Mandats simples et mandats exclusifs

Dans leur grande majorité, les mandats pris sont des mandats simples. Il n'existe pas d'évaluation fiable de la proportion d'exclusivités, et nous y reviendrons plus longuement par la suite car il s'agit d'un aspect essentiel de la relation commerciale. Le montant qu'évoquent spontanément les différents acteurs (représentants de syndicats professionnels, notaires, etc.) est de 10%, valeur que l'on peut considérer au mieux comme un ordre de grandeur, mais qui traduit surtout le caractère exceptionnel des exclusivités. La situation française est originale à cet égard, et ne se justifie pas par l'efficacité du mandat simple à un niveau collectif. Il a même tendance à accroître les démarches inutiles puisque plusieurs agents vont effectuer des tâches similaires. Pour un vendeur donné, il présente l'avantage de mettre en concurrence plusieurs agents et se présente donc comme plus incitatif. Néanmoins, il n'est pas certain que l'explication soit à rechercher uniquement dans le caractère plus ou moins motivant du contrat, puisqu'un des traits du mandat simple est qu'il permet au propriétaire de vendre directement. Théoriquement contradictoire avec le recours à un intermédiaire, cette pratique peut être vue comme une sécurité vis-à-vis des agents immobiliers ou comme un comportement opportuniste du vendeur qui profite de certains services (évaluation, conseil) tout en menant lui-même la transaction. On peut enfin y voir une réticence à se lier à un unique intermédiaire, sans savoir quelle sera son efficacité. Quel que soit le point de vue adopté, cela révèle une certaine méfiance envers les agents immobiliers, ainsi que leur incapacité à généraliser la pratique du mandat exclusif, comme cela a été le cas dans d'autres pays. L'exemple le plus cité est encore une fois celui des Etats-Unis, où les mandats exclusifs se sont imposés parallèlement aux fichiers communs.

La méfiance envers les agents immobiliers et la mauvaise image de la profession constituent évidemment un obstacle au développement du mandat exclusif mais on ne peut s'en tenir là, ne serait-ce que parce qu'il est loin d'être certain que leur image soit meilleure aux Etats-Unis. Le manque d'organisation collective de la profession, l'incapacité à définir une compétence et à la faire valoir au cours de la relation commerciale, ainsi que la faiblesse des dispositifs de captation de l'offre et de la demande, comme les fichiers communs, sont également en cause. Nous reviendrons plus longuement sur le mandat simple, et en particulier sur le fait qu'il ne s'explique pas uniquement en termes de contrat incitatif. Il suffit pour l'instant de noter qu'il a d'importantes conséquences sur la gestion de la relation commerciale. A titre d'exemple, il empêche de faire figurer l'adresse du bien mis en vente dans les publicités : il suffirait alors à un acquéreur potentiel ou à un autre agent immobilier de contacter directement le vendeur pour lui proposer une offre d'achat ou un mandat. Cela disqualifie également un type de recherche de biens qui est souvent mentionnée dans la littérature anglo-saxonne et qui consiste pour l'acquéreur à visiter un secteur et à y relever tous les panneaux indiquant une mise en vente : en cas de mandat simple, l'agent immobilier n'a pas intérêt à mettre un tel panneau.