Trois grand scénarios : conquêtes, confrontations et couronnements

Les cérémonies télévisées peuvent se repartir en trois groupes : les conquêtes, les confrontations et les couronnements. Ces trois groupes, se rapprochent de trois valeurs développées par Weber à savoir charisme, tradition et raison. Selon Daniel Dayan et Elihu Katz, le charisme s’associerait à la conquête, la tradition au couronnement et enfin la raison à la confrontation. Il faut pourtant reconnaître que tous les événements cérémoniels ne répondent pas nécessairement à ces trois scénarios. Il y en a qui ne répondent à aucun des scénarios annoncés.

Dans le groupe d’événements liés à la conquête, on célèbre en direct des moments nécessairement rares ou « l’humanité semble avancer à pas de géant »396 ; c’est le cas des visites papales et des JMJ, nous verrons plus loin pourquoi. Ainsi, contrairement aux confrontations et aux couronnements, les conquêtes valorisent la transgression des règles. Par exemple le pape qui embrasse un enfant dans la foule, lors de son passage à Ars près de Lyon, au mépris des règles de sécurité. Dans les conquêtes, les grands hommes vont au-delà du possible, du vraisemblable, ou du permis. L’histoire est entre leurs mains. Ces personnages s’appuient sur leur charisme. Ils tentent ouvertement de subjuguer leur public. Les conquêtes comportent d’une part, un exploit, un acte volontariste, délibéré, qui vise à dépasser les limites du possible et d’autre part, cet exploit s’accompagne d’une séduction charismatique.

Les confrontations sont des affrontements gouvernés par des règles, et menés au nom de groupes identifiables, par leurs représentants respectifs. C’est le cas de la coupe du monde de football, des Jeux olympiques, des débats présidentiels, etc. Elles sont délimitées dans le temps et dans l’espace. La participation est volontaire. Les règles sont connues tant des acteurs que des spectateurs. La confrontation ainsi définie, offre du spectacle au public. Elle affirme la multiplicité des points de vue possibles. Elle représente une reconnaissance officielle de la légitimité du conflit. Cependant, en partant de l’ambiguïté et de la brutalité qui caractérisent les conflits, elle va jusqu’à reculer la brutalité en manifestant clairement les antagonismes, et en exprimant les rivalités dans des termes convenus et à l’intérieur des limites fixées d’avance.

A l’instar des confrontations, les couronnements relèvent des règles strictes. Celles-ci sont édictées par la tradition, plutôt que dégagées au cours d’un accord négocié. Les couronnements rappellent aux sociétés les liens qui les rattachent à leur passé. Ils invitent le public à réfléchir sur ce passé. Parmi les couronnements, on citera le mariage royal, les funérailles, l’élection d’un nouveau pape apparaît également comme un couronnement, etc.

Pour finir, disons que les trois scénarios que nous venons de détailler, peuvent se recouper les uns les autres. Une confrontation peut déboucher sur une conquête et celle-ci peut être finalement saluée comme un couronnement. En terme de récit, ils viennent l’un à la suite de l’autre. Pour entrer dans le vif du sujet, nous allons suivre de près la manière dont les cérémonies télévisées sont élaborées et diffusées. Pour ce faire, nous allons passer en revue toutes les opérations qui accompagnent et guident l’organisation et la retransmission de ces événements, avant de les confronter avec les éléments de notre corpus.

Notes
396.

D. Dayan et E. Katz, Idem., p. 30.