chapitre 6 : relation de service, conseil, negociation

‘"Depuis Adam se laissant enlever une côte, jusqu'à Napoléon attendant Grouchy, toutes les grandes affaires qui ont raté étaient basées sur la confiance... Faire confiance aux honnêtes gens est le seul vrai risque des professions aventureuses."’

Michel Audiard, Le cave se rebiffe

‘"Le fondement d'un véritable marché de services n'est pas seulement un acte simple où se mettent en relation un offreur et un demandeur. Si cette simplicité existe c'est qu'il y a de manière plus fondamentale des processus explicites qui permettent de clarifier la relation de service, de préciser l'engagement et le rôle de chacun, et de spécifier la nature et la qualité des services offerts".’

André Barcet et Joël Bonamy 407 ,

Au vu des développements qui précèdent, il apparaît que la relation de service et la négociation sont indissociables de l'ensemble des techniques de l'intermédiation : on les distingue pour les besoins de l'analyse mais cette distinction ne recouvre ni la temporalité de la relation commerciale ni une autre finalité que la réalisation de la transaction, ni même des pratiques différentes. Le fait de les aborder à part ne se justifie toutefois pas uniquement par des raisons de présentation, mais également par la nécessité d'approfondir la question des ajustements réalisés par les agents immobiliers (et qui ne se limite pas aux critères de jugement à l'œuvre dans la sélection des acquéreurs). Pour cela, il est nécessaire de considérer trois aspects :

Chacune des trois questions ouvre sur les problématiques de l'incertitude liée aux asymétries d'information et de la confiance. Souvent employé par les agents pour désigner les modalités de reconnaissance de leur travail par les clients, le terme de confiance porte sur les dispositions des clients comme sur leur jugement. Il ne s'agit alors pas d'un jugement global sur l'agent immobilier : il peut porter sur son honnêteté (ne pas cacher d'information ou cherche à vendre un bien mal adapté), sur le fait qu'il va prendre ou non à cœur les intérêts du client qui le sollicite, sur sa compétence technique (pertinence de son évaluation) ou commerciale (capacité à trouver des acheteurs), les quatre n'allant pas toujours dans le même sens. Dans le cas par exemple d'une estimation gratuite, la dimension servicielle (et la confiance) précède le rapport commercial, mais ne débouche pas systématiquement sur un mandat : la confiance du vendeur est justement ce qui le retient de solliciter l'agent pour la transaction. Nous n'aborderons donc pas la question de la confiance et de l'incertitude en toute généralité 408 car elle se pose différemment selon les conditions de la relation commerciale. Le service, le conseil et la négociation sont en effet subordonnés à ce que l'on a appelé les techniques de l'intermédiation, qu'ils les prolongent ou qu'ils aident à les instaurer. Dans le domaine de la vente, la promotion des biens et le service au client se confondent en grande partie. Pour cette raison, nous ne partirons pas de la question de la réduction de l'incertitude (ce qui ne signifie pas qu'elle est écartée) mais de la place de ces trois aspects par rapport aux techniques de l'intermédiation.

Notes
407.

"Qualité et qualification des services" in Jacques de Bandt et Jean Gadrey (dir.), Relations de service, marchés de service, op. cit. p172.

408.

Comme on l'a vu au chapitre 4, l'incertitude et la confiance représentent des concepts-clés de la sociologie économique parce qu'ils contraignent à considérer l'échange autrement que sous l'angle de la rationalité individuelle et à introduire le jugement et la croyance.