Caractéristiques des agences

Cette réaction au cycle immobilier est en tant que telle intéressante, mais peut être approfondie si l'on prend en compte les caractéristiques des agences.

Quartiers surinvestis

Parmi les agences créées dans les zones où la concentration était déjà forte, la proportion de petites agences indépendantes est plus importante que dans les autres secteurs. En contrepartie la proportion der réseaux est un peu plus faible surtout dans le centre (10% contre 14% de moyenne,) On peut s'en faire une idée à partir de la distribution des chiffres d'affaires (lorsque celui-ci est disponible) : une agence sur trois a un chiffre d'affaires annuel inférieur à 100 000 euros parmi celles créées entre 1999 et 2004 646 dans les zones connaissant une surreprésentation d'agences, contre une sur cinq dans les autres secteurs. Les proportions sont exactement inverses pour les chiffres d'affaires annuels supérieurs à 500 000 euros. Cette information est toutefois délicate à manier puisque le chiffre d'affaires n'est pas connu pour toutes les agences (cf. chapitre 2). C'est pour les plus petites structures qu'il est le moins souvent disponible. Par conséquent, la proportion d'agences pour laquelle on ne le connaît pas est plus forte dans les quartiers surinvestis. Par définition, ces agences emploient peu de commerciaux, mais ce ne sont pas pour autant des agences individuelles : on rencontre souvent de petites structures créées par deux, voire trois associés, ne recrutant un commercial qu'au bout de deux ans si l'affaire réussit 647 .

Ce phénomène résulte d'un double mouvement : d'une part la plus grande réussite des agences établies dans les zones les moins concurrentielles (partiellement biaisée par le fait qu'elles sont en moyenne légèrement plus anciennes, créées plutôt au début du cycle), et d'autre part le choix que font les créateurs de petites agences de privilégier les zones valorisées. Si l'on peut saisir la rationalité de ce choix qui relève des deux dimensions de l'identification et de la visibilité, il faut également souligner qu'il ne prend pas réellement en compte la concurrence existante. Les agents concernés sont pourtant les plus dépendants du rapport de proximité puisqu'ils n'ont pas la possibilité de sectoriser des commerciaux dans des zones périphériques, ni de faire eux mêmes le déplacement, et parce que leur relationnel est encore insuffisant. Ils se révèlent plus vulnérables que des agences anciennes, ce qui se traduit directement par le taux de disparition élevé dans les zones concurrentielles. Il n'est donc pas certain que ces choix de localisation soient les plus rentables en termes strictement économiques. Cela ne signifie pas que les petites agences nouvellement créées soient toutes amenées à disparaître, mais il ne nous paraît pas exagéré d'y voir la part la moins stable de la profession. Il existe ainsi un volant d'agences se reconstituant ou se défaisant de période en période par surréaction aux tendances conjoncturelles, et par lequel les structures spatiales de la profession se reproduisent plus qu'elles ne se transforment. Les évolutions entre 1999 et 2005 ont été similaires dans tous les secteurs à forte concentration d'agences, qu'ils soient à Lyon ou en banlieue. Le phénomène qu'il nous paraît intéressant de souligner est alors que, même si les clivages manifestés par la distribution spatiale des agences sont très anciens, leur reproduction passe par le renouvellement permanent de la population des agences.

Ces observations ajoutent une dimension aux circuits de valorisation présentés au chapitre 5 puisqu'elles confirment que les petites agences ne sont pas reléguées dans les zones périphériques, même si elles y sont plus nombreuses et qu'elles sont plus fréquemment que les autres tournées vers l'habitat individuel (17% pour celles créées après 2002 contre 12% pour les autres). Les agences anciennes se voient donc concurrencées par ces agences, en plus des réseaux. On peut même considérer que les réseaux, du moins ceux que l'on appelés de première génération, font désormais partie des agences anciennes : dans ces localisations, la moitié des agences en réseau datent des années 90, un quart d'entre elles sont plus anciennes et un quart ont été créées après 1999 (près de 40% pour les indépendants). En étant amenées à traiter les mêmes affaires que les agences situées à proximité, les petites agences indépendantes accentuent les tensions sur ces sous-marchés : sans augmenter la proportion de ventes passant par un agent, à cause de leurs méthodes de prospection, elles y accroissent le nombre de mandats par affaire. On a souligné au chapitre précédent la paradoxe entre l'abondance apparente de l'offre et la rareté réelle des biens les plus valorisés : il est renforcé par cette démographie et cette géographie professionnelles. La rareté, qui ne s'évalue pas uniquement à partir du nombre de biens mis en vente, se construit aussi comme résultat de l'arrivée de nouveaux entrants sur des espaces où les intermédiaires sont déjà très présents.

Notes
646.

On s'arrête au bilan de la fin de l'année 2004 car les chiffres pour les agences créées en 2005 sont très rarement disponibles et parce que l'on considère que le chiffre d'affaires de la première année d'activité n'est pas significatif.

647.

En 1999, la liste de la Préfecture indique lorsqu'il y a plusieurs détenteurs de carte professionnelle, ce qui renseigne sur le nombre d'associés. Par la suite, cette information disparaît. On ne peut pas non plus la déduire des données du RCS puisque, dans le cas où plusieurs personnes sont indiquées (ce qui n'arrive pas à chaque fois), il ne s'agit pas forcément d'un détenteur de la carte professionnelle. Pour s'en tenir à la situation en 1999, les associés sont très rares dans les quartiers connaissant une sous représentation d'agences et plus fréquents dans les autres.