4. Le dialogue comme instrument de la nouvelle évangélisation

Entre stratégies de communication et pratiques journalistiques, comment Notre-Dame aborde-t-elle la question du dialogue ? Quelle influence peut-elle exercer sur son déroulement ?

Le dialogue est un processus qui, à la radio, se fonde sur une personnalisation des situations et des exemples tirés des expériences individuelles ou communautaires. En parlant de dialogue, nous nous référons davantage aux émissions interactives et qui s’ouvrent au témoignage des invités et des auditeurs, en laissant large place à la parole libre ou encore à toutes celles qui font participer les auditeurs en général.

Les stratégies des acteurs du dialogue ont un impact sur le traitement médiatique. Le dialogue contribue à modifier la position des auditeurs en oeuvrant pour le rapprochement des points de vues, la compréhension mutuelle des acteurs en présence et le partage des connaissances. De ce point de vue, il est un instrument efficace au service de l’évangélisation. Pour améliorer le dialogue avec les auditeurs, il semble nécessaire d’une part, d’améliorer la qualité du dialogue en abordant des sujets qui intéressent non seulement la foi mais aussi et surtout la vie ordinaire. C’est d’ailleurs ce qui se fait. Mais cette option peut être renforcée, car les questions qu’ils affrontent dans la vie de tous les jours sont très peu éloignées de leur foi. D’autre part, il est important de mettre un accent tout particulier sur la formation initiale pour ceux qui découvrent le catholicisme.

Le dialogue peut être compris comme une conversation fondée sur la confiance et la réciprocité. Il est beaucoup plus qu’un échange de renseignements; il purifie les deux parties de leurs préjugés, leur permet de s’éclairer mutuellement et de partager leurs intuitions spirituelles et autres. Dans le dialogue avec les non croyants, les chrétiens professent leur foi en Jésus-Christ, et leurs partenaires donnent le témoignage de leurs convictions et de leur vision du monde. Le dialogue ne masque pas la portée universelle de l’Evangile chrétien, mais il exclut toute initiative en vue de faire des prosélytes. Dans le dialogue, les partenaires sont invités à approfondir leur engagement et à répondre à certains défis. Telle est la conversion à laquelle est convié chacun des partenaires du dialogue.

Dans ce cadre, la radio Notre- Dame est invitée à délivrer son message au groupe-cible dans le but de toucher les chercheurs de spiritualité et de participer à l’encadrement, mieux à la catéchisation des fidèles de l’Eglise catholique et de ramener ceux qui s’en écartent dans son giron. Pour ce faire, elle informe, sur le catholicisme, le monde et la société en général, en vue de susciter de nouveaux contacts, tout en assurant une formation permanente aux fidèles. Une telle entreprise exige qu’elle connaisse le milieu dans lequel elle travaille et l’homme à qui elle s’adresse ; ses tendances, ses aspirations, ses goûts, ses besoins, etc. Il lui serait également profitable de chercher à se faire une idée de l’image que les gens ont d’elle.

Pour être efficace, le dialogue a intérêt à se dérouler dans un langage compréhensible à tous, comme nous l’avons souligné plus haut. Le but étant toujours de mieux se faire comprendre pour faire réfléchir et dans une certaine mesure éclairer les auditeurs sur tel ou tel sujet. Rappelons que pour établir le dialogue, Notre-Dame recourt à plusieurs possibilités : les émissions, le courrier des auditeurs, le système de formulaire pour répondre à des questions précises, l’e-mail, le téléphone, les méthodes publicitaires et autres possibilités de contacts : fax, site Web, journées portes ouvertes, visites de ses services, les affiches, etc.

On distingue quatre sortes de dialogue372 :

a)  le dialogue de vie, quand les personnes s’efforcent de vivre en esprit d’ouverture et de proximité, partageant leurs joies et leurs peines, leurs problèmes et leurs préoccupations; c’est ce qui arrive dans la diffusion de certaines émissions à la radio Notre-Dame, comme L’Invité… de Denise Dumolin ou encore Face aux chrétiens de Frédéric Mounier, tout comme Le Bistrot de la vie qui est une émission interactive.

b) le dialogue d’action, par lequel les chrétiens et les autres collaborent au développement intégral et à la libération des gens ; on note à titre d’exemple les émissions Esprit de famille d’Anne Gavini et Génération présentée par Marco.

c)  le dialogue d’échange théologique, où des spécialistes cherchent à approfondir leur compréhension des traditions religieuses ; c’est le cas de l’émission Matière à penser, une réflexion qui articule culture et foi et dont la présentation est assurée par Pierre Moracchini.

d)  le dialogue d’expériences religieuses, où des personnes, enracinées dans leur tradition religieuse, partagent la richesse de leur spiritualité, par exemple sur la prière et la contemplation, sur la foi et la quête de Dieu ou de l’Absolu. On peut évoquer les émission de témoignage, Les offices de prière (messe, prière du bréviaire, le chapelet, etc.), Un prêtre vous répond et Les chroniques religieuses.

L’Eglise, de part sa mission, développe une stratégie qui combine dialogue et proclamation. Le dialogue et la proclamation, sont inhérents l’un à l’autre373. D’un côté, le dialogue comprend le témoignage de la foi en Jésus-Christ ; de l’autre, la proclamation de l’Evangile comprend l’effort pour exprimer la foi dans les termes de la culture, effort qui exige le dialogue avec la culture et la religion. D’après le document ecclésial Dialogue et proclamation, ces deux termes révèlent deux dimensions essentielles de la mission de l’Eglise ; ils ne sont ni en conflit ni en concurrence l’un avec l’autre. Cependant, il peut y avoir des contextes historiques qui obligent l’Eglise à limiter sa mission au seul dialogue.

Parmi les obstacles internes et externes qu’on peut rencontrer vis-à-vis de la proclamation, le document énumère le manque de respect pour les autres croyants et leurs traditions religieuses ; une attitude de supériorité qui laisse entendre qu’une culture particulière serait liée au message chrétien et devrait donc être imposée aux convertis ; le poids de l’histoire (causé par) les méthodes d’évangélisation appliquées dans le passé et qui ont suscité la peur, la suspicion et la crainte (des gens) que la mission de l’Eglise n’entraîne la destruction de leur religion et de leur culture374. On comprend que ce document souligne davantage ce qui a trait au rapport avec d’autres croyances. Cependant, même si Dialogue et proclamation ne le dit pas explicitement, il suggère tout de même qu’il y a des contextes historiques dans lesquels la mission de l’Eglise n’intègre pas la proclamation, mais se limite exclusivement au dialogue, à la coopération et au témoignage.

Ce document parle également del’engagement en faveur de la justice et de la paix : « il faut souligner l’importance du dialogue pour le développement intégral, la justice sociale et la libération humaine. Les Eglises locales sont appelées, en tant que témoins du Christ, à s’y engager sans égoïsme ni partialité. Il importe de se porter à la défense des droits de la personne, de proclamer les exigences de la justice et de dénoncer l’injustice non seulement lorsque ses propres membres en sont victimes mais indépendamment de l’appartenance religieuse des victimes »375.

Malgré les insistances de l’Eglise sur la place de l’homme dans l’évangélisation, des efforts sont encore à réaliser quant à la revalorisation de ce dernier dans la chaîne de communication. L’Eglise, « mère et enseignante », réserve très peu de place à l’écoute de l’homme. Il se pose un problème d’anthropologie de la communication.

A ce niveau, la radio et Notre-Dame en particulier, essaie de combler le fossé en rapprochant locuteur et auditeur. Ce faisant elle inaugure une nouvelle manière de vivre la foi et de garder le contact avec l’institution ecclésiale, sans être obligé de se déplacer. Cette manière de vivre la religion est une adaptation au paysage du monde actuel marqué par l’individualisme, la culture du dialogue, la tolérance, l’éclatement de l’intelligentsia (nous y reviendrons).

Des émissions comme Le Bistrot de la vie, Esprit de famille, Génération, L’Invité…, Face aux chrétiens, Les offices de prière, Un prêtre vous répond, Les chroniques religieuses, sont une façon pour l’Eglise d’être proche de l’homme. L’essentiel de ces émissions consiste en des paroles d’espérance, envoyées en directions des personnes déboussolées ou encore en des réponses apportées à certaines personnes et relatives à leurs situations particulières. Ce faisant, l’Eglise joue son rôle de «  mère ». Mais il faut bien le dire, la participation de l’auditeur n’est pas une spécificité de la radio catholique. Beaucoup de radios excellent en micro trottoir, micro baladeur, c’est le cas de RTL et bien d’autres. Ce qui est spécifique aux radios ecclésiales, c’est qu’au-delà de leurs interventions, il y a un enracinement biblique, doctrinal et moral. Les émissions permettent aux fidèles qui n’ont pas la possibilité de réagir aux sermons du prêtre à l’Eglise de le faire. Elle se présente comme un forum de discussions où la parole se fait libre. C’est un moment d’approfondissement de la doctrine ou simplement d’évangélisation.

A la radio, laïcs et prêtres évangélisent. C’est pour cela que l’Eglise insiste sur la formation de tous. Les uns devant se former à la connaissance de la profession, les autres à la maîtrise de la doctrine. Les uns et les autres cherchent à maîtriser, dans les limites de leurs compétences respectives, le langage des médias et celui de l’Eglise et à arriver à en faire une synthèse.

Notes
372.

Cf. Dialogue et proclamation, publication conjointe du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Congrégation de l’Evangélisation des peuples, Rome, 1991.

373.

Cf. Dialogue et proclamation.

374.

Dialogue et proclamation, § 73-74.

375.

Dialogue et proclamation, § 44.