L’introjection d’outils et de capacités psychique

Autrement dit, la « mise en condition psychique » et l’aménagement de la scène interne.

Je suggère que l’espace thérapeutique propose un travail de contention et de différenciation ; autrement dit, un travail sur l’enveloppe et les limites psychiques, dans le cadre d’une relation avec un objet externe, afin que puisse être introjecté un conteneur intra-psychique 917 , habité d’éléments en interrelations riches et sans danger, un objet interne (C) qui permette que soient accueillis et liés au moi les nouvelles expériences transformatrices des représentations de base du vécu primaire et de l’identité. Notre expérience a mis en évidence que ce travail autorise peu à peu la séparation de la perception de l’ensemble du fonctionnement, donnant ainsi progressivement accès à la formation de représentations qui peuvent, dans la relation au thérapeute, devenir autonomes. Si ce dispositif peut permettre l’introjection des fonctions psychiques que le sujet n’avait pas rencontrées chez son premier objet défaillant, il accède alors à un certain degré d’autonomisation psychique : le premier palier thérapeutique est alors atteint, et l’abord des contenus peut être envisagé par d’autres modalités de traitement.

J’ai déjà mentionné le fait que certaines collègues psychomotriciennes et infirmières psychiatriques de mon institution peuvent proposer des modèles de prise en charge thérapeutiques tout à fait intéressant, fondés notamment sur l’approche corporelle. Elles sont formées à des techniques spécifiques, que je ne maîtrise pas personnellement, mais qui semblent avoir eu des résultats positifs sur les enfants qui présentent des pathologies des traumatismes relationnels précoces. Par nécessité de concision, je n’ai pas la possibilité de présenter ici leurs dispositifs ni les résultats qu’ils produisent, mais je tenais à les évoquer et à signaler l’intérêt qu’ils présentent.

J’ai observé qu’ils mettent particulièrement en scène et en jeu le mode d’interaction fondé sur le corps qui organise principalement les premières relations, et où se développent les bases de la pensée chez le nourrisson. Mes collègues peuvent ainsi être amenées à toucher, caresser, stimuler la peau et les membres des enfants, à travailler des enveloppements et des portages dans une couverture, accompagnés de verbalisation de ce qui se passe et de ce qui se ressent, ou de chants et de mouvements rythmés qui scandent et organisent l’interaction, comme les mères peuvent le faire avec de tout petits enfants.

Si cette approche me semble tout à fait riche et intéressante, nous avons remarqué qu’il convient d’être prudent et qu’il n’est pas souhaitable de la proposer d’emblée à n’importe quel enfant. Certains peuvent être en effet considérablement excités ou angoissés par les régressions qu’elle favorise, par les effets de séduction par l’objet externe qu’elle peut leur faire vivre, par les idées aussi concernant le toucher et la pénétration du corps. Ils peuvent se montrer très insécurisés et défensifs. Là aussi, la première étape d’évaluation est primordiale, et le principe du « goutte à goutte » essentiel. Il faut prendre le temps, savoir attendre et proposer ce que l’enfant est psychiquement prêt à prendre.

Notes
917.

KAËS R., (1976), op.cit. et HAAG G., (1980), op. cit.