Annexe 2. Les institutions centrales de l’Eglise catholique : genèse du Conseil pontifical pour les Communications Sociales

L’institution d’organismes chargés de la communication médiatique au sein de la Curie romaine au Vatican (gouvernement central de l’Eglise catholique) émerge d’une histoire assez longue. Nous voudrions ici en noter la genèse, qui accompagne le développement proprement doctrinal que nous avons suivi dans le chapitre précédent.

Une commission consultative et de révision ecclésiastique des films à thèmes religieux ou moraux a été instituée le 30 janvier 1948, par la lettre R.N. 153.561 de la Secrétairerie d’Etat de Sa Sainteté. Le 17 septembre 1948, le Saint Père Pie XII approuvait les statuts du nouveau Bureau de la Curie romaine, auquel on donna le nom de Commission pontificale pour la cinématographie didactique et religieuse. Il faut dire que ce bureau ouvrait une nouvelle page d’histoire de l’activité pastorale et culturelle de l’Eglise : « la commission pontificale pour le cinéma didactique et religieuse, tenant compte de la complexité des problèmes éducatifs et pastoraux de l’ère audiovisuelle naissante, reconnut que pour être pastoralement utile, elle devait affronter l’étude des problèmes du cinéma dans leur ensemble et engager les évêques et les catholiques à un apostolat dans ce secteur, en fonction des changements intervenus au sein de la société ».

De la sorte, la commission pontificale pour la cinématographie succédait à la précédente, et son statut était approuvé par le Souverain Pontife le 1er janvier 1952. La première réunion d’experts eut lieu au siège de l’Académie pontificale des Sciences au Vatican les 26 et 27 avril 1953 et mit en évidence « la nécessité d’approfondir, au niveau du magistère, la problématique du développement de tous les moyens audiovisuels et de leurs incidences croissantes sur la vie spirituelle du monde et sur la pastorale de l’Eglise, et surtout elle souligna l’importance que la télévision aurait pour la société ».

Suite aux constitutions avec l’Episcopat et avec les Organisations catholiques intéressées, le nom de la commission fut ensuite changé en « Commission pontificale pour le cinéma, la radio et la télévision » et ses statuts furent approuvés par le Pape le 31 décembre 1954 et publiés dans les Acta Apostolicae Sedis. Le Collège des experts, notamment élargi, fut réparti en trois sections : cinéma, radio et télévision, on institua les groupes de travail chargés d’élaborer le matériel nécessaire pour le discours sur le Film idéal, prononcé par Pie XII, en deux temps (21 juin et 28 octobre 1955) et pour la Lettre encyclique Miranda prorsus de ce même Pontife sur la cinématographie, la radio et la télévision, publiée le 8 septembre 1957.

La position internationale du petit Bureau de la Curie était déjà à tel point affirmée, au moment où Jean XXIII accédait au Pontificat suprême, que le nouveau pontife n’hésita pas à lui consacrer un de ses premiers documents solennels, le Motu proprio Boni Pastoris, par lequel il érigeait la Commission pontificale en Bureau permanent du Saint-siège, l’intégrant à la Secrétairerie d’Etat (22 février 1959). Quelques mois plus tard, le Pape, qui en approuvait les statuts, instituait la Filmothèque vaticane, (16 décembre 1959) et en confiait la direction à la commission pontificale.

Ce qui explique que parmi les douze organismes préparatoires du Concile œcuménique Vatican II, fut institué, par le motu proprio Superno Dei Nutu ( 5 juin 1960), un Secrétariat préparatoire pour la presse et le spectacle, au siège de la commission pontificale.

« Ce Secrétariat préparatoire avait pour tâche de gérer conjointement, durant ses deux années d’existence, les problèmes de la presse et ceux des moyens audiovisuels en un seul département, ouvert aux développements futurs, dans lequel les différents instruments, dénommés depuis lors ceux de la communication sociale, allaient trouver leur juste place et la considération qui leur était due dans la pastorale nouvelle de l’Eglise ».

Puisque nous sommes ici aux années qui ont marqué le Concile Vatican II, il est nécessaire de rappeler que la visibilité de ce Concile a été rendue possible grâce à l’Eurovision (1958) et la Mondovision (1954) ; le service de communication d l’Eglise n’étant qu’à ses débuts.

L’élévation de Paul VI au pontificat suprême favorisa la constitution du Comité conciliaire de la presse, confié au Président de la Commission pontificale, qui entreprit, avec un succès reconnu, d’améliorer immédiatement les relations entre le Concile et le monde de l’information.

Sans attendre la fin du Concile, Paul VI transformant la précédente Commission en Commission pontificale pour les communications sociales, il lui confiait tous les problèmes du cinéma, de la radio, de la télévision et de la presse périodique et quotidienne, pour ce qui concerne les intérêts de la religion catholique. En outre, au cours des années suivantes, le Saint-père approuvait le Règlement pour les enregistrements audiovisuels des cérémonies et des lieux directement dépendants du Saint-siège (13 Août 1965), instituant au sein de la Commission pontificale un Service d’assistance audiovisuelle, et, plus tard, promulguant le Règlement de la Salle de Presse du Saint-siège, confiée aux bons soins de la Commission pontificale (1 mars 1968).

La première tâche de la commission post-conciliaire fut de promulguer une Instruction pastorale, en application du Décret Conciliaire ; ce qui exigea plus de six ans de travail, et se termina par la promulgation de l’Instruction pastorale « Communio et Progressio » (23 mai 1971).

Plus largement dans tout le monde catholique et aussi dans de nombreux contextes non catholiques, des initiatives furent prises à l’occasion des Journées mondiales des communications sociales, qui eurent lieu depuis 1967 avec leurs thèmes particuliers de réflexion.

La célébration de l’Année Sainte 1975, et la diffusion fidèle, rapide et universelle du message de réconciliation et de renouveau, que le Souverain Pontife avait choisi comme thème du Jubilé, marqua une augmentation de l’activité de la Commission qui fut chargée des transmissions télévisées par satellite. Pour la première fois dans l’histoire la cérémonie d’ouverture de la Porte Sainte fut offerte, non seulement à quelques milliers de pèlerins favorisés, mais à des millions de personnes répandues dans les contrées les plus éloignées de la terre.

Pour ces transmissions la Commission joua un rôle important de coordination et de financement, avec la collaboration des Nonciatures apostoliques, grâce à la générosité des Cavaliers de Colomb (financement) et avec l’aide technique de la RAI- Radiotélévision Italienne et de la Société telespazio. Les transmissions en mondovision sont aujourd’hui une réalité consolidée : annuellement sont transmises la Messe de Noël, le Message papal et la Bénédiction « Urbi et Orbi » les 24 et 25 décembre ; le Chemin de croix au Colisée, le Vendredi Saint et la Messe, le Message et la Bénédiction « Urbi et Orbi » le jour de Pâques. D’autres transmissions en mondovision sont réalisées à différentes occasions de la vie de l’Eglise ; les pays des cinq continents qui se mettent en liaison annuellement sont environ 70.

En 1978, la Salle de Presse du Saint -Siège et le Service d’assistance audiovisuelle de la Commission furent fortement sollicités par quatre événements extraordinaires : la mort de Paul VI ; l’élévation au Pontificat du Card. Albino Luciani (Jean Paul I) ; le décès de ce dernier 33 jours après son élévation ; élévation au Pontificat du Card. Karol Wojtyla (Jean Paul II).

Avec Jean- Paul II, l’Eglise passe un autre cap dans la communication.

Les tâches confiées à la Commission pontificale s’insèrent d’année en année, dans un contexte de plus en plus vaste d’initiatives, d’études, de rapports qui tentent de tenir le rythme, malgré la disponibilité réduite de personnel et de ressources, face à la croissance vertigineuse du secteur des communications sociales dans le monde.

Une étroite et continuelle collaboration a toujours lié la Commission pontificale à de nombreux Dicastères de la Curie Romaine. La présentation au monde de l’information des Documents du Magistère pontifical et de certains des actes les plus importants des Congrégations et des bureaux a impliqué souvent et notablement la Commission dans une tâche délicate, urgente et loin d’être facile. Parmi les fruits de cette collaboration citons la publication de deux documents étroitement liés au secteur des communications sociales : les Orientations pour la formation des futurs prêtres concernant les instruments de la communication sociale, publié le 19 mars 1986, et édité par les soins de la Congrégation pour l’Education catholique, et l’Instruction sur certains aspects de l’usage des instruments de communication sociale dans la promotion de la Doctrine de la foi, publié le 30 mars 1992, et édité par les soins de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Par la Constitution apostolique Pastor Bonus, promulguée par le Pape Jean-Paul II au consistoire du 28 juin 1988, la Commission pontificale pour les communications sociales devient, à partir du 1er mars 1989 le Conseil pontifical pour les communications sociales et, comme tel, Dicastère à tous les effets de la Curie romaine. La Constitution apostolique précise que, « dans l’accomplissement de ses fonctions, le Conseil pontifical doit procéder en étroite union avec la Secrétairerie d’Etat » ; en même temps la Salle de Presse du Saint- Siège devient « le bureau spécial » dépendant de la première Section de la Secrétairerie d’Etat qui publie et divulgue « les communications officielles concernant aussi bien les actes du Souverain pontife que l’activité du saint- Siège ».

A l’occasion de la célébration du XXV ème anniversaire de la promulgation du Décret conciliaire Inter Mirifica, le Conseil pontifical pour les communications sociales publie, en 1989, deux importants documents : Pornographie et violence dans les moyens de communication : une réponse pastorale ( 7 mai 1989) ; et Critères de collaboration œcuménique et interreligieuse dans le domaine des communications sociales ( 4 octobre 1989) ; les deux documents sont le fruit d’environ trois ans de travail, fourni par les Membres, Consulteurs et experts du Dicastère.

Les mutations technologiques dans le domaine des communications sociales avaient conduit le conseil pontifical à proposer à l’Assemblée plénière de 1987 un éventuel supplément à Communio et Progressio, sur la base des réponses à un questionnaire envoyé déjà en 1986 aux Conférences épiscopales. Ainsi, le 22 février 1992, après cinq ans, fut publiée l’Instruction pastorale  Aetatis Novae sur les communications sociales.

Etant donné qu’un des aspects les plus importants de la communication sociale est la publicité, avec sa force de conviction et souvent de pression psychologique, le Conseil pontifical avait proposé à l’Assemblée plénière la préparation d’un document pastoral qui affronte de manière appropriée cette question. Après trois ans de préparation, le document « Ethique et publicité » a été publié le 22 février 199, puis « Eglise et Internet » en 2002 et enfin, le « Progrès rapide » de Jean- Paul II en 2005.

Bref, ce qui est rappelé ci-dessus n’a d’autre objectif que d’attirer l’attention sur l’activité quotidienne au niveau international que ce Dicastère du Saint-siège pour les communications sociales a accomplie durant les cinquante années de son existence.

On voit bien que si l’Eglise a commencé à s’ouvrir au monde grâce à Léon XIII, l’organisation de la communication ne se fera que plus tard. L’on sait qu’à partir de 1850, l’Eglise commence à avoir ses propres maisons d’édition ; mais il faut attendre près d’un siècle pour que soit instituée la commission consultative sur le cinéma. La contribution du cinéma à la pastorale, a pour ainsi dire, favorisé l’usage des médias au sein de l’Eglise. C’est grâce à Jean XXIII qui a convoqué et organisé le Concile Vatican II, que l’Eglise s’est approprié la question des médias. Ceux-ci ont occupé le terrain en soulevant des questions qui nécessitaient une réponse de la part de l’Eglise, d’où l’intérêt de l’Eglise pour ce secteur d’activité. De nos jours, grâce aux médias, le message du pape fait le tour du monde en un temps record.

Si les médias font du monde un grand village où les informations circulent d’un coin à l’autre de la planète, on peut aussi dire qu’en rassemblant les fidèles autour d’un même message ou d’une même information, ils montrent bien que l’Eglise est une famille où chaque membre a sa place ; les médias contribuent pour ainsi dire à rendre visible l’universalité de l’Eglise.

Ce faisant, l’organisation du secteur de la communication est une des grandes réalisations de l’Eglise en ces dernières années. Signalons en passant que l’intérêt pour ce domaine, va de pair avec l’évolution de l’information et de la communication dans le monde ; comme le dit J. Gelamur, le thème des médias aborde l’un des problèmes de société les plus importants et les plus urgents de notre temps464.

Notes
464.

J. Gelamur, « De la passivité à la participation », dans Les Médias et nous. Quels pouvoirs ? Quelles

libertés ? (Coll. Semaines sociales de France), ESF éditeur, Paris, 1994, p. 9.