Quelles activités…

La loi porte sur les personnes (physiques ou morales) qui, "d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire", à certaines opérations "portant sur les biens d'autrui". Les professionnels concernés ne sont donc pas des négociants, c'est-à-dire des intermédiaires achetant le bien concerné avant de le revendre 51 , et ils ne peuvent à aucun moment détenir à la fois un mandat et un droit de propriété sur un bien. Ils ne peuvent, en particulier, acheter les biens pour lesquels on leur a confié un mandat (du moins tant que le mandat est encore valable). Par ailleurs, les transactions entre professionnels de l'immobilier sont exclues du cadre de la loi, de même que l'aide occasionnelle apportée par un particulier. Les opérations concernées sont :

  1. Achat/vente, échange, location, sous-location en nu ou meublé, d'immeubles bâtis ou non. Avec le décret de 2004, les locations saisonnières viennent s'y ajouter (durée maximale de 90 jours). Les professionnels du tourisme ont néanmoins le droit de la pratiquer sans carte professionnelle si cela ne représente pas leur activité principale.
  2. L'achat/vente ou la location-gérance de fonds de commerce.
  3. La souscription, l'achat/vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières.
  4. La cession de cheptel mort ou vif.
  5. L'achat/vente de parts sociales non négociables (quand l'actif social comprend un immeuble ou fonds de commerce).
  6. La gestion immobilière
  7. La vente de listes ou de fichiers relatifs au 1er domaine. Absents dans la première version de la loi, les marchands de listes doivent depuis 1994 signer une convention avec le client. Dans la modification de 2004 (article 6), il est précisé que les marchands de listes ne peuvent toucher de rémunération avant d'avoir effectivement fourni le fichier. L'activité de l'intermédiaire se borne ici à communiquer des adresses. Les publications par voie de presse ne sont pas concernées ici (sans quoi les journaux d'annonces entre particuliers y contreviendraient).
  8. La conclusion de tout contrat de jouissance d'immeubles à temps partagé, concernant des immeubles sur site touristique (ce qui a souvent été appelé à tort "multipropriété" alors qu'il s'agit d'un droit d'usage) : régi par les articles L121-60 à L121-76 du code de la consommation.

Les points 1, 6 et, dans une moindre mesure, 2 couvrent la majorité de l'activité des agents immobiliers. Cette liste décline différents types d'actifs associés à la diversité des formes de la propriété immobilière, notamment lorsqu'elle est partagée entre plusieurs acteurs, et des attributs qui lui sont traditionnellement associés : droit d'usage, droit d'en tirer un revenu par la location et droit de disposer du bien, notamment en le cédant (soit les figures respectives de l'usus, du fructus et de l'abusus). Les acquisitions sont soumises à la TVA s'il s'agit d'un immeuble datant de moins de cinq ans, ou à des droits d'enregistrement pour les immeubles anciens, payés par l'acheteur 52 . Le vendeur est taxé sur les plus-values, à moins qu'il ne s'agisse de sa résidence principale ou d'un bien détenu depuis plus de 15 ans 53 . L'investissement locatif est assujetti à l'impôt foncier ou à la TVA s'il s'agit d'une société 54 , ainsi que pour les locations à usage professionnel, et même pour les locations meublées. Les locations nues à usage résidentiel sont soumises à l'impôt foncier 55 . Les différences renvoient ensuite aux exceptions fiscales et aux incitations financières ou fiscales. Il ne s'agit pas ici de les décrire mais simplement d'indiquer que le cadre de base est commun à toutes les activités, même s'il trace une ligne de démarcation entre les types de location.

La loi ne porte pas uniquement sur des opérations sur des immeubles, mais également sur les fonds de commerce et, de façon plus anecdotique, sur le cheptel. Or, les droits sur lesquels portent transactions sur locaux non résidentiels ne relèvent pas uniquement de la propriété immobilière mais articulent également ceux protégeant l'activité commerciale. Il est donc nécessaire de dire quelques mots sur ce type d'activité. Le fonds de commerce est distinct de la propriété du local (dite propriété "des murs"). Il est composé d'éléments corporels comme le mobilier, des marchandises destinées à être vendues, mais également d'éléments incorporels parmi lesquels la clientèle et le bail. S'il l'a exploité pendant au moins deux ans, le propriétaire du fonds peut céder le droit de l'exploiter, tout en conservant le bail. On parle alors de location-gérance, ou gérance libre (par opposition à la gérance salariée). La possibilité de faire usage des locaux fait ainsi partie intégrante du fonds de commerce, ce qui explique que le bail commercial, encadré par le décret 53-874 du 22/09/1953, offre plus de protections qu'un bail d'habitation : il a une durée de neuf ans au minimum (trois pour un bail d'habitation), plafonne la révision des loyers au niveau de l'indice du coût de la construction (ICC), ouvre un droit au renouvellement en fin de bail et prévoit le versement d'indemnités en cas d'éviction. Les clauses sont négociables et prévoient fréquemment une faculté de résiliation pour le preneur tous les trois ans, d'où l'appellation de bail 3/6/9.

Les contraintes que cela fait peser sur le propriétaire bailleur peuvent l'amener à demander le versement d'une somme, dite "pas de porte" au moment de la signature du bail. Celui-ci peut-être considéré soit comme un surloyer destiné à compenser le fait que les hausses de loyer ne suivent pas la valeur locative réelle, soit comme une indemnité, en contrepartie d'avantages commerciaux divers ou du risque de dépréciation. S'il est considéré comme une indemnité, le pas de porte n'est pas imposable au titre des revenus fonciers. Le bail peut également être repris dans les mêmes conditions, indépendamment du fonds, auquel cas le "droit au bail" est cédé par le locataire (le produit de la vente étant compté dans ses bénéfices). Sa valeur est justifiée par les conditions avantageuses du bail, notamment si le loyer est bas. Le coût d'un pas de porte ou d'un droit au bail, et encore plus d'un fonds de commerce, peut être comparable à celui de l'acquisition d'un logement. Il ne s'agit toutefois pas de droits de propriété dans la mesure où le bailleur peut prévoir des clauses lui conférant un droit de regard sur le repreneur et sur la destination des locaux. Son accord est également nécessaire pour la location-gérance qui, de fait, est souvent de courte durée et vise à préparer une cession du fonds. Lorsque l'ensemble du fonds de commerce est cédé, le bailleur ne peut refuser que le bail le soit également. En revanche, il lui est possible d'empêcher la vente du seul droit au bail, de telle sorte que ce dernier ne relève pas de l'abusus, même s'il paraît s'y apparenter. Le bail commercial ne se limite pas aux locaux commerciaux mais s'applique aussi aux autres immeubles non résidentiels, notamment ceux de bureaux. Néanmoins, de nombreuses entreprises (notamment au début de leur activité) souscrivent des baux de courte durée dérogeant au décret de 1953 (24 mois, non renouvelable mais ouvrant sur la possibilité de signer un bail commercial), moins protecteurs mais permettant une grande flexibilité 56 . Ajoutons qu'il existe une forme de crédit-bail spécifique aux entreprises, réformé en 1995 57 , qui permet de financer tout ou partie de l'acquisition par des loyers qui sont considérés comme des charges déductibles 58 .

Malgré ces différences entre les opérations sur immeubles et sur fonds de commerce qui mobilisent, au minimum, des connaissances juridiques différentes, la loi Hoguet ne sépare pas les deux métiers. La principale distinction concerne la nature de l'activité, selon qu'elle relève de l'entremise ou de la gestion. Dans le premier cas, il s'agit de mettre en contact un vendeur et un acheteur, ou un bailleur et un locataire, tandis que dans le second, le propriétaire délègue à son mandataire (l'administrateur de biens) un plus grand nombre de tâches. Celles-ci sont précisées dans le mandat et peuvent recouvrir : la perception des loyers, l'envoi de quittances, le paiement des charges, la réalisation de travaux, la représentation du propriétaire à l'assemblée générale de copropriété ou en cas d'incident locatif (comme les impayés de loyer), la souscription d'assurance, et l'établissement de déclarations fiscales. Il faut préciser que la gestion immobilière ne se confond pas avec l'activité de syndic (régie par la loi 65-557 du 10 juillet 1965 sur la copropriété) même si l'administrateur de biens peut exercer les deux et être à la fois gérant et syndic d'un immeuble. En ce qui concerne les locaux commerciaux, la gestion peut concerner la location des locaux ou celle du fonds de commerce.

Notes
51.

Dans l'immobilier, ce sont les marchands de biens qui pratiquent cette activité.

52.

Ces droits ont été ramenés à 4,8% en 1998. ils étaient de 8% auparavant pour les locaux d'habitation. Pour l'évolution de cette fiscalité, voir Jacques Friggit, "Deux siècles de transactions immobilières" Etudes Foncières, n°103, 2003.

53.

Le propriétaire ne doit pas avoir déménagé de sa résidence principale depuis plus d'un an. On ne cite ici que les cas les plus fréquents. L'imposition sur les plus-values a été révisée en 2004.

54.

S'il s'agit d'une société civile immobilière (SCI), c'est l'activité de cette dernière qui détermine le régime d'imposition.

55.

Pour éviter d'être considérés comme professionnels, certains particuliers signent un bail pour une location nue en précisant prêter les meubles "à titre gracieux"

56.

Claude Heurteux, L'immobilier d'entreprise, Paris, PUF coll. "Que sais-je ?", 1993.

57.

La réforme de 1995 a supprimé le régime fiscal spécifique aux SICOMI (sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie). Un crédit-bail permettant notamment de considérer les loyers comme charges déductibles et de diminuer l'endettement apparent est maintenant accessible à l'ensemble des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés ou aux bénéfices industriels et commerciaux.

58.

La location accession existe également dans l'immobilier résidentiel (L.84-595 du 12/07/1984), mais a été peu utilisée dans sa première forme. Elle a été réformée (loi 2005-32 du 19/01/2005) de façon à pouvoir être combinée à un prêt aidé (PSLA, prêt social location-accession).