Conclusion générale

La recherche que nous venons de mener sur l’évangélisation par les médias dans l’Eglise catholique se situe à la croisée des chemins entre l’histoire et la géographie, l’art, la théologie, la pastorale et l’ecclésiologie, la philosophie, le journalisme, l’histoire du livre, celle de la presse et des médias en général et enfin la sociologie des médias. Nous avons voulu éclairer cette problématique à la lumière des sciences de la communication, pour voir si les espoirs qu’elle suscite sont fondés. Nos analyses se sont focalisées autour des termes suivants : « médias, Eglise catholique et société ». Nous avons abordé des questions relatives aux livres, aux images, à l’imprimerie, à la Réforme et la Contre-Réforme, à l’Eglise catholique et la presse, à la presse catholique et l’opinion publique, à l’Eglise catholique et les médias audiovisuels, nous avons analysé quelques documents du catholicisme sur la communication sociale, nous avons élaboré une ébauche de la théologie de la communication en nous appuyant notamment sur Henri Bourgeois. Nous nous sommes enfin penché sur les pratiques médiatiques de l’Eglise catholique en France en l’occurrence, la presse, avec le journal La croix, la radio avec radio Notre-Dame et la télévision, avec les Journées Mondiales de la Jeunesse et les voyages pontificaux de Jean-Paul II. Que pouvons-nous tirer comme conclusion de ce parcours ?

Pour répondre à notre question de départ à savoir « les médias sont oui ou non la réponse appropriée au problème actuel de l’évangélisation », nous évoquerons trois pistes. D’abord nous répondrons à la question de savoir si l’évangélisation par les médias telle qu’envisagée par l’Eglise catholique relève d’un effet de mode ou d’un besoin réel. Ensuite, nous donnerons notre point de vue sur la pratique de l’évangélisation par les médias. Il s’agira de dire si l’Eglise catholique est ou non cohérente avec ce principe et enfin nous dirons si cette expérience est concluante ou pas.

1. Le « mot d’ordre » de l’évangélisation par les médias, dont nous avons suivi la genèse et quelques-unes des applications en France, relève-t-il in fine d’une simple empirisme opportuniste ?

Comme nous venons de le dire, toute société met en place ses propres vecteurs de communication. N’importe quelle instance de cette société (gouvernement, entreprise, organisation humanitaire, corporation…) est amenée à se saisir des vecteurs disponibles pour les mettre en œuvre en vue de réaliser ses propres objectifs. Cette pratique utilitariste est courante dans toutes les sociétés contemporaines. L’Eglise catholique s’aligne-t-elle purement et simplement sur cette pratique courante, ou agit-elle dans ce domaine de manière originale ?

A première vue, l’Eglise catholique ne semble pas agir autrement que d’autres groupes sociaux. Ses membres s’approprient les médias disponibles au même titre que leurs contemporains, gouvernants ou opposants, producteurs ou consommateurs, pédagogues ou apprenants… On repère dans l’Eglise catholique des mouvements pionniers par rapport au reste de la société, mais aussi des lenteurs et des retards dans cette appropriation, éventuellement liés à des préventions ou des méfiances.

L’usage des médias dans l’Eglise s’appuie sur un certain nombre de textes qui contiennent sa pensée. Celle-ci repose sur une conception de l’homme, de la société et une vision de la communication et des médias qui s’inspirent de la doctrine catholique. En d’autres termes, le catholicisme appuie son action en ce domaine, sur une vision anthropologique et éthique. Dans cette vision, les médias ne sont pas considérés comme de purs instruments, en eux-mêmes indifférents aux objectifs qu’ils servent à savoir les valeurs de vérité, de justice et de respect d’autrui. Celles-ci sont considérées comme base de discussion avec les professionnels et les responsables des moyens de communication.

L’analyse des documents du catholicisme que nous venons de faire, montre bien qu’il a beaucoup évolué dans son approche des médias et de la communication. Du combat contre la liberté de la presse, - qui lui paraît attenter à la morale (en ouvrant les vannes à la licence) et à la foi (en favorisant l’indifférence religieuse) – aux médias comme « lieux » d’évangélisation et de dialogue avec le monde, l’Eglise catholique a franchi un grand pas.

La doctrine catholique ne considère pas les médias comme étant tout puissants, et leurs réceptions privées de ressources critiques. Elle encourage la critique des médias, en soulignant qu’ils sont ambivalents (ils peuvent être utilisés pour faire le bien et pour faire le mal) et insiste sur le bon usage de ces derniers.

En adoptant les médias pour l’évangélisation, l’Eglise catholique relie également leur usage à d’autres structures. On pense ici à l’action des paroisses, des groupes ou mouvements d’action catholique qui relayent le message des médias. L’évangélisation par les médias bénéficie, pour ainsi dire de l’appui des gens sur le terrain. Le message de la radio, de la télévision ou de la presse est discuté dans des petits groupes et peut aller jusqu’à toucher d’autres personnes en dehors de ces groupes. La communication interpersonnelle ou encore les relations interpersonnelles ou mieux encore la communauté catholique en général joue un rôle non moins négligeable, en tant que relais des messages diffusés par les médias.

On est là face à la théorie des deux étages de la communication ou le two-step-flow of communication, selon lequel le message des médias passe par des intermédiaires (responsable ou membres des associations, des groupes d’action catholique ou des mouvements d’Eglise), considérés comme des leaders d’opinion, avant d’atteindre des couches plus larges de population.

2. L’Eglise catholique applique-t-elle de manière suivie et cohérente le principe de l’évangélisation par les médias ?

Depuis l’invention de l’imprimerie, l’Eglise catholique n’a cessé de s’investir dans le domaine des médias. Elle a connu des moments de tâtonnement, mais aussi des moments où elle a été créatrice d’usages innovants et également des périodes où elle a été à la remorque d’initiatives venues d’autres secteurs de la société. A certaines époques de son histoire elle a exprimé ses réticences sur la manière de concevoir la liberté dans l’usage des médias. Les réticences et les doutes dus à un usage qu’elle jugeait non conforme au respect de sa mission et aux attaques dont elle était l’objet. Aussi, en réaction à l’attitude des Humanistes et des Réformateurs, elle s’insurgea contre la liberté de la presse et instaura l’index, puis l’imprimatur et le Nihil obstat. En réaction contre l’anticléricalisme des Révolutionnaires, elle mit en place une presse de combat.

Au départ, contre la liberté, l’Eglise catholique finit par la reconnaître, l’accepter et la favoriser. Cette reconnaissance l’amena à proclamer la « liberté de conscience » en 1965. Aujourd’hui elle milite en faveur de la liberté religieuse dans le monde, ainsi que pour toute forme de liberté : la liberté de penser et la liberté d’expression, etc. Cependant le catholicisme ne sépare pas la liberté du respect de la vie privée et des mœurs.

L’Eglise catholique est la première à reconnaître le droit à l’information. L’émetteur n’a pas que des droits, il a aussi des devoirs. Il doit informer les citoyens de ce qui se passe dans leur société et dans le monde. C’est un droit pour le récepteur d’être informé. Dans le processus d’information, l’émetteur doit tenir compte du récepteur, de ses besoins et de ses attentes. Emetteur et récepteurs sont des partenaires. Les récepteurs n’ont pas à subir l’action des médias. Le droit de l’information doit aller de pair avec le droit à l’information.

En parlant de droit à l’information, le catholicisme se démarque des textes précédents notamment la déclaration universelle des droits de l’homme qui, dans son article 11, parle de la liberté de penser et d’expression. L’Eglise se positionne, du côté du récepteur, pour défendre ses droits. En plus, elle propose des formations aux médias pour les usagers, etc.

Au demeurant, on peut dire que dans son effort de s’approprier les médias, le catholicisme a ainsi contribué à faire évoluer certains aspects de ce secteur.

S’agissant de la presse catholique, elle a du passer par un long cheminement. De la presse de combat, elle devient une presse militante, puis pédagogique avant d’être une presse d’information à part entière. En d’autres termes, on est passé des médias, instrument de pastorale, aux médias pour la défense de l’Eglise, la formation des militants, pour enfin aboutir aux médias comme instrument de dialogue entre Eglise et société, dialogue entre culture et foi et dialogue au sein de l’Eglise.

Pour répondre aux besoins des lecteurs la presse catholique diversifie les rubriques dans les journaux et donne la parole aux lecteurs. Elle aborde aussi des questions liées à la pauvreté dans le monde, à l’exclusion, aux inégalités sociales, à la famille, à l’éducation, etc. Le rôle du journaliste catholique étant de porter un jugement chrétien sur l’événement, d’éveiller la conscience chrétienne à propos de l’événement, de christianiser l’opinion publique, de donner un témoignage chrétien sur l’événement d’actualité. Il s’agit également pour lui, de fournir aux lecteurs les éléments qui leur permettent de se faire une opinion.

En effet, la première mission de la presse est de donner l’information. Cependant, on peut déceler dans la presse catholique des aspects d’évangélisation, notamment dans le fait de susciter l’esprit communautaire, d’être un organe du lien entre les catholiques et les non catholiques. La presse évangélise directement par la défense d’un certain nombre de valeurs de vérité, de justice, de respect d’autrui, etc., qui sont en quelque sorte des pierres d’attentes pour une véritable évangélisation. D’autre part, il affûte les arguments de ceux qui sont appelés officiellement à représenter l’Eglise.

A la radio l’Eglise catholique cherche à instaurer le dialogue avec les auditeurs. La programmation, pour le cas de la radio Notre Dame, repose sur le pacte de compagnonnage et de familiarité (information de proximité, sentiment d’appartenance à l’Eglise, la prière) d’une part, et de l’autre, le pacte didactique (apprentissage et approfondissement de la foi, enseignements divers). Là encore, il y a pour l’Eglise, la volonté d’aller à la rencontre de tous (chrétiens catholiques ou pas) ; une volonté de s’ouvrir au monde.

Les deux événements à savoir les voyages pontificaux que nous avons analysés en rapport à la télévision se présentent comme des conquêtes de l’opinion publique, conquête des catholiques et conquêtes des jeunes. Ils sont un moment de prise de conscience de l’appartenance à l’Eglise (particulière et universelle). Ils participent à ressouder la communauté. Ils sont une catéchèse pour les non catholiques qui apprennent à connaître l’Eglise, ses structures, sa hiérarchie, ses sacrements et son message. Ils ouvrent largement les portes de l’Eglise à toute personne désireuse d’embrasser la foi ou qui cherche à se lancer dans cette aventure.

Au sujet de la conception de l’Eglise catholique sur les médias et la communication, l’on retiendra qu’elle n’est pas restée à une vision utilitariste et instrumentaliste ; elle a évolué, en situant finalement cette question dans le cadre de la nouvelle culture qui exige un nouveau langage et donc une nouvelle approche. Les médias sont dès lors considérés comme des opérateurs culturels De plus, dans le prolongement de cette pensée, elle a recentré la problématique de la communication et des médias sur l’homme et ses valeurs. D’où la question de l’éthique et de la morale qui traverse toute la communication. L’horizon anthropologique et éthique devient ainsi les deux piliers de toute sa conception en ce domaine.

Eu égard à la manière de se servir des médias au sein de l’Eglise, l’on retiendra que l’appropriation de ceux-ci par les catholiques diffère beaucoup d’un pays à l’autre. L’expérience française, surtout en matière de presse, n’a pratiquement pas d’équivalent dans d’autres pays européens. En France, l’Eglise catholique ne dispose pas d’organe de presse officiel, à la différence de l’Italie par exemple. Les organes de presse existant, sont la propriété des groupes religieux. En revanche, la retransmission de la messe à la télévision, se rencontre dans de nombreux pays, sur des chaînes publiques ou commerciales.

En effet, le document de l’Eglise, Aetatis Novae, insiste sur le fait que de nos jours l’Eglise catholique ne peut plus se passer des médias dans sa mission d’évangélisation du monde : « les moyens de communication sociale peuvent et doivent être des instruments au service du programme de reévangélisation et de nouvelle évangélisation de l’Eglise dans le monde contemporain »453. Cet optimisme de l’Eglise est-il fondé ?

De nos jours, on observe au sein de l’Eglise catholique des groupes qui sont très proches de cette nouvelle évangélisation. C’est le cas de certaines congrégations (Saint Paul, les Assomptionnistes, les Dominicains…) et de certains mouvements charismatiques (Emmanuel, la Communauté saint Jean, Famille saint Joseph…). Ces derniers développent la nouvelle approche en multipliant des initiatives dans le domaine des médias : presse, radio, cassette audio et vidéo, etc. On note aussi le cas des diocèses, des paroisses qui s’investissent massivement dans ce domaine. Cependant, on dénombre également au sein de l’Eglise catholique, des groupes qui sont encore réticents : c’est le cas du vieux fond catholique constitué en grande partie des chrétiens et des prêtres de la génération d’avant Vatican II.

Une chose est sûre, les médias ne sont pas des solutions miracles au problème d’évangélisation. Ils sont davantage des opérateurs de préévangélisation que d’évangélisation. La contribution des médias au regard de l’évangélisation reste très modeste. Leur rôle est lié au progrès social et leur importance, à l’air du temps. Face aux défis auxquels l’Eglise catholique fait face dans la société française notamment, le recul des pratiques, l’insuffisance du nombre des prêtres, la privatisation de la foi qui modifie le rapport au religieux prescrit, les médias peuvent être considérés comme une chance454.

Certes, ils présentent des atouts pour l’évangélisation. Ils sont utiles en ce qu’ils créent un intérêt autour des questions religieuses. Ils créent une ambiance favorable d’apprentissage et de découverte de la foi. Ils mettent en valeur certaines figures religieuses, par le biais du témoignage. Ils favorisent une évangélisation « sans frontière ». Ils entrent partout, surtout là où les hommes butent aux barrières de religion, de culture, de formation, etc.

La radio par exemple accompagne les fidèles dans leur démarche de foi : prière, enseignement, nouvelles de l’Eglise. Grâce à elle, la plupart des chrétiens pratiquants ou non, gardent contact avec l’Eglise. Mais la religion qu’elle propose est individuelle, fondée sur la liberté de choix (choix des émissions) et sur l’enseignement. Cette religion manque l’appui de la communauté qui se traduit dans les célébrations, les rencontres et l’accompagnement personnalisé. Cette religion est un mélange d’éléments disparates que l’auditeur tente de mettre ensemble. Son impact est incertain ; elle ne peut être qu’une étape vers la vraie foi. Autant ils permettent la reévangélisation des catholiques, autant ils proposent un seuil aux chercheurs de spiritualité.

Vouloir reposer totalement l’évangélisation sur les médias, c’est l’amputer d’un des ses aspects important à savoir la relation humaine réelle qui est au cœur de cette action. Car évangéliser c’est aussi accompagner l’homme dans la situation réelle de sa vie quotidienne. Ainsi donc les médias ne pourront jamais remplacer efficacement la présence de ceux qui travaillent sur le terrain : prêtre, animateur pastoral, catéchète, etc.

Au fond, les médias sont utiles pour une préévangélisation. Ils sont incapables d’évangéliser en profondeur, s’il n’y a pas de relais : contact personnel, communauté. L’évangélisation faite aux moyens des médias est incomplète, partielle ; elle est une amorce qui appelle autre chose (la relation personnelle directe, l’appartenance à une communauté).

De ce fait, on a tendance à dire que le regard optimiste de l’Eglise catholique sur les médias est quelquefois naïf. Il y a des moments où les médias n’apportent rien sur l’évangélisation. Qu’on pense ici à certaines émissions où à certains articles des journaux.

Malgré la capacité qu’ont les médias de toucher une large couche de la population, d’être affranchis des barrières sociales, géographiques, religieuses et culturelles, en permettant la rencontre de l’Eglise et des chercheurs de spiritualité, la reévangélisation des fidèles catholiques, leur action sur le terrain reste très limitée.

Dans l’évangélisation par les médias, l’homme en quête de spiritualité se détache ainsi des autres et crée son petit monde. Lire, écouter, regarder, trouver… autant des possibilités d’apprendre par nous-même et qui risquent de nous éloigner des autres. L’évangélisation ne vise pas que le changement de comportement, mais elle s’inscrit dans une dynamique d’adhésion à un collectif. Parlant de l’Eglise, les évêques de France soulignent qu’elle est un milieu de vie, où les choix des individus sont soutenus par la communauté des croyants, souvent aussi comme un lieu d’espérance au milieu des précarités de la société455.

Les médias en favorisant une quête spirituelle solitaire, crée l’individualisme. En effet, il n’y a pas d’évangélisation lorsque la personne qui croit reste seule, en dehors de tout groupe. Les médias ne mettent pas les récepteurs en relation concrète avec une communauté. Ils n’ont pas vocation à organiser les groupes des croyants et à les accompagner au quotidien.

3. L’expérience de l’évangélisation par les médias est-elle concluante ? En réponse à cette question, l’on retiendra d’abord que l’accent porté sur l’évangélisation par les médias a rendu l’Eglise très présente sur l’espace public. Grâce à ses médias, l’Eglise catholique participe au débat public, donne son point de vue sur des questions de société, fait passer son message, etc.

Cependant, l’expérience médiatique fait un peu « bouger » la conception de l’évangélisation, notamment en France. Les médias contribuent à faire évoluer le sens du mot évangélisation. En effet, selon Francis Balle, l’histoire des études sur les médias ne peut guère être séparée de l’examen des fluctuations de l’esprit du temps, avec ses valeurs et ses événements, diversement interprétés. Comme elle est inséparable de l’évolution de ce que l’on pourrait appeler les opinions dominantes, celles qui s’expriment tour à tour par des inquiétudes, largement répandues à un moment donné, et par des propositions, tenues pour vraies, au même instant, par le plus grand nombre456.

La culture contemporaine amène l’Eglise catholique en France à repenser la notion même d’évangélisation. Elle n’est plus considérée comme un enseignement : « l’Eglise qui détient la Vérité et l’enseigne à d’autres ». Elle devient une « proposition » de la foi, de l’Evangile. Il y a là un changement de vocabulaire et en même temps de tonalité. L’évangélisation devient moins triomphante. Elle consiste à « créer » des conditions d’« adhésion », à susciter l’attention. Elle se fait désormais dans la négociation.

La proposition répond mieux au contexte d’ouverture, d’écoute et de discussion avec d’autres sensibilités. L’Eglise n’impose pas sa vision de l’homme, de la société et du monde ; elle la met sur la table de discussion. Elle explique pour faire comprendre et négocie pour faire accepter son message. « Nous sommes ainsi conduits, affirment les évêques, au nom de notre foi, à participer aux débats et aux choix qui concernent les finalités de notre société, surtout quand il s’agit de reconnaître la dignité inaliénable de chaque personne humaine, (…)457 ».

Dans La lettre aux catholique de France, les évêques mettent en exergue le dialogue, la place de l’Eglise-communauté dans l’accompagnement des fidèles, son combat pour le respect de la dignité de l’homme, la prise en compte des attentes et des besoins de ce dernier dans le processus d’évangélisation, etc. Cette nouvelle manière de concevoir l’évangélisation notamment sous l’influence des médias provoque un « choc en retour ». Il s’agit du choc en retour des médias sur la pensée de l’Eglise.

L’évangélisation par les médias subit également un changement dans sa conception. De « vecteurs ou opérateurs culturels », les médias agissent aujourd’hui comme des « vecteurs ou opérateurs des valeurs sociales » (tolérance, dialogue, lutte contre les inégalités et les injustices, respect de l’homme et de ses droits, protection de la nature, solidarité, aide aux plus démunis, paix, entente et amitié entre les peuples, respect du code de la route, lutte contre l’esclavage sous toutes ses formes, lutte contre le chômage, etc.). L’on assiste à un déplacement du sens et du contenu des médias. Les médias sont entrain de passer du rôle de dispensateur de culture, à celui des usages de plus en plus sociaux. L’évangélisation dans le contexte actuelle de la culture de la communication et des médias, oriente désormais vers les valeurs de la société. Elle passe de l’étape de la rencontre de l’Evangile et de la culture à celle de l’Evangile aux prises avec les valeurs sociales ; celles qui fondent le vivre ensemble, c’est-à-dire un ensemble de comportements recommandés ou reconnues par une société donnée. La culture étant alors comprise comme un ensemble des théories, des techniques et des pratiques liées à l’exercice des médias et à des échanges sociaux.

Les médias et la communication ayant fait leur entrée dans les mœurs, c’est désormais vers les pratiques et les implications sociales qu’il convient d’orienter les recherches. Pour faire court, il s’agit de déterminer le rôle social des médias. Ce point de vue rejoint celui de Patrice Flichy qui affirme que l’histoire d’une invention est celle d’une série de déplacements techniques, sociaux, mais également entre la technique et le social »458. Frédéric Barbier et Catherine Bertho vont également dans ce sens lorsqu’ils soulignent que la révolution des médias doit déboucher sur la révolution du modèle même de la société459.

En effet, les médias ont toujours eu un rôle social comme nous l’avons fait remarqué dans notre thèse. Mais la nouveauté c’est que ce rôle change d’une société à l’autre et d’une époque à l’autre.

Notre société qui privilégie la discussion, la concertation, le dialogue, considère la rencontre autour des valeurs qui unissent les hommes, comme un élément de sa survie. C’est autour des valeurs universelles que l’évangélisation par les médias se tourne désormais. Les médias deviennent pour ainsi dire, les lieux du « contrat social », du « partage des valeurs », de la « rencontre sociale ». L’Evangélisation consisterait alors à féconder les valeurs universelles, à les éclairer, à les accompagner dans leur mise en œuvre afin qu’elles répondent au plan du Créateur, qui veut le bonheur de l’homme.

Notes
453.

Aetatis Novae, n° 11

454.

Cf. le titre du livre de Pierre Babin et Ann Angela Zukowski, Médias, chance pour l’évangile, (coll. Bible et vie chrétienne), édit., Lethielleux, Paris, 2000, 233 p.

455.

Proposer l’Evangile. Lettres des évêques aux catholiques de France.

456.

F. Balle, Médias et Sociétés. Presse, Audiovisuel, Télécommunications, 1992, p. 15.

457.

Proposer l’Evangile. Lettre des évêques aux catholiques de France.

458.

P. Flichy,   Une histoire de la communication moderne. Espace public et vie privée, (coll. Sciences

humaines et sociales), édit., La Découverte, 1997, p. 11.

459.

F. Barbier et C. Bertho, Histoire des médias. De Diderot à Internet, (coll. Histoire), édit., Armand Colin, Paris, 2000, p. 16.