2. 1. 4. Agir par l’événement : cérémonies de préfiguration

L’événement télévisé vise des objectifs dont certains sont clairement exprimés alors que d’autres nécessitent une lecture entre les lignes. De même, toutes les cérémonies télévisées ne sont pas tournées vers un changement de mentalité ou de situation. Les événements qui visent une réelle transformation sont appelés « transformatifs » ; ils s’accompagnent d’un certain style d’interaction entre les organisateurs de l’événement et un public temporairement ouvert à l’action des acteurs cérémoniels. L’analyse des cérémonies transformatives portera sur ce qu’elles font, et sur la façon dont elles y parviennent. La plupart des cérémonies répondent à des événements. Les cérémonies télévisées n’échappent pas à la règle. Elles répondent à des événements récurrents, mais elles répondent aussi à des événements imprévus, à des conflits, à des crises.

Les événements cérémoniels se caractérisent toujours par une dimension « historique ». Ils se conçoivent et se développent dans un contexte bien défini. Ainsi on peut relever trois cas de figure concernant les cérémonies télévisuelles. D’abord, les cérémonies commémoratives. Il s’agit d’un événement qui bénéficie d’un statut historique. Il faut signaler que la carrière d’un événement commémoré n’a rien de stable. Elle est faite de hauts et de bas ; d’éclipses et de retours ; de morts et de renaissances401. Un événement qui est entré dans l’histoire marque les esprits. Il existe dans l’inconscient collectif.

Il y a également des événements qui relèvent du présent. La cérémonie en offre le commentaire quasiment simultané. C’est un événement, dont la signification se construit et se consolide au moment de son déroulement.

Enfin, les cérémonies s’organisent autour d’une proposition de changement radical et invitent la société concernée à la prendre en considération. La visite du pape en Pologne s’inscrit dans ce cadre.

Bref, certaines cérémonies (les commémorations ; les réponses) sont liées à des événements antérieurs, éloignés ou récents. D’autres cérémonies ne rattachent à aucun autre événement qu’elles mêmes. Par leur pouvoir de créer des situations nouvelles, ces cérémonies ne sont plus seulement des manifestations expressives, mais des formes d’action.

La performance des acteurs cérémoniels présente deux volets. Il s’agit d’une performance gestuelle et d’une performance verbale (allocutions, discours) dont la visée consiste à « centrer » ou à « recadrer » l’événement. Les gestes et les paroles sont souvent simultanés, mais c’est au cours de la performance gestuelle que la visée de l’événement se manifeste en premier. Pensons à la cérémonie des descentes d’avion pour les voyages du pape. On passe ainsi de la conception de la cérémonie à sa réalisation ; c’est une nouvelle étape, celle de la dramatisation cérémonielle. La télévision passe ici au premier plan.

De son côté, l’acteur invité n’a d’autre pouvoir sur la société à laquelle il s’adresse que le charisme dont il est investi et sa capacité à proposer du sens402. Grâce à son charisme, il crée l’événement, draine des foules et propose un message axé sur le changement où la conversion. Après l’événement, c’est l’heure du bilan, le début du processus d’interprétation. Les débats sont organisés, les journalistes et les instituts de sondage donnent leur point de vue, les organisateurs et les représentant de l’Etat s’expriment. C’est le moment d’évaluer l’événement, de mesurer les retombées et, surtout, d’en construire publiquement la signification.

Notes
401.

D. Dayan et E. Katz, Idem., p. 156.

402.

D. Dayan et E. Katz, Idem., p. 191.