Ouverture : des effets de club ?

Nous laisserons cette question en suspens. Avant de passer à l'étude de la relation de service et de la négociation, il est nécessaire de résumer de façon synthétique cette étude des techniques de l'intermédiation en rapprochant celles relatives à la constitution de l'offre et celles qui construisent la demande. Pour cela nous avons à nouveau choisi la méthode de l'analyse factorielle qui permet une visualisation complète (cf. Figure 7). Seuls les principaux indicateurs sont retenus : refus de mandat, rendez-vous préalable, mobilisation du réseau personnel, nombre de mandats par personne (pour les techniques), type de l'agence et types de clientèles (pour l'ancrage social de ces pratiques). Deux variables ont été ajoutées : le taux de transformation (nombre de mandats pour une vente) qui est un indicateur de l'efficacité de la relation commerciale et le délai qui peut également en être un mais qui, faute de pouvoir distinguer très finement entre types de biens, est surtout un signe des différences de difficulté à vendre un bien (ainsi, les maisons les plus chères, type de clientèle 2, sont-elles associées au délai maximum, plus de trois mois).

Figure 7 : techniques de l'intermédiation, position et efficacité

Le premier facteur (16% de l'information) oppose les agences ayant une démarche cumulative dans l'acquisition des mandats et celles qui sont plus sélectives. Les premières ont un grand nombre de mandats et peu d'exclusivités. Leur taux de transformation est logiquement plus bas. Les secondes ont un taux d'exclusivités plus important, refusent plus souvent des mandats et mobilisent plus le réseau personnel. Il s'agit surtout d'agences anciennes, de type B ou C, celles de type B touchant plus facilement les clientèle aisées. Leur taux de transformation est plus élevé, ce qui est le signe que leur choix de privilégier un plus petit nombre d'affaires (proportionnellement à leur taille) se révèle payant, particulièrement pour les agences de type C. Le deuxième facteur (14%) distingue les types de clientèle en fonction des délais de vente qui leur sont associés : les logements individuels sont les plus longs à vendre, devant les appartements achetés par des clientèles aisées (qui peuvent présenter des caractéristiques "banales" mais sont plus souvent achetés par des investisseurs, des acheteurs nationaux), etc. Enfin, on peut repérer une catégorie de biens qui apparaissent comme standards et se vendent rapidement : là aussi le qualificatif de standard renvoie autant aux caractéristiques physiques du bien qu'aux caractéristiques commerciales du produit, agrégeant le comportement des clientèles (fait que le bien soit recherché ou non) et le mode de présentation du bien sur le marché. Les agences en franchise semblent les mieux placées sur ces "biens standards". Chaque type d'agence est étroitement associé à une catégorie de clientèle et à des techniques propres d'intermédiation (sauf le type C qui se distingue plus par les techniques que par les clientèles) de telle sorte que se dessinent des modes de valorisation bien distincts, adaptés aux spécificités de chaque clientèle (seules les agences récentes de type B semblent en moins bonne position, cumulant un faible taux de transformation et un positionnement sur des marchés où les délais de vente sont longs). La nature des relations de marché et les flux de rencontres entre acheteurs et vendeur dépendent du circuit de valorisation auquel appartient le bien, devenu un produit. Tout ne renvoie donc pas à une question de sélection par l'agent et de repérage de la solvabilité de l'acquéreur : le délai et les conditions dans lesquels l'intermédiaire amène à une vente dépend de l'inscription de l'affaire dans ces circuits de valorisation. Les notions de coût de recherche et de qualité de l'ajustement doivent donc être pensées à l'intérieur de ces circuits, reliées à des techniques d'intermédiation et à des phénomènes de proximité qui forment le contexte de la vente.

Peut-on pour autant parler de phénomène de fermeture de marché ? L'échantillon utilisé ne le permet pas car les agences qui le composent ne sont pas en concurrence directe. Bien qu'un logement puisse être mis en vente de deux façons très différentes, un certain nombre d'éléments tendent toutefois à attester l'existence de tels processus. Ainsi, les agences récentes de type B de l'échantillon ont une localisation aussi centrale que les autres, très proche de celle des agences de type B : le fait qu'elles soient surtout associées à l'habitat individuel en périphérie, qui plus est dans des conditions qui ne sont pas nécessairement favorables, semble indiquer qu'elles ne parviennent pas à vendre dans les zones centrales, même si elles y accroissent la concurrence en prenant des mandats. De la même façon, le discours des franchisés sur l'impossibilité à entrer sur le marché des appartements anciens dans les quartiers signale peut-être plus l'inadéquation de leurs méthodes de prospection dans ce cadre là qu'une forte proportion de transactions échappant aux intermédiaires. Passer de la mise en évidence de ces modes génériques de valorisation, à la concurrence sur des marchés locaux sera l'enjeu de la troisième partie. Avant de s'y attacher, il est nécessaire de décrire le contenu de la relation de service et la place qu'elle peut occuper, vis-à-vis des techniques d'intermédiation, dans la production de l'ajustement.