Transformations autour du marché du logement

La description d'un marché ne se limite pas à la mesure du prix et des quantités mais suppose également de présenter les processus qui le traversent et en constituent l'arrière-plan. Dans une période de hausse des prix, ils sont souvent abordés sous l'angle de la segmentation spatiale, voire de la ségrégation : la hausse des prix empêche les ménages les plus modestes de s'installer dans les zones centrales et les relègue en périphérie. La relégation ne résume pas à elle seule le phénomène puisque le niveau des prix influence également les arbitrages, certains ménages préférant rester en location plutôt que de devoir déménager trop loin du centre ou de leur lieu de travail. Théoriquement, ce retard dans les projets d'achat diminue la demande et contribue à la baisse des prix. Si ce mécanisme a pu jouer, il a été entravé par les conditions favorables d'accès au crédit (cf. chapitre 2) ainsi que par la proportion croissante d'acheteurs ayant déjà été propriétaires et bénéficiant d'un apport beaucoup plus important que les primo-accédants (cet aspect a moins retenu l'attention que le précédent) : les conséquences des fluctuations conjoncturelles sur la stratification socio-spatiale ne peuvent être entièrement comprises sans prendre en compte ces mobilités différenciées qui infléchissent le jeu de la concurrence spatiale. Par ailleurs, les choix de localisation effectués à l'occasion de ces mobilités s'adaptent à la structure de l'offre, qui renvoie aux caractéristiques physiques du bâti (présence de grands logements, etc.) mais aussi aux modalités possibles d'occupation de l'espace. L'arbitrage, par exemple, entre la location dans une zone centrale et l'accession à la propriété en périphérie suppose l'existence d'une offre locative suffisante dans ladite zone centrale. L'affirmation selon laquelle "il devient impossible de se loger à Paris" ne renvoie pas seulement à la hausse des prix à la vente, mais est aussi en partie due au fait que le nombre de logements dans le locatif privé a diminué de 9,8% entre 1990 et 1999 531 Or cette concurrence sur les modes d'appropriation ne porte pas sur un stock fixe de logements : non seulement le parc de logements se transforme (réhabilitation, démolition et construction neuve), ce qui introduit un paramètre que nous n'abordons pas ici, mais la structure de la propriété évolue également. Afin de donner un aperçu des processus sociaux structurant le marché immobilier, il est donc nécessaire de prendre en compte cette mutation de l'offre avant de se pencher sur les catégories d'acheteurs.

Notes
531.

Données du recensement de 1999.