité, ni de la doctrine qui y est implicitement contenue, mais aussi du genre adopté, du ton et du style de présentation, du contexte dans lequel elle s’insère, en fonction du public auquel elle est destinée.
En effet, puisque c’est l’homme lui-même qui décide de la manière d’utiliser les inventions, les principes moraux qui les régissent reposent sur la juste considération de la « dignité de l’être humain ». Dès le départ, l’Eglise catholique a abordé la question de la communication en rapport avec l’usager, c’est-à-dire en rapport avec l’homme. L’homme qui se sert des moyens de communication doit être au centre ; car c’est lui qui communique et il doit le faire de façon responsable. D’autre part, la communication ne peut se faire qu’avec un partenaire ; d’où la nécessité pour lui de connaître les enjeux de celle-ci, afin qu’elle serve son progrès et son épanouissement.
Les moyens de communication sociale devront être appréciés en fonction de leur contribution au bien commun. « Les informations, les émissions artistiques et les divertissements doivent concourir à la vie et aux progrès de la collectivité. Les moyens de communication doivent donner non seulement les événements, mais aussi les circonstances pour permettre à toutes les personnes de comprendre les problèmes de la société et de contribuer activement à son progrès ».
Mieux connaître les hommes, mieux les comprendre, promouvoir une entraide plus effective, c’est ce que la communication sociale peut obtenir, de façon remarquable, en harmonie avec les fins mêmes de l’Eglise qui est l’unité de tous les chrétiens en Jésus–Christ. Comme le souligne Michel Boullet, l’homme est un être social, qui vient des autres, d’un Autre, chemine avec les autres, engendre et oriente d’autres dans leur existence. Autrement dit, la condition de son existence et de son développement est la « relation ». Il se façonne à travers des rapports d’altérité261.
M. Boullet, Philosophie et théologie de la communication, dans Les Médias et nous. Quels pouvoirs ? Quelles libertés ? p. 51.