2. 2. 5. Les conséquences de la médiatisation des voyages sur l’image du pape

La médiatisation des voyages de Jean-Paul II a fait de ce dernier un pape de la mondialisation, l’apôtre de la nouvelle évangélisation et un pape leader d’opinion. En effet, c’est une triple mondialisation qui nous fut donnée à voir au cours de son pontificat : une mondialisation diplomatique, religieuse et médiatique. Depuis la suppression des Etats pontificaux en 1870, les papes avaient vécu retranchés dans leurs palais. Et ce, jusqu’à ce que Paul VI puis, surtout, Jean-Paul II ouvre la papauté au vaste monde. Ce pape polyglotte aurait été « vu » par quelques 400 millions de fidèles, soit presque un catholique sur deux. La présence des chefs d’Etat sur la place Saint-Pierre le 8 avril 2005 à l’occasion de ses obsèques est évidemment le signe des contacts noués et du travail accompli.

On pourrait faire une carte des pays que Jean-Paul II n’a pas visités : en Afrique, la Namibie, le Niger, la Mauritanie, l’Algérie, la Libye, la Somalie et, plus étonnant, l’Ethiopie, l’un des plus vieux pays chrétiens du monde. Les Etats de la péninsule arabique, l’Irak et l’Iran, l’Afghanistan et tous les pays d’Asie centrale ainsi que la Russie (l’Eglise orthodoxe s’y est opposée) n’ont pas été visités non plus. Entre Inde et Chine, de la Birmanie à la Mongolie, seule la Thaïlande a fait l’objet d’un voyage. Enfin, si le pape a visité tous les pays européens, il n’a laissé de côté en Amérique que les Guyanes et quelques micro-Etats des Antilles.

Contrairement à ce qu’on a souvent dit, certains voyages du pape ont été parfois des voyages à risques : contre l’avis des diplomates du Saint-siège, en pleine guerre des Malouines, Jean-Paul II s’est rendu en Angleterre avant de rejoindre l’Argentine. En 1983, au Nicaragua, le régime sandiniste a manifesté son hostilité en diffusant des slogans à travers la sonorisation des offices que le pape était en train de présider. En 1979, à Istanbul, l’extrémiste Ali Agça avait publié des menaces par voie de presse... Sans parler des risques en Autriche et aux Pays-Bas où l’Eglise locale était en désaccord avec Rome.

En tant que leader d’opinion et en dépit de ses origines et de ses goûts qui le portent vers la tradition, Jean-Paul II laisse une Eglise totalement inédite, excentrée par rapport à son européisme traditionnel et à ses points de repère classiques. Bien qu’au cours de son pontificat l’Eglise catholique ait connu une forte centralisation et un renforcement des pouvoirs des organes de la curie, il laisse à l’Eglise un héritage unique : internationalisation du collège des cardinaux, promulgations d’un nouveau code de droit canon et d’un catéchisme universel et une vision optimiste de la modernité surtout en ce qui concerne l’usage des médias.

En tant qu’apôtre de la nouvelle évangélisation, Jean-Paul II a fait plusieurs fois le tour de la planète, défiant parfois la logique ou la prudence. Il a annoncé une seconde évangélisation, qui doit s’opérer à la fois dans la chrétienté déchristianisée et dans le monde encore peu touché par le christianisme. Il a également réalisé des pas étonnants vers les communautés juives et musulmanes. Apôtre de la « nouvelle évangélisation », il a frappé les esprits par des initiatives spectaculaires dont la rencontre de prière pour la paix à Assise et a mobilisé les jeunes en créant les grands rassemblements périodiques des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ). Avant de faire l’évaluation de ces deux événements (les voyages pontificaux et les JMJ), nous abordons maintenant une autre face des voyages de Jean-Paul II, à savoir les Journées Mondiales de la Jeunesse.