Si l’on considère les avantages des médias du point de vue religieux, l’on retiendra qu’ils transmettent des informations sur les événements, les idées et les personnalités religieuses. Ils sont des vecteurs d’évangélisation et de catéchèse. Ils fournissent des occasions de prière aux personnes contraintes de rester chez elles. Pour ce qui est de l’Internet, il offre aux personnes un accès direct et immédiat à d’importantes sources religieuses et spirituelles (des bibliothèques, musées et lieux de culte, des documents du magistère, des écrits des Pères et des Docteurs de l’Eglise, ainsi que la sagesse religieuse des différentes époques). Grâce à Internet « des communautés de foi virtuelles naissent et mettent les personnes en contact, ce qui permet de s’encourager et de se soutenir mutuellement ». C’est le cas du site de la famille saint Joseph qui propose des méditations quotidiennes de la Parole de Dieu, la formation spirituelle et humaine, des occasions de rencontre et de partage, etc.
Selon le document ecclésial, Internet est approprié pour la nouvelle évangélisation, la catéchèse et d’autres types d’éducation, l’information, l’apologétique, le gouvernement et l’administration, l’échange au sein de l’Eglise, le dialogue, la conservation des données, et certaines formes de direction pastorale et spirituelle. Il offre à l’Eglise un moyen de communiquer avec des groupes particuliers, jeunes, adultes, personnes âgées ou contraintes de rester à la maison, personne habitant dans des régions éloignées, membres d’autres confessions religieuses, qu’il serait autrement difficile d’atteindre.
Internet peut également être utilisé comme outil de communication interne. Ce qui exige qu’on tienne compte de son caractère particulier de moyen direct, immédiat, interactif et de participation. Ceci dit, il permet un échange d’information et d’opinion entre les pasteurs et les fidèles, la collaboration entre les Eglises particulières et les instituts religieux au niveau local, national et international. Internet peut aussi être utilisé de façon créative dans différents domaines de l’administration et de la gestion.
Le développement d'Internet provoque des bouleversements dans de nombreux secteurs : journalisme, politique et législation, économie, etc. Parlant du journalisme, on remarque qu’avec Internet, les journalistes ne sont plus les détenteurs exclusifs des sources d’information et ne peuvent plus revendiquer leur qualité d’intermédiaires entre le public et les émetteurs de l’information277. La cyberinformation,- l’information diffusée sur le web – occupe de plus en plus le terrain. Internet offre au grand public la possibilité de recevoir de l’information en continu, ce qui n’était jusqu’ici réservé qu’aux abonnés des agences de presse internationales. Internet offre la possibilité de faire soi-même son marché d’informations. L’information perd son identité. Les utilisateurs la génèrent eux-mêmes sans passer par les journalistes (il faut dire que cela ressemble davantage à la « documentation » plutôt qu’au « journalisme »). Le journalisme est présenté comme « une forme d’écran dont Internet permet de se libérer et les journalistes comme des censeurs ou des freins sur la route du Net, voie royale pour se libérer de leur tutelle culturelle et remplir soi-même son panier de nouvelles »278.
L’apparition sur le Net d’un journalisme que François de Muizon qualifie de « sauvage » pose deux problèmes : la fragmentation de l’information et le service à la carte. Avec Internet, les journalistes sont confrontés à la fois à un nouveau type de concurrence et une remise en cause de leur déontologie. Les nouveaux venus « considèrent qu’une information n’est pas composée de diverses données mais que chaque donnée peut devenir en elle–même une information. Il n’y a plus identification et contrôle des données mais reproduction. Ce n’est plus du journalisme mais de la duplication, c’est-à-dire de la communication ou de la propagande »279. Internet fragmente l’information et hâte la diffusion de données qui ne possèdent pas une valeur ajoutée journalistique suffisante. Cette parcellisation décrédibilise l’information. Internet devient alors un vecteur de manipulation, de désinformation et d’accentuation des rumeurs. Le journaliste doit redoubler de vigilance face à cette diminution de la fiabilité de l’information280, car on ne sait plus distinguer avec exactitude ce qui est « vraiment vrai » de ce qui est « vraiment faux ».
Nous sommes comme dira François de Muizon, en présence d’un « forum global médiatisé dont Internet est l’agora planétaire » ; un agora planétaire qui ressemble à un bateau sans capitaine. Ainsi, pour résoudre la question de la réglementation et afin d’éviter le débordement dans les forums, les concepteurs et utilisateurs ont développé un code de conduite pour les interventions appelé Netiquette. C’est un code de déontologie souple et pratique qui n’a rien à voir avec des règles imposées de l’extérieur. Cela pour garantir la liberté et la responsabilité personnelles de chacun des utilisateurs. La Netiquette, c’est la morale et la responsabilité, contre l’ordre moral imposé281. On voit bien que le défi de la réglementation de cet outil reste encore entier.
Avec Internet, les journalistes courent trois grands risques. Le premier est la manipulation. Il est difficile de vérifier certaines données publiées sur internet. Les communicants des organisations et entreprises, publiques et privées, s’efforcent, désormais, de produire une information spécialement adaptée aux besoins des journalistes, si bien qu’elle les dissuade d’aller la vérifier. Le deuxième est l’uniformisation. La tentative est grande de reprendre les informations fournies par les confrères, étrangers surtout, et de se contenter de les mettre en forme. Le troisième péril est la dépossession. L’explosion des nouvelles alternatives rend nécessaires de nouveaux processus de vérification et de validation.
Les nouveaux réseaux de la communication modifient en profondeur la recherche, la production et la diffusion de l’information. Nous allons vers une révolution dans la pratique journalistique. A l’égard d’Internet, les hommes d’information sont donc amenés à redéfinir leur fonction et leur éthique face aux nouvelles technologies282. En effet, l’information est un travail, avec ses règles, ses apprentissages, ses vérifications. Grâce à la liberté qu’offre le Net, certains croient pouvoir s’en émanciper et propager le faux sans rencontrer les obstacles professionnels, déontologiques ou commerciaux qui sont ceux des autres médias283.
Au reste, Internet est devenu aujourd’hui un grand enjeu pour la démocratie. Il est utilisé dans les élections et les candidats s’en servent pour leur propagande. Il est un moyen de communication à part entière qui impose le développement d'une planification stratégique à long terme. Aujourd'hui, chaque parti politique considère ce média comme un moyen d’information et de propagande ; une vitrine du parti. Grâce à Internet, chaque parti tente de convaincre l'électeur votant pour un parti opposé de modifier son choix. Le site web permet alors de réaliser une politique de "chasse" envers les votants. D’autre part, l'apparition du phénomène blog joue également un rôle dans la politique d'un parti. On peut différencier les blogs créés directement par les partis eux-mêmes et ceux provenant des particuliers.
Internet permet la gestion interne de l'entreprise, la conception, la production, il est un outil de recherche (de partenaires, de fournisseurs, d'idées...), tout comme un outil commercial et il permet de travailler chez soi sans avoir à se déplacer.
Enfin, Internet représente une opportunité extraordinaire pour les personnes non-voyantes. Il permet aux non-voyants d’accéder à la même information que les voyants, ce qui représente un progrès par rapport à l’enregistrement audio ou à la transcription braille. C'est une porte ouverte sur le monde. Un nouveau départ pour tous, voyants ou non-voyants.
Une personne non-voyante peut très bien utiliser le courrier électronique. Elle peut faire des achats, des transactions bancaires ou compléter les formulaires administratifs de son entreprise sans avoir à se déplacer. Au clavier de son ordinateur, elle est un employé ou un client comme les autres et élimine ainsi de nombreuses situations de handicap. Internet dans ce cas, offre un potentiel d’intégration sociale tout à fait exceptionnel.
Au regard de tous les avantages susmentionnés, Internet suffit-il à créer le sentiment communautaire ? L'annonce de l'Évangile peut-elle profiter de l'abolition des frontières proposée par Internet ? Faut-il voir dans le rapprochement des internautes l'essor d'une nouvelle fraternité ou peut-on considérer la communication en réseaux comme une nouvelle tour de Babel ?
Le document cite quatre défis à relever concernant l’utilisation d’Internet : la formation des jeunes, des séminaristes, des prêtres, des religieux et religieuses, la formation du personnel pastoral laïc, des enseignants, des parents et des étudiants à l’usage d’Internet. A côté de la formation il y a la lutte contre le relativisme des médias car « le monde des médias peut parfois paraître indifférent, et même hostile à la foi et à la morale chrétienne ». Pour « la culture médiatique, la seule vérité absolue est qu’il n’existe pas de vérités absolues ou que, s’il y en avait, elles seraient inaccessibles à la raison humaine et par conséquent hors de propos »284.
La lutte contre l’incitation à la haine est aussi un des points sur lequel l’Eglise fait attention, car on retrouve sur Internet la présence de sites incitant à la haine, attachés à diffamer et à attaquer des groupes religieux et ethniques. Emmanuel Perret fait remarquer, qu’à partir d’un ordinateur personnel, un adulte et même un enfant peuvent se connecter sur Internet et découvrir des sites d’insultes, d’appels au meurtre et des menaces de toutes sortes. Enfin, la prolifération des sites dits catholiques, quicrée de l’amalgame entre des interprétations doctrinales excentriques, des pratiques de piété particulières, des plaidoyers idéologiques affichant un label « catholique », et les positions authentiques de l’Eglise. Le défi à relever est celui du discernement.
La cybercriminalité qui n’est pas très développée par le document de l’Eglise fait également partie des défis à relever : intrusions et vols d’informations et de contenu de l’ordinateur, sabotage de données et altération d’informations, détournement de sites, de textes et d’images, Internet favorise les trafiquants de tout genre, le contact entre les terroristes, la prostitution, le trafic d’organe, la pédophilie et la pornographie infantile, le trafic de propriété intellectuelle, le piratage de logiciels, le piratage de l’industrie musicale, le détournement des fonds, les fraudes financières (circulation, blanchissement d’argent), etc285. En outre, il met en cause les frontières politiques et légales. Un écrit censuré dans un pays peut être repris sur des dizaines de sites à l'étranger. Un produit interdit ou grevé de taxes est simplement livré à partir d'un autre pays. Les transactions sont effectuées là où le fisc est moins gourmand et les législations moins contraignantes. Comme tout autre moyen de communication, Internet est utilisé pour le meilleur et pour le pire, par les crapules comme par les bienfaiteurs de l'humanité.
L'impact réel du développement d'Internet commence seulement à se faire sentir. La boîte de Pandore est aujourd'hui grande ouverte et ne se refermera plus. Car, comme lors de l'invention de l'imprimerie, les effets importants se situeront aux niveaux social, politique, culturel et économique, éclipsant totalement l'aspect technologique.
F. d’Almeida et C. Delporte, Op. Cit., p. 349.
F. de Muizon, Le défis de l’infocommunication. Le journalisme menacé par la communication ? édit., l’Age d’Homme, Lausanne, Suisse, 2000, p. 69.
F. de Muizon, Op. Cit., p. 67.
E. Perret, Op. Cit., p.177.
E. Perret, Idem., p. 32.
F. d’Almeida et C. Delporte, Op. Cit., p. 349- 350.
E. Perret, Op. Cit., p. 194.
Jean- Paul II, Message pour la XXXV ème Journée mondiale des communications sociales, n° 3.
Pour plus d’information, on peut lire le livre d’Emmanuel Perret, Alertes sur Internet. Manipulations et délinquances, chapitre 2 ( Du « cyberdéfi » à la cybercriminalité), pp. 37 – 129.