3.4. Jean- Paul II et les médias

Pour Jean Paul II, « le premier aréopage des temps modernes est le monde de la communication, qui donne une unité à l’humanité en faisant d’elle, comme on dit, un « grand village ». Les médias ont pris une telle importance qu’ils sont, pour beaucoup de gens, le moyen principal d’information et de formation ; ils guident et inspirent les comportement individuels, familiaux et sociaux »²⁹¹.

Jean-Paul II engage résolument l’Eglise sur le chemin des médias. Lui-même s’en est servi sans réserve en donnant ainsi l’exemple. La première des conditions est donc de connaître leur culture. Ainsi, on s’y attelle, avec des sessions de formation, des conférences, des journées d’études, etc. La formation devient un leit motiv. Celle-ci est organisée dans des diocèses à travers le monde entier, chaque Eglise particulière cherche absolument à avoir une Radio, d’autres vont jusqu’à combiner radio et télévision : comme le diraient Henri Tincq et Gérard Defois, l’Eglise est de plein pied dans la communication. Bien que dans de nombreux diocèses les initiatives soient encore fragiles, un mouvement est né et on sent bien qu’il sera irréversible. On peut ainsi affirmer sans se tromper qu’avec Jean–Paul II l’Eglise catholique connaît un tournant et que la communication fait désormais partie intégrante de la mission et de la pastorale de l’Eglise.

Jean-Paul II insiste sur la responsabilité des médias, la coopération avec les médias, l’homme qui doit être au centre de toute communication, la mission et la morale de l’Eglise, la solidarité et la paix dans le monde, les médias au service de l’entente entre les peuples, la connaissance de la culture médiatique, la lutte contre les excès du capitalisme, le dialogue inter- religieux, etc.

Nous sommes à « l’ère de la communication ». Ce qui est certain, c’est que nous sommes à l’ère des « moyens techniques de communication ». Vouloir vivre l’ère de la communication, c’est avoir l’intention philosophique et théologique, une certaine vision de l’homme et de Dieu²⁹².

En parlant de ce pape dans ses rapports avec les médias quelques thèmes récurrents retiennent notre attention.

1°) la responsabilité des médias. Il reconnaît que les médias exercent une influence certaine sur la culture et sur l’homme. La technologie moderne met à la disposition de l’homme des possibilités sans précédent en vue du bien, pour répandre la vérité et pour promouvoir l’harmonie et la réconciliation. Un mauvais usage de la communication peut causer un mal indicible, suscitant des malentendus, des préjugés et même des conflits.

2°) Jean-Paul II explique aussi comment il envisage la relation de l'Église et des média, en termes « d'amitié » et de « coopération ». « Tout au long de l'itinéraire de la recherche humaine, dit-il, l'Église souhaite être l'amie des médias, car elle sait que chaque forme de coopération servira au bien de tous. Il insiste sur l'amitié et le dialogue »²⁹³.

3°) La contribution à l’instauration de la paix est une des voies principales qui permet aux médias de rassembler les gens, son influence en faveur d’une mobilisation rapide d'aides humanitaires en réponse aux catastrophes naturelles est une autre de ses potentialités. En effet, les médias possèdent un énorme potentiel pour encourager la paix et construire des ponts entre les peuples, brisant le cycle fatal de la violence, des représailles et de la nouvelle violence qui se répand aujourd'hui.

4°) Jean–Paul II insiste sur l’application des principes d’ordre moral comme le rappelle le concile Vatican II : « afin que les médias soient correctement utilisés, il est essentiel que tous ceux qui en font usage connaissent les principes de l'ordre moral et les appliquent fidèlement » (Inter mirifica). Le principe éthique fondamental est le suivant: « La personne humaine et la communauté humaine sont la fin et la mesure de l'usage des moyens de la communication sociale; la communication devrait se faire par les personnes vers les personnes pour le développement intégral des personnes ».

5°) Une des manières les plus appropriées d'accomplir cet objectif c’est l’éducation.

Le premier message de Benoît XVI pour la Journée mondiale des communications sociales (28 mai 2006) qui a pour titre : « les médias, réseaux de communication, communion et coopération », revient à peu près sur les thèmes développés par Jean-Paul II ; ce qui indique que son successeur s’inscrit dans la continuité, comme en témoignent ces extraits :

• « l'appel aux médias d'aujourd'hui à être responsables, à être les protagonistes de vérité et promoteurs de la paix qui s'ensuit, implique plusieurs défis (…).
• « Pour encourager une présence constructive et une perception positive des médias dans la société, je souhaite réitérer l'importance de trois étapes, identifiées par mon vénérable prédécesseur Jean-Paul II, nécessaires pour leur service du bien commun: la formation, la participation, et le dialogue ».
• « La formation à l'usage responsable et critique des médias aide les personnes à les utiliser intelligemment et de manière appropriée... ».
• « Comme service public, la communication sociale exige un esprit de coopération et une co-responsabilité (…) ».
• « Finalement, la promotion du dialogue par les échanges d'enseignement, par l'expression de la solidarité et l'instauration de la paix présente une grande chance pour les mass media, qu'il faut reconnaître et exercer ».

Bref, on peut dire que la responsabilité des médias et la place de l’Eglise en tant qu’autorité morale sont des thèmes récurrents dans les discours de l’Eglise catholique pendant la période Jean-Paul II. Au demeurant, si Jean-Paul II savait manier les moyens de communication, l’Eglise, elle, avait plutôt à apprendre à se servir des médias. Le fait qu’il ait pu promouvoir leur usage en son sein ne signifie pas qu’elle s’en soit servie correctement. La fracture entre « médias et évangélisation », est en passe de se réduire, le défi de la communication reste encore présent. Ce défi en appelle à la théologie.