Conclusion [du chapitre 1]

Le contexte actuel dans lequel l’Eglise catholique s’investit dans l’évangélisation par les médias est marqué par l’individualisme, la recherche de l’autonomie tant au niveau de la recherche de l’information qu’au niveau de la pratique de la religion. On cherche davantage à sortir des structures établies pour pratiquer librement ce qu’on croit être « sa foi ». L’homme est-il saturé des discours ecclésiaux pour chercher enfin à s’en émanciper ? Peut-être pas. Le mouvement d’émancipation touche toutes les structures sociales. L’individualisme poussé à l’extrême, est allé jusqu’à séparer les enfants de leurs parents. Les liens affectifs ont laissé place à des relations protocolaires. Les tissus des relations familiales se sont distendus. Au sein des foyers les partenaires revendiquent leur autonomie. La situation de l’Eglise est le reflet de celle de la société. Rien d’étonnant à cela. Cependant ce tableau sombre ne doit faire oublier l’exemple des familles qui vivent en harmonie, des chrétiens qui continuent de pratiquer la religion en participant régulièrement aux célébrations eucharistiques, en donnant au denier de l’Eglise, en étant engagés à la paroisse, etc.

Les médias arrivent à point, pour faire face à la carence de la pratique de la religion. Mais comment ? C’est une religion fondée plus sur l’enseignement que sur la pratique. Or on le sait, toutes les religions orientent nécessairement vers une certaine pratique.

Alors que la religion établie insiste sur la pratique communautaire de la foi comme moyen de soutenir la foi individuelle des fidèles, la religion de la radio a tendance à retrancher l’homme dans sa cellule en le privant de contact physique avec les autres. Elle favorise une religion à la carte ou religion de bricolage, fondée sur le choix des émissions.

A l’instar de l’Eglise qui adapte son message à ses fidèles, les médias qui se présentent sur l’espace public s’adressent à des gens de tout bord. Le choix du sujet que fait le journaliste ou l’animateur ne représente que l’attente d’une partie des auditeurs. Les sujets que les médias abordent, ne répondent pas toujours et nécessairement aux besoins et aux attentes des auditeurs, mais puisqu’ils gardent leur liberté, ils peuvent facilement passer d’une émission à l’autre ou encore d’une chaîne à l’autre pour chercher ce qui leur plaît.

L’Eglise critique la religion de bricolage380, mais la retrouve dans l’évangélisation par les médias. Nous sommes ici dans une sorte d’engrenage qui nous entraîne dans un cercle vicieux. Mais la voie de sortie se trouve dans l’ouverture à la communauté. L’action de l’Eglise ne se limite pas aux médias. Ces derniers sont complétés par la pastorale directe, celle du contact, afin d’arriver à l’équilibre dans l’évangélisation.

Parmi les limites de cette religion diffusée par les médias on note le manque de cohérence. Tout repose sur le choix. L’individu choisit ce qui l’arrange, ce qui lui plaît. Ce qui l’empêche d’avoir une vision globale de la doctrine ou de l’enseignement catholique. L’exposition à ce que l’on aime, pousse l’individu à exploiter, à maîtriser certains domaines, et à en ignorer totalement d’autres qui relèvent de la même foi. Cette attitude peut conduire à des dérives ; le risque est grand de réduire toute la religion à son petit monde. L’Eglise qui tire ses origines du mot ecclesia, signifie d’abord assemblée ; réunion des personnes. Ainsi on ne peut concevoir une Eglise en dehors de toute communauté. De plus, la religion a toujours deux aspects : l’aspect théorique et l’aspect pratique. Elle ne peut se réduire à un enseignement de doctrines sans prises avec la réalité. Ne considérer que l’aspect doctrinal, c’est en fait prendre la partie pour le tout. Cette religion, malgré les avantages qu’on lui reconnaît, ne garantit pas le progrès spirituel de l’auditeur. Elle n’a pas compétence pour l’accompagnement spirituel personnel.

Aussi élaborés soient-ils, les programmes de radio Notre-Dame restent à dominante didactique et exhortative. Ils étendent à un auditoire dispersé, la catéchèse et la prédication de jadis qui fonctionnaient en situation de face à face. Ils permettent, il est vrai, à chaque auditeur de se faire son propre chemin dans / vers la foi catholique. Ils invitent aussi à s’associer à des temps de prière.

Mais ils laissent les auditeurs au seuil de la démarche ultime de l’évangélisation : l’intégration dans une communauté concrète de pratiquants, rassemblés physiquement dans les mêmes rites, et engagés solidairement dans les mêmes actions sociales. Le lien qui unit les auditeurs n’a pas la force du lien ecclésial.

Dans l’étape suivante de notre réflexion, nous aborderons la télévision dans le cadre des cérémonies télévisuelles ou encore des événements médiatiques, en nous appuyant sur les Journées Mondiales de la Jeunesse et les voyages pontificaux afin de dégager leur impact sur l’évangélisation. Il ne s’agit plus pour l’Eglise d’agir en pilotant ses propres médias sur l’espace public de la société française, mais de créer des événements capables de s’imposer à toute cette société. L’Eglise catholique pratique aussi la communication « événementielle ».

Notes
380.

Cf. l’homélie de Benoît XVI à la messe de clôture des Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne, en Allemagne. Le pape invitait les jeunes à ne pas tomber dans le nouveau consumérisme religieux, où « chacun prend ce qui lui plaît » : « la religion recherchée comme une sorte de bricolage, en fin de compte ne nous aide pas » a-t-il déclaré.