Présentation générale

Les données de l'OTIF portent sur la communauté urbaine de Lyon qui regroupe 55 communes : la carte avec l'ensemble des communes figure en annexe). Ce découpage a une pertinence, ne serait-ce que parce qu'il circonscrit le réseau de transports en commun (les TCL) et le domaine d'action de la communauté urbaine (le grand Lyon, ou Courly). Il n'est néanmoins pas entièrement satisfaisant pour l'étude du marché immobilier : si l'on cherche à faire une étude complète de ce marché (individuel et collectif), par exemple pour vérifier la décroissance du prix au mètre carré lorsqu'on s'éloigne du centre, il est nécessaire de considérer une zone plus large, par exemple l'aire urbaine telle qu'elle est définie par l'INSEE 504 . En revanche, pour une étude des transactions dans le par collectif ancien, il est trop large : pour beaucoup de communes de la Courly, notamment dans les banlieues Est et Nord, où le nombre de transactions par an n'atteint pas la dizaine, il est abusif de parler d'un marché des appartements anciens. Nous avons donc créé un autre découpage pour ne tenir compte que de la proche banlieue où le marché est important : il s'agit des communes de la première couronne, ainsi que celles non limitrophes mais dans lesquelles on dénombre au moins 50 transactions par an (Carte 2).

Carte 2 : Lyon et sa proche banlieue

Dans la suite de cette présentation, nous utiliserons essentiellement des chiffres sur l'ensemble du Grand Lyon (à un niveau agrégé, la petite taille des communes n'appartenant pas à la "proche banlieue" ne change pas beaucoup les résultats), sauf mention contraire. Le découpage de la première couronne sera surtout utilisé au chapitre 8. Quatre communes y sont traitées ensemble (Champagne au Mont d'Or, St Cyr au Mont d'Or, Collonges au Mont d'Or et St Didier au Mont d'Or) : les Monts d'Or forment un ensemble plus vaste remontant le long de la Saône mais où le parc collectif devient rapidement très minoritaire. D'une manière générale la densité est plus importante dans la banlieue Est, ce qui renvoie à l'histoire longue du peuplement de Lyon. De façon très schématique, celui-ci a en effet été structuré par un déplacement vers l'Est du centre de gravité de la ville. Au risque de se montrer caricatural on peut le résumer en 4 grandes étapes.

  • Le peuplement originel, dont témoignent les ruines romaines, s'est implanté rive droite de la Saône, sur les collines et sur ses rives où se trouve actuellement le "Vieux Lyon", dans le 5e arrondissement. Quartier central tout au long de la Renaissance, il cède progressivement la place à la presqu'île, notamment au quartier d'Ainay (dans le 2e arrondissement), lieu d'élection de l'aristocratie et d'une bourgeoisie issue du commerce et de la banque au 18e siècle 505 . Cette bourgeoisie marque la presqu'île de son empreinte, notamment sous le Second Empire où, entre 1853 et 1865 de nombreux travaux (dont le percement de grandes avenues, rue Impériale et rue de l'Impératrice, rebaptisées depuis rue de la République 506 et rue Edouard Herriot), la remodèlent entièrement, faisant d'elle, selon le mot d'André Bruston, le "manifeste urbain de la bourgeoisie" 507 . Cette presqu'île bourgeoise se prolonge au Nord jusqu'au au bas des pentes de la Croix-Rousse (à la limite du 1er et du 4e arrondissement), lieu hautement symbolique de l'industrie de la soie, et au sud jusqu'au quartier de Perrache : le secteur correspondant au confluent du Rhône et de la Saône a longtemps été peu exploité et fait l'objet d'un vaste projet d'aménagement. La Croix-Rousse a quant à elle été rattachée à Lyon en 1852, en même temps que deux autres communes populaires en forte expansion : la Guillotière, datant du 15e siècle, rive gauche du Rhône (actuel 7e arrondissement) et Vaise rive droite de la Saône (9e arrondissement).
  • L'extension sur la rive gauche du Rhône ne se limite pas à l'annexion de la Guillotière mais est indissociable de l'évolution du patrimoine foncier de l'Hôtel Dieu (repris en 1802 par les Hospices civils de Lyon, ou HCL) : bénéficiant de nombreux legs, dont un des plus fameux est celui de Mme de Servient en 1711 508 , les HCL disposent au début du XIXe siècle de 1000 hectares de domaines ruraux dont des fermes situées à la Guillotière, ainsi que dans les actuels 3e et 6e arrondissement et à Villeurbanne (Tonkin, la Doua, les Charpennes). Pour le 3e on a par exemple évoqué les terrains correspondant à l'actuel quartier d'affaires de la Part-Dieu (cf. chapitre 2). Les domaines se composaient de la propriété des Brotteaux (400 hectares de l'actuel 6e arrondissement et de Villeurbanne) et de maisons sur la Presqu'île. Un deuxième pont (seul celui de la Guillotière existant auparavant) est construit en 1775 à l'initiative de l'architecte Morand (responsable également de l'aménagement et du découpage en damier des parcelles des Brotteaux et du début de leur construction). Au fur et à mesure de la croissance démographique la pression de la municipalité pour récupérer les domaines des HCL s'accroît, notamment au début du XXe siècle avec le développement du quartier de Grange Blanche 509 (quartier des hôpitaux), à la limite des 3e et 8e arrondissements. En 1914 ces domaines ne représentent plus que 150 hectares, et une soixantaine en 1970. Les terrains construits n'ont pas tous été cédés mais une partie importante a été louée, sous forme de baux à longs termes et de baux emphytéotiques qui sont encore en vigueur à l'époque actuelle.
  • La fin du XIXe et le début du XXe siècle voient le développement se poursuivre, non de façon linéaire mais par points de concentration au bâti encore diversifié 510 , au Sud (Gerland dans le 7e arrondissement), et à l'Est (quartiers de Montchat, Monplaisir, Maisons Neuves à l'Est du 3e arrondissement et dans le 8e). Les expériences de grands ensembles, dont les Gratte-ciel (1927-1931) de Villeurbanne et le quartier des Etats-Unis dans le 8e sont les emblèmes, accompagnent dans les années 1920 et 1930 la poussée et la diversification de l'industrialisation (du moins en périphérie, les secteurs centraux de la Presqu'île ainsi que la rive gauche souffrant des effets de la crise du logement) 511 . Celle-ci continue à s'étendre après la première guerre mondiale vers l'Est (Vaulx-en-Velin, Vénissieux) et le Sud (Saint Fons, Feyzin), mais aussi à l'Ouest (Oullins et la Mulatière). Conformément au modèle d'urbanisation alors dominant, ces communes ouvrières, Vénissieux, Saint Fons, Vaulx-en-Velin, ou Rillieux-la-Pape accueilleront les grands ensembles de logements sociaux construits dans les années 1960 et 1970 (25% du parc social du Grand Lyon y est situé, alors que seulement 12% de la population de la Courly vit dans ces quatre communes). Parmi les quartiers de grands ensembles caractéristiques de l'agglomération il faut également citer le plateau de la Duchère, dans le 9e arrondissement, symbole des opérations de démolition reconstruction.
  • A partir des années 1980, l'agglomération lyonnaise est, comme la plupart des agglomérations françaises, marquée par le phénomène de l'étalement urbain qui se caractérise par un doublement de la population de l'aire urbaine entre 1982 et 1990 (hors pôle urbain : +123%) tandis que les populations de la ville centre et du pôle urbain stagnent (+6% pour le pôle urbain). Entre 1990 et 1999 toutefois ce mouvement s'interrompt et le taux de croissance de la population est le même pour Lyon et pour son aire urbaine (environ 7%) alors que celle du pôle urbain reste constante (la croissance naturelle compense un déficit migratoire important). La population de la banlieue reste toutefois très importante par rapport au poids de la ville centre. Ce type de croissance dit de "banlieue en retrait" est partagé avec d'autres grandes villes comme Lille ou Nantes, se distingue de "l'étalement régulier" (Paris, Marseille, Grenoble, avec des rythmes différents) et des "banlieues dynamiques" (Strasbourg, Nice) 512 . La périurbanisation n'est donc pas la seule évolution notable de cette période qui voit également s'accentuer le souci de revitalisation des centres, préoccupation se traduisant par la multiplication des opérations de réhabilitation, notamment dans le Vieux Lyon celles de St Jean et St George 513 . On dénombre ainsi 30 opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) entre 1977 et 1995 514 . Le centre continue à faire l'objet de telles opérations au début des années 2000, OPAH et plan de lutte contre l'habitat indigne, notamment dans le 1er arrondissement (Bas des pentes, Opéra, Bourse, 2004-2006) et dans le 7e arrondissement (Guillotière et Gerland, 2003-2006).

Ce rapide panorama est par définition schématique et très incomplet, laissant notamment de côté les profondes transformations du peuplement, qui ne se limitent pas à la croissance démographique. Il était toutefois nécessaire de poser ces quelques points de repère car ils continuent de structurer l'organisation sociale de l'espace urbain : ainsi, la délimitation par les voies ferrées (à l'Est, des 3e, 6e et 7e arrondissements, et au Sud du 2e et du 7e) reste la ligne de partage entre les quartiers centraux et les secteurs excentrés qu'elle était dans le Lyon de l'entre-deux-guerres étudié par Jean-Luc Pinol 515 . De la même façon nous ne décrirons pas ici les évolutions du peuplement, nous contentant d'évoquer deux facteurs : le premier est que la mobilité résidentielle est plus importante dans la ville centre que dans les communes du Grand Lyon : le pourcentage de personnes n'habitant pas dans le même logement en 1999 qu'en 1990 est de 63% à Lyon (où le taux de propriétaires de leur résidence principale est de 31%) pour 42% dans le reste de la Courly (avec un taux de propriétaires de 49%). Rappelons que ce taux de mobilité ne capte pas toute la mobilité résidentielle puisqu'un seul déménagement par personne peut être enregistré par le recensement. Le second facteur porte sur la stratification sociale : comme d'autres grandes villes Lyon connaît une croissance de la PCS des cadres et professions intellectuelles supérieures au-dessus de la moyenne nationale (22% de hausse entre 1990 et 1999 contre 17%) et une diminution plus forte de celle des d'ouvriers (17% de baisse contre 7%). Le parc de logements se caractérise par une forte proportion de logements construits après 1950 (plus de la moitié contre 40% en moyenne dans les grandes villes). La répartition de la propriété se distingue essentiellement par la domination des immeubles en copropriété (53% soit le taux le plus élevé des grandes villes françaises) par rapport aux immeubles en unipropriété appartenant à des personnes physiques (25%). Le reste appartient à des personnes morales parmi lesquelles la municipalité détient le plus d'immeubles 516 .

Notes
504.

L'INSEE propose deux découpages pour les agglomérations : le pôle urbain, rassemblant toutes les unités urbaines de plus de 5000 emplois qui n'est pas situé dans la couronne périurbaine d'un autre pôle urbain. L'aire urbaine regroupe les communes dont au moins 40% de la population ayant un emploi travaille dans le pôle urbain. Les découpages utilisés ici ne correspondent pas à ceux là de telle sorte que les données de recensement sont obtenues en additionnant les informations disponibles au niveau communal.

505.

Maurice Garden, Lyon et les lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Les belles lettres, 1970.

506.

La société par actions "la société de la rue impériale", fut créée à cette occasion. Les immeubles de cette rue, loués par de nombreux commerces et entreprises, appartiennent toujours à cette compagnie, contrôlée désormais par le groupe Lazard.

507.

André Bruston, "La "régénération" de Lyon, 1853-1865, l'intervention de l'état et le manifeste urbain de la bourgeoisie", Espaces et Sociétés, 1975. "Quiconque connaît Lyon aujourd'hui sait bien, à voir les immeubles solennels de la rue de la République, à quel point la bourgeoisie lyonnaise sut marquer le centre de son goût ; le seul monument construit est alors la Bourse, autre signe urbain de l'activité de la bourgeoisie hégémonique, à vrai dire aussi de la suffisance et de son contentement de soi".

508.

Les terrains cédés, correspondant à l'actuel quartier de la Part-Dieu, l'ont été suite à un accident sur le pont du Rhône (actuel pont de la Guillotière) dans lequel l'attelage de Mme de Servient avait été impliqué.

509.

Maurice Garden, "le patrimoine immobilier des hospices Civils de Lyon, 1800-1914", Cahiers d'histoire, 1984, p. 119-134.

510.

Jean-Luc Pinol, Les mobilités de la grande ville, Paris, PNFSP, 1991.

511.

Marie-Madeleine Pitance, La crise de la construction d'habitation à Lyon, Villeurbanne, Imprimerie B. Arnaud, 1944.

512.

Pascale Bessy-Pietri, "Les formes récentes de la croissance urbaine", Economie et Statistique, n°336, 2000, p. 35-52.

513.

Jean-Yves Authier, La vie des lieux, un quartier du Vieux Lyon au fil du temps, Lyon, PUL, 1993.

514.

Marc Bonneville, Lyon, métropole régionale ou eurocité? Paris, Economica, 1997.

515.

Jean-Luc Pinol, Espace social et espace politique : Lyon à l'époque du Front populaire, Lyon, PUL, 1980.

516.

Les chiffres sur la structure de la propriété sont tirés de : Patrice de Moncan, A qui appartient la France? Paris, Les éditions du Mécène, 2000. La répartition complète est la suivante : sur 28 876 immeubles, 53% sont en copropriété, 24,9% appartiennent à des particuliers, 3,6% à des SCI, 3,7% à des sociétés commerciales, 2,2% à des organismes HLM, 8,5% à la ville de Lyon, 0,1% à des banques, 0,4% à des SCPI, 0,3% à des compagnies d'assurance, 2,1% à l'Etat, 0,6% aux Eglises, et 0,7% à d'autres propriétaires.