2.5.3 Pulsion de mort, travail de la haine et du négatif

J’ai indiqué que ce seraient des vécus de déplaisir, de terreur et de haine extrêmes qui alimenteraient la pulsion de mort et la fonction d’auto-destruction des organes et instances psychiques réceptrices. Voyons comment et pourquoi.

Dès 1920, Freud postulait un caractère régressif dans l’activité pulsionnelle, qu’il attribuait à la pulsion de mort. En 1938, il écrivait 628  :

‘« Si nous admettons que l’être vivant est venu après le non-vivant et a surgi de lui, la pulsion de mort concorde bien avec la formule (…) selon laquelle une pulsion tend au retour à un état antérieur. » ’

Cet état antérieur ne serait pas la mort à proprement parler, il s’agirait de cet état « avant la vie ». C’est-à-dire avant la sensation et la conscience d’exister, et donc de pouvoir cesser d’exister, avant le ressenti, avant les expériences de désir et de plaisir, inévitablement corrélées aux expériences de déplaisir, voire de souffrance, issues du manque, de la frustration, de la terreur. Plutôt que d’aspiration à l’« état de mort », il faudrait penser aspiration à l’« état de non-être ». Ainsi la pulsion de mort viserait le retour à l’état de non-être, plus exactement « non-être percevant et ressentant ». En ce sens, on pourrait parler de « mort psychique ». Celle-ci est repérable dans des cas pathologiques extrêmes. Parfois elle aboutit même à la mort physique des sujets. Mais en général, bien que la pulsion de mort demeure prépondérante dans la plupart des états psychopathologiques, sa domination ne s’étend pas jusque là. Elle se « limiterait » à une extension et une intensification de ses manifestations, au détriment de celles des pulsions de vie. Ces manifestations seraient perceptibles dans certains mécanismes de défenses, en particulier dans les processus de clivage du moi, et de désinvestissement des réalités, réalité interne et réalité externe.

Notes
628.

FREUD S., (1938), Abrégé de psychanalyse, op.cit., p.8