Les indicateurs retenus
Toutes les facettes de la transaction ne peuvent être traitées par questionnaire. Les thématiques qui ne sont pas au cœur de la problématique ou ne relevant pas d'un traitement quantitatif ont donc été omises ou seulement effleurées : les relations de travail entre membres d'une agence ainsi que les rapports entre agences d'un même réseau commercial. Certaines questions relatives au fonctionnement du marché mais pour lesquelles on ne trouvait pas d'indicateur univoque ont également été soit écartées, soit formulées différemment. Par exemple, pour mesurer l'intensité de la demande dans tel secteur ou telle catégorie de bien, ou la pression mise sur les acquéreurs, le délai entre la mise en vente et le compromis (question 22), complété par le nombre de promesses d'achat sans suite (question 21), sont plus pertinents que le nombre de visites, ne serait-ce que parce que les autres agences font également visiter le logement. D'une manière générale le nombre de visites serait un indicateur pertinent pour des affaires en particulier (un projet immobilier ou une vente), non en tant que valeur moyenne. Des raisonnements comparables sont valables pour les termes et enjeux des négociations ainsi que pour les redéfinitions de projets immobiliers, pour lesquels les indicateurs pertinents ne sont pas toujours les plus directs. Les variables peuvent, oiur certaines, paraître un peu larges mais la dimension qualitative du travail permet d'en contrôler le sens. Enfin, des informations publiques, accessibles par un autre moyen, ou qui ne sont pas directement interprétables, n'ont pas été demandées pour ne pas alourdir le questionnaire. Cela vaut en particulier pour le barème de commission ou pour l'adresse de l'agence (que l'on note tout de même mais sur laquelle on ne pose pas la question afin de réduire le temps de passation).
Le questionnaire est divisé en cinq parties, dont le talon, que l'on va présenter succinctement afin de préparer les analyses des chapitres suivants.
- L'agence :
-
- Questions 1 à 10 : cette première partie vise à caractériser l'agence en fonction de quelques critères objectifs et simples que les recherches précédentes ont identifié comme pertinents. Ce sont souvent de bons indicateurs indirects des ressources dont disposent les agents immobiliers (en termes de réseaux, de compétence, etc.) Sans conduire à une typologie définitive, ils ont pour utilité de compléter les données issues de fichiers et d'aider à situer le contexte dans lequel prend place l'activité de transaction au sein de l'agence. Ces critères sont l'ancienneté (questions 1, et 2 si l'agence a été reprise), la localisation (question 3 + adresse de l'agence), les activités (question 5) et la spécialisation (questions 6 à 10). En ce qui concerne les autres activités, il était nécessaire de conserver la liste complète, même si le questionnaire s'adresse aux seuls agents immobiliers : d'une part le questionnaire en ligne concerne une population plus large, et d'autre part certains agents immobiliers peuvent exercer à titre occasionnel une autre activité. Il y avait en général une petite discussion avec le répondant pour savoir si cette activité était significative. On ne laisse que deux possibilités à la question 3 afin de faire ressortir les traits saillants.
- Questions 11 à 15 : ces questions visent également à contextualiser le travail de transaction en le rapportant à la taille de l'agence (question 11), les conditions de travail (12 et 13) et la position dans le milieu professionnel (14 et 15). Il s'agit d'une peinture à grands traits des pratiques de l'agence par les indicateurs les plus visibles, l'objectif étant ici moins d'entrer dans le détail que de restituer l'organisation d'ensemble.
- Les mandats : Les mandats de vente sont le cœur de l'activité de transaction. C'est l'outil par lequel on entre dans le fonctionnement du marché intermédié sans en revenir à chaque vente. Les mandats sont d'abord vus en termes gestion de portefeuille (quantité et qualité), puisqu'ils représentent d'une certaine façon les actifs de l'agence. On les approche ensuite par le biais des apporteurs d'affaires, qui sont une des clés de la compréhension des relations sociales susceptibles de façonner un marché. La qualité de la relation commerciale sert de pont entre ces deux approches dans la mesure où les conditions d'obtention d'un mandat (filière, sources, etc.) influencent profondément sa gestion.
- Questions 16 à 23 : ces questions visent à déterminer la qualité des mandats, c'est-à-dire à donner la mesure du pouvoir de représentation
367
et de négociation qu'ils confèrent. L'ordre des questions vise à respecter une progression, de l'obtention du mandat jusqu'au compromis de vente. Le nombre de mandats (question 16) est un préalable nécessaire pour pouvoir comparer les différentes agences de même que les mandats de recherche (19), dont le rôle est assez différent (il s'agit souvent, rappelons-le, de faire passer la commission à charge de l'acheteur pour réduire les prix de notaire). Le mandat le plus ancien (17) est un indicateur simple des difficultés à vendre mais doit être complété par le délai moyen et par le pourcentage de mandats exclusifs (18) qui donnent une idée de la structure du "portefeuille" de mandats. L'ancienneté est demandée par périodes de 3 mois, qui correspondent à la durée normale d'un mandat simple. La variabilité du délai moyen dépend aussi de la spécialisation de l'agence dans certains types de biens plus longs à vendre. Le délai est, d'une manière générale extrêmement variable et ce sont, ici plus qu'ailleurs, les comparaisons entre agences qui ont un sens. En ce qui concerne les mandats exclusifs, les entretiens semblent indiquer une différence entre les "moins de 10%" et les "de un tiers à la moitié" (avec quelques agences qui travaillent surtout en exclusivité), d'où ce choix des modalités. Le travail en inter-agence (c'est-à-dire lorsque le client est amené par une autre agence qui n'a pas de mandat sur ce bien) est ici abordé à la fois comme indicateur de réseau et comme qualité de mandat. La réussite d'une affaire en inter-agence suppose en effet une coopération entre agences et une confiance de l'agent envers l'acquéreur. Les trois questions suivantes doivent être mises en rapport avec les précédentes pour mesurer l'efficacité des mandats et de la négociation. Le succès des promesses de vente (21) est un indicateur de la pression mise sur les acquéreurs, des offres suivies d'une rétractation étant souvent le résultat d'une visite ou d'une présentation bien menée mais oublieuse des facteurs réels de décision. Le délai (22), qui doit évidemment être comparé à des valeurs moyennes, est un signe de l'adéquation entre les mandats et la demande (éventuellement de l'efficacité commerciale), de même que le rapport ventes/ mandats (23), ou taux de transformation, pour lequel les entretiens donnent souvent la valeur moyenne de une pour quatre.
-
- Questions 24 à 26 : Ces questions visent à identifier les sources d'affaires afin de se représenter les réseaux et filières propres à l'agence et, par extension, ceux structurant le marché. Les propositions sont plus détaillées pour les vendeurs (24) que pour les acquéreurs potentiels (25 et 26) dont l'origine est moins contrôlable par l'agent immobilier.
- Questions 27 à 29 : l'objectif est de disposer d'indicateurs complémentaires sur la qualité des mandats et la marge de manœuvre des agents immobiliers. La capacité à refuser des mandats dans un contexte de pénurie (27), et de le faire pour des raisons qui correspondent à sa propre conception de la transaction (28) en sont un signe. Enfin, la question 29 est censée résumer les rapports entre la nature du mandat et l'origine des affaires.
- Types de bien et types de clients : cette partie du questionnaire a pour objectif de saisir la composition des clientèles et les caractéristiques des biens traités. Les questions ne peuvent porter directement sur des combinaisons ménages/habitat, à cause de la multiplicité des combinaisons possibles. Le choix a donc été fait de poser une série de questions sur chaque caractéristique habituellement retenue comme pertinente pour ne les croiser qu'ensuite, au cours de l'exploitation. On ne mettra à jour que les tendances majoritaires au sein de chaque agence, mais la clarté des résultats compensera la perte d'information. Si par exemple un agent déclare avoir une clientèle d'investisseurs et de cadres, on ne pourra en déduire que les acquéreurs sont majoritairement des cadres investisseurs : les deux questions ne se recoupent pas nécessairement. Néanmoins, le croisement des catégories "cadres" et "investisseurs" prend un sens en terme de figure typique: les croisements permettent plus de dessiner des convergences que d'établir des associations réelles comme on le fait pour étudier le peuplement.
-
- Questions 30 à 34 : les questions portant sur la spatialisation des pratiques de l'agence sont laissées ouvertes dans le questionnaire lyonnais pour laisser s'exprimer les différentes échelles de perception (quartier, commune, etc.) Cela n'interdit évidemment pas de les recoder. En revanche ces questions ont été fermées dans le questionnaire en ligne. Suite au travail d'observation on distingue les secteurs recherchés, ceux pourvoyeurs de mandats et ceux où se font les ventes (respectivement 30, 32 et 33), tout en y ajoutant deux questions sur les représentations (31 et 34), particulièrement en termes de concurrence.
- Questions 35 et 36 : ces deux questions visent à classer simplement les biens, par type (35) et qualité (36), en reprenant des catégories qui soient simples autant que signifiantes.
- Questions 37 à 39 : l'objectif est ici de se faire une idée des projets immobiliers (39) traités par les agents tout en cherchant à caractériser plus en détail les aspects relatifs à la localisation : d'abord en voyant la place qu'elle occupe parmi les déterminants classiques –et simplifiés– du choix du logement (d'où la hiérarchisation dans la question 37), puis en insistant sur les déterminants spatiaux (question 38).
- Question 40 à 44 : cette série de questions a pour finalité de classer les clientèles en fonction de critères sociologiques classiques, à l'exception de l'âge (le fait de l'approcher par la catégorie "retraités" nous semble suffisant). Les questions sur les acquéreurs portent sur ceux qui ont effectivement réalisé un achat avec l'agence. La nomenclature des CSP utilisée est celle à un chiffre (en omettant les agriculteurs), sauf pour la 2e où il est nécessaire de distinguer les commerçants à cause des agents réalisant des transactions en fonds de commerce à titre plus ou moins occasionnel. Des différences de distribution spatiale sont observables dans les autres catégories (entre professions libérales et cadres du public par exemple) mais les contraintes du questionnaire, ainsi que le parti pris de se cantonner ici aux grandes lignes, rendrait leur prise en compte non pertinente. Comme on le verra, ce type d'objectivation permet de mesurer une hiérarchisation des clientèles, mais pas d'aller beaucoup plus loin dans leur appartenance sociale.
- L'information et la valorisation (questions 45 à 52) : l'information et la valorisation sont indissociables et doivent être comprises dans leur rapport à la relation commerciale et à la gestion des mandats. L'ordre des questions suit une progression, allant des informations collectées par l'agent immobilier (46 et 47), à celles qu'il transmet. La 48 est la principale puisqu'elle donne également une indication quant à la nature du service rendu, tandis que les questions sur les supports (49 et 50) viennent la compléter. Ces deux dernières ont surtout pour intérêt de révéler des absences, signes de stratégies de valorisation. Quelques questions sont relatives à la négociation elle-même bien qu'il soit difficile de trouver des indicateurs pour cette interaction que l'observation ou l'entretien sont plus à même de saisir. La question 45 porte sur les vendeurs et le contexte de négociation, tandis que la 51 concerne les acquéreurs à propos d'une pratique (les rendez-vous à l'agence) dont on a pu observer qu'elle était révélatrice des techniques de sélection des clients. La question 52 enfin, résume les représentations par le choix d'un mot aux connotations nettes.
- Le talon (53 à 58) : les questions du talon visent à mieux connaître le responsable de l'agence et non les autres négociateurs. Les critères retenus sont habituels et doivent donner une idée, même rapide, de sa trajectoire et de son capital social.
Notes
367.
Au double sens de délégation et de mise en scène.