Professionnels assurant la sécurité juridique de la transaction

En ce qui concerne la garantie juridique et la sécurité de la transaction, il faut distinguer les notaires et les experts réalisant le diagnostic technique. La transaction immobilière apparaît pour les premiers comme étant à la charnière des activités de monopole (rédaction de l'acte authentique de vente) et hors monopole (intermédiation). Or, le premier aspect est beaucoup moins rémunérateur que le second, mais peut demander un travail important s'il n'y a pas eu d'agent immobilier ou si ce dernier a mal préparé le dossier. L'accroissement du nombre de transactions dans l'ancien ne se traduit donc pas intégralement en bénéfice net pour le notaire. La nécessité de développer les activités hors monopole est un enjeu essentiel pour la survie de nombreuses études, mais les restrictions en matière de publicité font obstacle aux missions commerciales. D'après C. Thuderoz, pour qui l'évolution de la part des activités hors monopole s'interprète en termes "d'entrepreneurisation" 151 , le développement se ferait dans le sens de la prestation de service et du conseil en gestion patrimoniale. Il ne met pas en avant l'intermédiation immobilière. En plus d'une connotation commerciale affirmée éventuellement susceptible de heurter l'éthos professionnel de ces officiers publics, elle peut rencontrer deux types de difficultés : la place historique des notaires sur le marché local et la plus ou moins grande tolérance des chambres départementales envers la publicité. On considère habituellement que les notaires sont très présents en zone rurale où l'interconnaissance rend la publicité moins nécessaire que dans des marchés plus denses. Comme indiqué dans le premier chapitre, les différences régionales sont également marquées. En milieu urbain, le notaire est, au moins partiellement, dépendant des apporteurs d'affaires, dont les agents immobiliers.

La multiplication des diagnostics techniques réglementaires a suscité une demande de la part des propriétaires vendeurs, des bailleurs, des administrateurs de biens ainsi que des copropriétés, puisqu'une partie d'entre eux doivent être à jour lors d'un changement de locataire. L'institution du diagnostic amiante a notamment placé sous le champ de la loi un parc considérable qui n'était pas concerné par le plomb : tous les bâtiments dont le permis de construire a été délivré avant juillet 1997 y est soumis, à l'exception de l'habitat individuel. Il s'agit avant tout du parc construit après la guerre (plus de cinq millions de logements construits dans le collectif entre 1949 et 1989 152 ) mais aussi des locaux industriels et de bureaux. Plusieurs acteurs ont cherché à bénéficier de ce nouveau marché, acteurs qui nous paraissent relever de deux grands types. Les premiers restent cantonnés aux aspects techniques, même si leurs services peuvent dépasser les états réglementaires. Il peut s'agir de professions déjà établies comme des géomètres experts et des bureaux d'études, ou de structures spécialisées représentant un métier émergent de "diagnostiqueur". Les diagnostics ne peuvent être réalisés que par des personnes ayant suivi une formation agréée (dont la liste est régulièrement tenus à jour) : notons par exemple le CREDEF à Lyon (Centre de Recherche d'Etudes de Diagnostics Et de Formations), datant de 1986. Les formations au diagnostic technique sont courtes (stage d'une journée). Néanmoins, les certificats annexés aux actes de vente (ou dès l'avant-contrat) ne se contentent pas d'indiquer la présence ou l'absence du produit : la méthode utilisée doit également être précisée, y compris pour le métrage. On assiste plutôt à un développement des diagnostiqueurs 153 qu'à un investissement de ce domaine par les agents immobiliers, conformément à l'hypothèse formulée plus haut : si le diagnostic est déconnecté de l'intermédiation, l'agent immobilier n'est pas incité à le pratiquer. Son rôle s'oriente plus vers la prescription.

Un second type d'intervenant voit dans la vérification technique un complément à l'expertise immobilière. Cette notion ne doit pas être confondue avec l'évaluation en général : elle désigne les évaluations payantes réalisées par un professionnel. Si les chambres d'experts imposent l'idée que l'expertise doit être réalisée dans le cadre d'un mandat, celui-ci ne se confond pas avec le mandat loi Hoguet et ne correspond pas à un cadre juridique ou réglementaire mais plutôt à des chartes et des méthodologies définies par la profession. Comme précisé plus haut, détenir à la fois un mandat de vente et un mandat d'expertise pour le même bien peut conduire au conflit d'intérêt. Le recours à une évaluation indépendante (et payante) est toutefois assez rare entre particuliers 154 : les experts immobiliers sont donc sollicités dans le cadre des ventes par adjudication, ou par des professionnels. Il n'y a donc pas de contradiction dans le fait qu'ils acquièrent la carte T. Rappelons à cet égard qu'ils sont classés dans la NAF sous le même code que les agents immobiliers. Leur statut d'expert permet de faire valoir une compétence spécifique lors de la négociation, même s'ils ne réalisent pas l'expertise. Sans entrer pour l'instant dans les détails, on peut mentionner qu'il existe différents types d'évaluation, qui nécessitent des savoir-faire différents : en termes de valeur vénale (valeur de marché), de rentabilité locative (et de valeur actualisée), de valeur de remplacement (coûts de construction). Comme on le voit, la compétence d'expert ne se confond ni ne se limite à la connaissance technique du bâtiment, mais nécessite aussi celle du marché. Parallèlement, des acteurs situés à proximité du pôle technique peuvent évoluer vers l'expertise.

Notes
151.

Christian Thuderoz, "Notaires et huissiers de justice : du patrimoine à l'entreprise", Revue française de sociologie, vol.32 n°2, 1991, pp. 209-239. L'entrepreneurisation ne désigne pas uniquement le fait d'être confronté à la concurrence mais également l'évolution des pratiques professionnelles (gestion du risque et innovation), des comportements patrimoniaux (notamment dans la détention des études), du recrutement et de l'affaiblissement de l'ordre domestique dans la représentation légitime de la profession.

152.

Source : recensement général de la population, 1999

153.

Il existe déjà un groupe proposant une franchise : Alliance Sud Expertise. Le fait que la franchise porte aussi sur l'évaluation des biens va dans le sens d'une diversification des savoir-faire du métier.

154.

ANIL, L'expertise technique des logements, 2003