1.1.1. Les tâches essentielles des journalistes

Le journaliste catholique comme tous les autres se réfère dans l’exercice de ses fonctions aux principes universels qui régissent le métier. Le journaliste de La Croix en plus de ses responsabilités, a pour mission de découvrir et de faire découvrir la vérité de l’évangile, dans son incidence avec les faits. « C’est par les faits et à l’occasion des faits, de toute l’actualité profane et religieuse, dans tout ce qui arrive chaque jour : guerre, grève, élections, compétition sportive, congrès politique, rencontre œcuménique, fête liturgique, convoi de réfugiés, découverte scientifique, conflits, essai nucléaire, etc., qu’il fait passer le message évangélique »³⁴³. En d’autres termes, la fonction du journalisme catholique est de porter un jugement chrétien sur l’événement, sur toute l’actualité ou plutôt d’éveiller la conscience chrétienne à propos de l’événement.

Trois éléments entrent en jeu lorsqu’on parle de la conscience chrétienne de l‘événement : la connaissance concrète d’un événement, les vérités du Credo et les directives de l’Eglise, la confrontation des principes journalistiques à l’événement³⁴⁴. Deux remarques s’imposent à ce niveau : d’un côté les faits ne se révèlent pas de la même manière à tout le monde et de l’autre la lecture que l’on peut avoir d’un fait est tributaire de la formation, de la culture et des compétences d’un individu. C’est pour éviter de tomber dans ce piège que l’esprit critique s’impose comme garde-fou. En effet, la connaissance concrète d’un événement et sa confrontation avec les principes journalistiques comporte toujours une part d’approximation, de probabilités, des jugements prudentiels ; elle ouvre pour ainsi dire les portes à une diversité d’opinions. D’où la question de la relativité de jugement sur les événements ; ce qui fonde ainsi la liberté dont la presse peut et doit jouir à l’intérieur ou en face de l’Eglise.

Si la hiérarchie doit courir à tout moment derrière les événements qui se passent sur le terrain et si, à chaque fois, elle doit donner son point de vue, il y a pour elle un grand risque de compromissions. Les journalistes, appelés à influer sur les opinions, sont mieux outillés pour y œuvrer. Ce faisant, puisqu’il s’agit de l’évangélisation – travail de concertation - il est donc souhaitable que tout en gardant sa liberté, le journaliste se réfère sur certains sujets à la hiérarchie ; cela non pas dans le but de se laisser diriger, mais pour chercher plus de lumière sur des choses qui ne lui paraissent pas claires. Selon le décret Inter mirifica la presse catholique a pour mission d’imprégner pleinement les lecteurs d’esprit chrétien, elle doit être publiée par l’autorité ecclésiastique elle-même ou par des catholiques, dans l’intention de former, d’affermir et de promouvoir une opinion publique conforme aux droits de l’homme ainsi qu’à la doctrine et à la discipline catholiques et qui diffuse et explique loyalement les faits relatifs à la vie de l’Eglise.

En France, les évêques ne sont pas propriétaires des journaux, à la différence de leurs collègues d’Italie par exemple. Ce qui ne les empêche pas d’éclairer les journalistes sur des sujets importants touchant à la vie de l’Eglise. La logique démocratique de la presse, qui est celle de la confrontation des idées, des approximations, comporte une bonne dose de dialogue et de négociation avec l’événement, la société et même au sein de l’Eglise elle-même. L’autorité ecclésiastique en tant que guide, père, et arbitre ne peut bien jouer son rôle dans la presse et les médias qu’en prenant l’initiative sur l’organisation, la mise en place des structures, la formation morale, doctrinale et spirituelle, et en laissant les journalistes faire librement leur travail.

La vocation du journaliste catholique est de donner un témoignage chrétien sur l’événement d’actualité, auprès des lecteurs de journaux, afin de « christianiser » l’opinion publique. C’est ce qui le différencie de ses collègues qui oeuvrent dans les journaux laïcs. Il s’agit d’une part, de former et de maintenir une opinion publique libre au sein de l’Eglise, et d’autre part, d’influer sur l’opinion publique en général. La mission du journaliste chrétien nécessite une vision globale des questions de société et une bonne synthèse de la doctrine de l’Eglise. Il ne suffit pas seulement que les lecteurs connaissent la doctrine pour juger les événements, encore faut-il qu’ils en mesurent les dimensions et comprennent leur importance historique afin de juger par eux-mêmes à la lumière de la foi. Le rôle du journaliste ne consiste pas à exposer ou étaler ses convictions ou encore à les partager ; mais à analyser les faits en leur donnant un sens. Ce sens fût-il chrétien, ne peut s’éloigner des faits sous peine de trahir l’objectivité et de passer à côté de la vérité.

L’éclairage que le journaliste apporte aux faits, à la lumière de la foi, confère à l’événement une dimension de « message ». Ainsi donc, le journaliste est un « messager » ; il agit sur l’intelligence et la conscience des gens. La relation « journal (journaliste) – lecteurs » se présente comme un accompagnement, une orientation, une formation, une « direction » de conscience. On rejoint pour ainsi dire une des missions que l’Eglise assigne au journalisme : « exercer une influence sur l’opinion, la former, l’orienter ». Pour l’Eglise le journaliste est d’abord un faiseur d’opinion. Selon Emile Gabin, l’information est la fonction propre de tout journal, donc aussi du journal catholique. On achète un journal pour s’informer, être au courant de l’opinion des autres pour enfin se faire sa propre opinion. Cependant, l’information, par les connaissances qu’elle délivre, concourt pour ainsi dire à la formation. Si information signifie mise en forme, elle peut aussi signifier introduire dans la formation (In - former).

Au regard de ce qui précède, on peut dire que le journal catholique l’est, par sa collaboration à l’action de l’Eglise. Toutefois, puisqu’il doit être, par fonction sociale, l’interprète et l’avocat des membres de l’Eglise, le journal catholique sera pour l’Eglise, dans un monde en transformation, un collaborateur indispensable et gênant dans certains cas. Surtout lorsqu’il faut faire remonter à la hiérarchie certains points de vue dérangeants des fidèles (critique sur telle ou telle chose). La fonction du journaliste est éminemment sociale. Il a donc des responsabilités particulières qui lui sont dictées par la nature globale de l’instrument qu’il utilise, par les sujets qu’il traite et le public qu’il atteint. Dans son information, il doit être vrai et honnête ; son commentaire doit reposer sur la sincérité et la justice. Il est responsable à l’égard des personnes et de la société, tant au point de vue de la moralité que de la culture. La visée fondamentale de son action, est de favoriser l'intérêt public, la démocratie et le respect des valeurs humaines de base par la diffusion d'informations vraies et importantes.

Dans cet esprit, le journaliste a le devoir d'assurer la vitalité démocratique de la société en informant ses concitoyens des faits qui peuvent avoir une incidence pertinente sur la conduite autonome de leur vie. Le journaliste est un chercheur procédant à une forme d'interrogatoire public, au nom de ceux qu'il représente. Il doit assumer pleinement son rôle de représentant du public. Cela demande le respect des normes déontologiques, l’honnêteté intellectuelle, l’intégrité, la rigueur et l’impartialité. Autrement, il aura peine à plaider l'utilité sociale de sa fonction. S’agissant du secret, dans l’Etat ainsi que dans l’Eglise, le principe en vogue jadis était le suivant : l’autorité est juge discrétionnaire de ce que le peuple doit savoir. De son côté, l’Eglise catholique a un gouvernement régi par les lois de la prudence, de la justice et de la charité car elle doit préserver sa mission qui est d’abord d’ordre spirituel. Mais cela ne constitue pas une raison pour imposer un embargo sur les informations.