En considérant le pourcentage des lecteurs et des lectrices de ce journal, on constate, qu’à la différence de la presse catholique en général qui dénombre plus de femmes parmi ses lecteurs, La Croix compte plus d’hommes que de femmes. 51, 5 % de lecteurs et 48, 5 % de lectrices, tels sont les chiffres officiels publiés par l’Office de Justification et de Diffusion des supports de publicité en 2005. En effet, si la lecture du journal est individuelle, l’actualité qu’il diffuse est le plus souvent partagée entre lecteurs. Les hommes compensent le plus souvent leur manque de pratique religieuse en prenant des nouvelles de l’Eglise. Les lecteurs prennent généralement leur abonnement pour soutenir le journal et également apprendre les nouvelles de l’Eglise et de la société.
Tout compte fait, l’essentiel c’est que le journal soit lu, connu et que les articles qu’il publie nourrissent le débat, et aide les lecteurs à se faire une opinion. Une chose est certaine, malgré les apparences, la presse catholique n’est pas fatalement enfermée dans les limites étroites du cercle des pratiquants. Cette homogénéité qui est vraie pour l’achat, ne l’est pas ou pas totalement pour la lecture. En effet, les lecteurs d’un journal s’appuient sur deux choses : un rapport à soi-même (le journal doit à la fois me renvoyer mon identité) et m’emmener plus loin, me tirer en avant dans mes rapports avec les autres( le journal est fondamentalement un lien).
L’observation attentive du marché de l’ensemble de la presse grand public en France, au cours de ces dix dernières années, fait apparaître que la relation du lecteur à son journal est passée progressivement d’une logique d’adhésion, c’est-à-dire fidélité à un titre, achat régulier, à une logique de consommation, déjà à l’œuvre sur le marché des biens non culturels ; le lecteur est libre de choisir son journal en fonction de ses intérêts : prix, contenu, etc. La presse catholique est une des dernières à fonctionner encore en grande partie sur une logique d’adhésion345. Le cœur de la relation à la presse catholique est l’abonnement. Ainsi donc s’abonner revient à accomplir un devoir de chrétien. Les lecteurs, au-delà de ce qu’ils lisent dans le journal, se sentent appartenir à une communauté. Cette dynamique est à l’œuvre dans presque tous les quotidiens ou magazines confessionnels ou non…
Ce besoin d’appartenance, même s’il est inconscient ou informulé, est constitutif de la relation de lecture de la presse. Ce besoin d’être relié non seulement à son journal, mais aux autres qui lisent la même chose que vous, est particulièrement fort dans le cas de la presse catholique346. L’avenir de la presse catholique se joue peut-être là. Alors que la civilisation paroissiale décline, et que le sentiment d’appartenance cesse progressivement d’être lié à une base territoriale, la presse pourrait être investie par ses lecteurs (et par ses éditeurs) comme moyen de faire lien quand il n’y a plus de lien, comme moyen d’objectiver une communauté qui se rassemble de moins en moins, sauf à l’occasion des grandes fêtes. Il y a effectivement une double crise : crise des catholiques pratiquants qui sont le vivier des lecteurs et crise de la presse quotidienne qui, aujourd’hui, en France, n’est pas en très grande forme.
Or, il se trouve que dans ce double contexte, La Croix progresse dans sa diffusion. Cela prouve que, plus que jamais, il a, comme les autres journaux d’identité forte, une place à tenir et quelque chose d'original à dire, un sens à donner, au milieu d'une offre massive et indifférenciée d’informations 347 . Depuis son évolution comme « journal du matin », sa diffusion ne cesse d’augmenter, et l’équilibre de ses comptes (en intégrant la subvention de l’Etat attribuée aux quotidiens à faibles ressources publicitaires) est assuré, ce qui n’était pas arrivé pendant des décennies. Des nouveaux lecteurs ont rejoint le journal et sa place dans le panorama de la presse française s’affirme. La diffusion progresse de façon continue, chez les marchands des journaux et par abonnement : + 1, 55 % avec 96 317 exemplaires348.
Ces résultats confirment une tendance maintenant installée depuis six années consécutives : le passage du titre en quotidien du matin en 1999 et le lancement d’une nouvelle formule en novembre 2003 ont su conquérir de nouveaux lecteurs. Diffusion totale payée349 : 96 317 exemplaires ; audience : 371 000 lecteurs ; abonnements : 94 %, vente au numéro : 6 %, répartition géographique, province : 77 %, Ile-de-France : 23 %. Profil du lectorat, hommes : 51, 5 %, femmes : 48, 5 %, moins de 65 ans : 46, 9 % ; membres d’une ou plusieurs associations : 46 %. Ce journal est diffusé aujourd’hui à près de cent mille exemplaires350. Pour mieux servir ses lecteurs et s’ouvrir à de nouveaux publics, ce journal a créé en 2002, un site www.la-Croix.com où il diffuse des informations 24h / 24, des textes essentiels sur des sujets d’actualité tant nationale qu’internationale, des dossiers, etc.
F. Barbier et C. Bertho Lavenir, Histoire des médias. De Didérot à Internet, (coll. Histoire), édit., Armand Colin, Paris, 2000, p. 239.
F. Barbier et C. Bertho Lavenir, Idem, p. 241.
Cf. D. Quinio, Zenit.org., du 14 juin 2007.
Source : OJD (Office de Justification de la Diffusion des rapports de publicité, créé en 1922) 2004.
Source : OJD 2004
Source : OJD 2005.