2. Le second corps d’hypothèses porte plus spécifiquement sur les relations à l’objet des enfants étudiés.
Je souhaite d’abord valider si les caractéristiques des défaillances de la relation primaire à l’objet auraient participé à la constitution d’un modèle interne de la rencontre insécure, associé à un « appareil à relationner » défaillant. Les comportements relationnels et moteurs, les agirs, ainsi que les attitudes et postures corporelles des enfants observés porteraient ainsi les traces des interactions primitives traumatiques qu’ils auraient expérimentées de façon répétée avec leur premier donneur de soins, et seraient fortement influencés par la reproduction inconsciente de certaines de leurs caractéristiques.
A partir de la mise en évidence d’un certain nombre de comportements et de faits (compulsion de répétition, maîtrise absolue des expériences de déplaisir par sa production, attaques inconscientes de tout processus de lien, de même que l’expression des affects éprouvés chez l’objet comme chez le sujet dans leurs aléatoires rencontres, affects qui écartent au lieu de rapprocher), je considère qu’ils pourraient signifier la présence active de la pulsion de mort, ainsi que le travail de la haine primaire. Cela produirait un principe de non-relation, à l’intérieur de la relation, analogue à l’expression négativante des anti-liens, qui menacerait le sujet de désobjectalisation, désinvestissement paroxystique du désir et de l’objet.
Lesenfants qui présentent une pathologie des traumatismes relationnels précoces ne seraient pas en capacité, comme l’exprime Winnicott61, d’utiliser l’objet, de « faire usage de l’objet ». En effet ils resteraient fixés au stade du « mode de relation à l’objet », dans lequel celui-ci ne serait pas perçu dans le réel, mais demeurerait un « faisceau de projection », investi selon un processus d’identification projective massive et pathologique. L’hypothèse que j’avance ici, est que la confrontation avec un environnement adapté susciterait donc d’abord un envahissement de l’espace intrapsychique par des réminiscences hallucinatoires des traumatismes précoces et le réveil d’une culpabilité primaire narcissiquement blessante, ainsi qu’une désorganisation identitaire, sources de l’activation de défenses pathologiques et de résistances intenses.
Notes
61.
D.W. Winnicott, (1975), Objets de l’usage d’un objet, in La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, (2000), Gallimard, Paris, pp. 205-216, p. 234