1.7.6.1 Troubles somatiques et psychosomatiques

  • chez les tout-petits, on est alerté par un retard de taille et de poids, des perturbations des conduites alimentaires (anorexie, régurgitation), la répétition de troubles digestifs (diarrhée, vomissements) ou affectant la sphère ORL (otites, bronchiolites, etc…).
  • au-delà de 4 ans, la persistance de l’énurésie et de l’encoprésie semble indiquer une désorganisation psychosomatique.

On trouve également des phénomènes d’insomnie sévère, parfois accompagnés de balancements. Il semble que les bébés développent une attitude d’hypervigilance vis-à-vis de leur environnement et luttent contre l’abandon au sommeil.

Les phénomènes d’hypersomnie relèveraient du même registre: afin d’éviter d’être confrontés à des situations trop stressantes, il semble que les bébés se réfugient dans le sommeil. Ils se couperaient ainsi de la perception de la réalité en s’endormant brutalement, et en ne maintenant que de très brefs moments d’éveil. Les bébés qui ne dorment jamais ou qui dorment tout le temps tenteraient d’intervenir sur leurs états de veille pour maîtriser le contact avec une réalité trop stressante. Ces troubles du sommeil semblent persister et se chroniciser.

Par ailleurs, j’ai indiqué que d’après mes investigations, la grande majorité des enfants concernés par ma recherche ont présenté des symptômes d’autisme secondaire repérables par des attitudes de retrait relationnel et de repli sur soi. Il semble que les bébés confrontés à des interactions traumatogènes cherchent à éviter le contact corporel : ils sont difficiles à tenir dans les bras, car, soit ils sont hypertones - ils se raidissent, se jettent en arrière, les bras en chandelier - , soit ils sont hypotones : ils se « ramollissent », on a l’impression de tenir une poupée de chiffon qui glisse.

Ils n’appellent pas lorsqu’ils ont faim ou lorsqu’ils se réveillent : on les trouve silencieusement recroquevillés, collés à la paroi du berceau ou agrippés aux barreaux du lit, comme un coquillage à son rocher…

Il semble que la très grande majorité des enfants qui ont vécu des traumatismes relationnels précoces aient été figés, crispés. Les assistantes maternelles décrivent des bébés qui n’appelaient jamais en cas de détresse : « un bout de bois qui se tenait tout seul », me disait l’une d’entre elles.

Je reçois actuellement en consultation une fillette, Marie, qui présentait ce profil à 18 mois. Lorsque son assistante maternelle allait la chercher dans son lit après un temps de sieste, inquiète de ne pas l’entendre alors qu’elle était couchée depuis plusieurs heures, elle la trouvait bien éveillée mais silencieusement recroquevillée, agrippée « comme une ventouse » aux barreaux du lit. Elle me disait qu’elle éprouvait alors tant de difficulté à la « décrocher » qu’elle avait peur de lui faire mal, et qu’elle était chaque fois stupéfaite que le visage de Marie n’exprime rien, qu’elle n’émette aucun son. Elle décrivait elle aussi la sensation de tenir un bout de bois ou une pierre, en tout cas quelque chose de dur, rigide et inanimé, comme si Marie était devenue pareille à la surface à laquelle elle s’était collée.

Cette attitude rappelle la réaction de gel décrite par S. Fraiberg (p. 17)334. D’après elle, il s’agit d’un phénomène réactionnel utilisé comme moyen de défense, dans une situation de stress source de désorganisation. On peut effectivement observer une manifestation similaire chez l’adulte comme chez l’animal placés dans un tel contexte, ce qui permet d’appréhender sa nature instinctive, à la frontière du biologique et du psychique. On dit alors que le sujet est « tétanisé par la peur ». S. Fraiberg décrit « une immobilité complète, un gel de la posture et de la voix » (335p. 17). Elle signale que cette défense n’a qu’une efficacité limitée dans le temps. Au-delà d’une certaine durée, « l’effort nécessaire au maintien de l’immobilité provoquera une douleur physique, et les tensions entre les systèmes biologiques qui écartent le danger extérieur et les systèmes qui aménagent le stress interne ne peuvent être résolues. Les deux systèmes s’effondrent et le nourrisson sombre dans un état de désorganisation totale. » (p. 18)

Notes
334.

FRAIBERG S., (1982) op. cit.

335.

FRAIBERG S., (1982), op. cit.