Population et échantillons

Echantillons

Ces développements demanderaient à être prolongés par l'analyse d'autres variables. Or, seul le sexe peut être obtenu avec les données disponibles, de telle sorte que le besoin de produire de nouvelles données se fait rapidement sentir. Au-delà des seules caractéristiques des directeurs d'agence, un certain nombre de traits importants pour la connaissance de la profession ne sont mesurés par aucune source. Certes, tous les champs de la base n'ont pas été présentés dans le paragraphe précédent, et certains seront mobilisés plus loin de façon plus précise pour des traitements spécifiques. Il est cependant nécessaire de saisir de façon systématique, c'est-à-dire dans leurs régularités et leurs variations, d'autres dimensions. A cet égard, le recensement qui vient d'être effectué n'a pas pour seul usage de dresser un panorama de l'agglomération lyonnaise. Il sert également de base à la constitution d'échantillons. Le terme est employé au pluriel, car, au-delà des entretiens qui seront présentés a chapitre 4, le choix a été fait de réaliser deux questionnaires, auprès de deux populations différentes. L'une regroupe les professionnels de la transaction des principales agglomérations françaises, et l'autre les agences immobilières de l'agglomération lyonnaise. La première population permet notamment d'aborder la diversité des façons de pratiquer la transaction, tandis que la seconde, plus homogène, conduit à mettre en avant les différenciations spatiales à l'intérieur d'un contexte donné, celui de l'agglomération lyonnaise. L'intérêt d'une telle approche réside également dans le fait de confronter les deux populations, et donc de viser à valider les résultats non seulement à partir de la représentativité de chaque échantillon mais également à partir des convergences et des écarts entre les différents résultats.

  • L'échantillon des professionnels de la transaction a été constitué à partir des annuaires disponibles (réseaux commerciaux et syndicats professionnels, chambres de commerce, et même les pages jaunes). Ont été retenues les entreprises référencées comme agences immobilières et/ou qui indiquaient pratiquer la transaction. Les recherches ont porté sur les villes centres et communes de banlieue des agglomérations de plus de 100 000 habitants, y compris Paris et l'Île de France. Les délimitations utilisées sont celles des communautés urbaines. Une telle sélection exclut en particulier la majorité des secteurs touristiques, dont on a vu qu'ils concentrent une grande partie des agences immobilières françaises, mais qui ne rentrent pas dans le cadre de notre étude. Pour des raisons de faisabilité, le choix d'un questionnaire à remplir sur Internet a été fait. Les entreprises ont donc été contactées par courrier électronique, le principal biais de l'enquête étant alors qu'elle reste cantonnée aux entreprises communiquant leur adresse électronique. Toutefois, le fait de ne pas l'indiquer ne signifie pas que l'entreprise présente des caractéristiques différentes, ni qu'elle n'utilise pas les nouvelles technologies. Cela renvoie plus fréquemment à un choix de communication. Un tel biais n'invalide donc pas l'enquête même s'il oblige à limiter la généralisation des résultats. 3760 adresses d'agences des grandes agglomérations françaises ont ainsi été réunies, dont 537 se sont révélées fausses ou correspondre à des entreprises qui, malgré leur référencement, ne pratiquaient pas la transaction dans le domaine résidentiel. Les questionnaires remplis ont été considérés comme non valables à partir de quatre non réponses. Avec 268 réponses valables on a donc un taux de réponses de 8,3% (8,8% avec les questionnaires non pris en compte), taux assez bas mais typique de ce mode de passation. Parmi ces répondants, le principal biais, outre celui indiqué à l'instant, est la forte proportion d'adhérents à des organisations professionnelles et de membres de réseaux commerciaux. Le questionnaire a donc, de fait, été adressé à la fraction la plus visible de la profession. Comment juger de la représentativité de cet échantillon ? A notre sens, il est satisfaisant pour pointer des régularités, et tester des liaisons entre variables, mais pas pour mesurer la distribution de ces variables dans l'ensemble des professions concernées. Il permet par exemple de valider l'idée selon laquelle il y a une corrélation entre le nombre de mandats pas négociateur et l'appartenance, ou non, à un réseau, mais pas de faire le point sur l'évolution de la place des réseaux. Sa pertinence peut également être jugée a posteriori, non seulement sur la base de la convergence des résultats avec les autres données produites, mais également en comparant ses caractéristiques avec celles des entreprises de la base de données. Cette comparaison, menée plus bas, rend manifestes un certain nombre de convergences d'après lesquelles on peut estimer que le questionnaire capte bien les traits structurants des professions concernées. Notre propos ne consiste évidemment pas à démontrer après coup une représentativité qui ne peut se justifier qu'au moment de la construction de l'échantillon. Il s'agit plutôt de préciser les caractéristiques des répondants pour voir s'ils correspondent à une fraction déterminée, ou non, de la population étudiée. Un des principaux intérêts de cette approche réside également dans le fait qu'il n'existe aucune enquête, même simple, sur les caractéristiques des professionnels de la transaction. Même imparfaite, celle-ci apporte donc des éléments nécessaires à notre étude.
  • Le questionnaire mené sur Lyon peut prétendre à une meilleure représentativité, même s'il vise une totalisation moins ambitieuse, que ce soit en termes d'échelle ou de diversité des acteurs. La population enquêtée est toutefois celle qui nous intéresse au premier chef, c'est-à-dire celle des agents immobiliers au sens défini ci-dessus. L'échantillon est directement constitué à partir de la base de sondage exhaustive (fichier de la Préfecture du Rhône). La population concernée comporte 421 agences et l'on réalise un sondage au quart avec 105 agences enquêtées. Dans un premier temps un échantillon probabiliste a été réalisé (avec tirage au hasard d'une agence sur quatre). Les agences sont cependant tellement concentrées que la proche banlieue (surtout Est) n'était pas représentée. Ce mode d'échantillonnage a donc été abandonné. Tout en respectant l'inégale répartition des agences dans l'espace, nous avons alors procédé à la surreprésentation de certains secteurs, de façon à ce que chacun soit représenté par cinq agence au minimum. par ailleurs, afin d'accentuer l'importance de la dimension spatiale, on a favorisé dans certains arrondissements la sélection d'agences très rapprochées (dans la même rue). Un second facteur a également guidé la constitution de l'échantillon : l'ancienneté des agences. Dans chaque secteur, l'échantillon présente la même structure par âge que la population mère. Enfin, la proportion d'adhérents à une organisation professionnelle ou à un réseau commerciale est également respectée. La passation s'est faite en face-à-face (ses modalités seront décrites au chapitre 4). Au final, 105 questionnaires ont bien pu être passés. Nous reviendrons plus loin sur ces conditions de passation et sur l'accès au terrain.
  • Le fait de disposer d'une base de sondage exhaustive est également utile pour la sélection des entretiens. La première partie d'entre eux a été réalisée au début de notre travail, et l'un des objectifs des questionnaires consistait à en systématiser les résultats. Le fichier complet des agences de l'agglomération a ensuite permis d'identifier les acteurs encore absents de l'étude, ou dont les spécificités avaient été mal saisies, et donc de cibler un petit nombre d'entretiens visant à combler ces lacunes. C'est notamment le cas des adhérents des fichiers communs, inexistants au début de notre travail et qui se sont développés rapidement à partir de la fin de l'année 2005. Les différentes méthodes sont donc conçues pour être complémentaires.

Les objectifs et questionnements des enquêtes seront également abordés en deuxième partie, mais il est nécessaire de souligner l'hypothèse forte sur laquelle reposent les deux questionnaires, à savoir qu'il est qu'il est pertinent de poser des questions au niveau de l'agence. Cela ne soulève pas de difficulté majeure pour la majorité des questions (par exemple sur le nombre de mandats, de collaborateurs, les secteurs prospectés), mais la pertinence des réponses aux questions qu'il est convenu d'appeler "d'opinion" est limitée par le fait que le répondant n'est pas toujours le directeur de l'agence, mais parfois l'un de ses collaborateurs (sans quoi les taux de réponses auraient été bien moindres dans les deux questionnaires). Or, l'homogénéité des pratiques et des représentations varie entre les agences, même si, à l'instar de ce qu'observe Y. Grafmeyer 185 à propos des agences bancaires, l'agence nous a souvent paru être productrice de manières communes de travailler et d'envisager le métier, d'autant plus que le directeur de l'agence est entièrement maître du recrutement. Il est possible d'identifier le répondant mais le choix a été fait de raisonner au niveau de l'agence et de son directeur. Deux arguments nous semblent également étayer ce choix. Le premier consiste à dire qu'il s'agit d'un niveau nécessaire d'observation et que la dimension exploratoire de l'enquête justifie cette simplification (que les entretiens peuvent partiellement compenser). Le second mise sur le fait qu'une partie du biais est absorbé par le nombre de réponses. On observe ainsi des corrélations assez nettes entre les réponses aux questions d'opinion et les caractéristiques de l'agence (voire celles du directeur de l'agence) même en tenant compte du statut du répondant. Dans la présentation des résultats, l'échelle sera donc celle de l'agence, associée aux caractéristiques de son directeur. Cette simplification ne sera pas systématiquement rappelée pour ne pas alourdir le propos mais doit être gardée en mémoire.

La distribution des non réponses découle directement de la possibilité donnée aux collaborateurs de remplir le questionnaire. En effet, les seules questions pour lesquelles on compte plus de 5 non réponses sont celles portant sur le directeur de l'agence. Ainsi, dans le questionnaire grandes villes, on compte 8 non réponses pour le sexe et l'âge du directeur d'agence. Dans la mesure où il s'agit de caractéristiques facilement observables, on estime qu'il s'agit de refus de répondre. En revanche, ce nombre atteint 41 pour le diplôme et l'ancienne profession exercée. Parmi ces 41 figurent évidemment les 8 refus de répondre, mais les autres s'expliquent plus probablement par l'ignorance de celui qui répond. Le questionnaire passé à Lyon confirme à cet égard que les négociateurs ne connaissent pas toujours le passé de leur directeur (ce qui ne va pas nécessairement de pair avec l'absence de représentations communes).

Les tableaux qui suivent précisent la composition des échantillons au regard des trois principaux critères de différenciation : la localisation, les activités exercées et l'ancienneté. A l'exception de la première, pour laquelle on se réfère à l'ensemble de l'agglomération lyonnaise, la comparaison réalisée prend pour point d'appui la population décrite dans le tableau 3 c'est-à-dire les professionnels de la transaction de Lyon et de la proche banlieue où domine le parc de logements collectifs.

Tableau 4. Composition des échantillons : distribution spatiale
Tableau 4. Composition des échantillons : distribution spatiale

La surreprésentation de localisations périurbaines dans le questionnaire en ligne vient des réponses d'agences de la grande couronne parisienne. En ce qui concerne la base de données, 157 agences présentes dans d'autres communes du Rhône ne sont pas présentes dans le tableau car elles appartiennent aux aires de villes moyennes comme Villefranche ou Givors et non à l'aire urbaine de lyon. Pour le questionnaire sur Lyon, on s'en tient aux arrondissements de la ville centre ainsi qu'aux communes proches (cf. tableau 3).

Le questionnaire réalisé à Lyon ne s'adresse qu'aux agences immobilières classiques, ce qui inclut pour certaines la location. Parmi elles, certaines ont une également une activité de gestion. Elles représentent 15% des agences immobilières de Lyon, de telle sorte que l'on en a retenu 16 dans notre échantillon. Précisons qu'une partie des agences n'ayant pas la carte G peuvent néanmoins exercer une activité de location, qui ne se confond pas avec celle de gestion. A l'inverse, le questionnaire en ligne s'adresse à l'ensemble des professionnels de la transaction. Il apporte une information plus riche sur les activités pratiquées dans les agences, de telle sorte que ces dernières peuvent être caractérisées plus finement que par la seule activité principale. En combinant les diverses activités pratiquées dans chacune des agences, nous avons ainsi établi les catégories suivantes :

  • Agences ne pratiquant que la transaction dans le domaine résidentiel (16% de l'échantillon). Ce sont celles qui correspondent le mieux à la définition de l'agence immobilière au sens strict.
  • Agences pratiquant la transaction dans l'immobilier résidentiel ainsi que la location et/ou la gestion (30% de l'échantillon). Un tiers seulement des agences pratiquant la location le font sans avoir aussi une activité de gestion. Dans la mesure où l'activité de recherche locative n'apparaît pas dans la base de données des agences du Rhône, cette proportion ne peut être directement comparée à celle du Tableau 3 Un sur six seulement est un administrateur de biens. Cette catégorie reste donc proche de la définition de l'agence immobilière retenue.
  • Agences généralistes, qui pratiquent une ou plusieurs activités en plus de la transaction et de la gestion (promotion, marchand de biens, immobilier d'entreprise). L'intermédiation dans l'immobilier résidentiel est une activité secondaire pour une partie d'entre elles, mais il faut surtout retenir la diversité des activités. Elles rassemblent 27% de l'échantillon.
  • Agences orientées vers l'immobilier d'entreprise : même si elles exercent dans l'immobilier résidentiel, elles se distinguent surtout par la négociation dans les locaux commerciaux et l'immobilier d'entreprise en général. Elles représentent 19% de l'échantillon, et une sur cinq a également une activité de location. Ce ne sont pas les agences appartenant aux grands réseaux de l'immobilier d'entreprise (qui n'ont pas été contactés), mais plutôt de petits intervenants (experts et/ou spécialistes de fonds de commerce).
  • Marchands de biens et promoteurs (8% de l'échantillon) : on les distingue des généralistes par le fait qu'ils n'ont pas d'activité de location ou de gestion, ni de lien avec l'immobilier d'entreprise. Ceux qui ne pratiquent que l'activité de marchands de biens sont parfois très proches des agents immobiliers au sens restrictif, alors que la promotion est plus éloignée. La moitié des agences de cette catégorie exercent les deux activités. Ces deux derniers groupes d'activité sont moins fréquents dans le questionnaire lyonnais.

Ce classement n'est pas une typologie. Il offre une vision un peu différente, mais complémentaire, de celle du tableau 3. En effet, la diversité des activités pratiquées par les professionnels de la transaction, y compris les agents immobiliers au sens restrictif, y apparaît plus nettement. La catégorie des agences orientées vers l'immobilier d'entreprise est quelque peu en retrait par rapport à notre objet mais elles ont tout de même une activité secondaire dans l'immobilier résidentiel et, pour partie, un fonctionnement et une taille relativement proches de ceux des agences immobilières. En termes de représentativité, cette diversité d'activités confirme que l'on s'adresse à des acteurs disposant dans l'ensemble de plus de ressources que la majorité. La présence des généralistes montre que l'on a pu toucher des acteurs traditionnels et probablement bien implantés. En revanche, les nouveaux entrants, banques et bureaux d'études, sont pratiquement absents. Le questionnaire en ligne saisit donc en premier lieu les pratiques d'acteurs traditionnellement impliqués dans la transaction.

Tableau 5. Composition des échantillons : ancienneté
Tableau 5. Composition des échantillons : ancienneté

Les agences immobilières lyonnaises ont été sélectionnées de façon à présenter un profil par ancienneté comparable à celui des 421 agences de la base de données. Le questionnaire en ligne se distingue quelque peu de la situation lyonnaise en raison des parts respectives d'entreprises fondées dans les années 1990 et après 1999. Ces dernières sont proportionnellement plus nombreuses dans l'échantillon du questionnaire, ce qui, comme on vient de le dire, ne signifie pas que les "nouveaux entrants" y soient représentés. Le décalage est notamment dû aux entreprises parisiennes qui, dans l'échantillon, sont en moyenne plus récentes que dans les autres localisations. Il est tentant d'y voir d'une conjoncture encore haussière que dans les autres villes. Le phénomène serait comparable à celui relevé pour Lyon ci-dessus, mais le niveau et la hausse des prix l'aurait accentué, conduisant à des créations d'agences en plus grand nombre qu'ailleurs. A l'appui de cette hypothèse, on peut dire que les structures par âge diffèrent selon le type de localisation, le pourcentage d'agences anciennes étant le plus élevé dans les plus petites agglomérations. Notons par ailleurs que les entreprises les plus anciennes sont souvent des administrateurs de biens, de telle sorte que le profil présenté par l'échantillon offre un grand nombre de ressemblances avec celui de la base de données.

Notes
185.

Yves Grafmeyer, Les gens de la banque, op. cit.