Acquis de la recherche et validation des hypothèses

a)

Je pense pouvoir dire que les enfants de ma recherche présentent des défaillances dans les fonctions moïques de pare-excitations et de contenance vis-à-vis des excitations qui proviennent de l’extérieur, de jugement, de refoulement et d’attention vis-à-vis des excitations endogènes. Il en résulterait une perméabilité extrême aux excitations, une incapacité à discriminer leur origine et à les transformer, une référence permanente aux seules sensations de plaisir-déplaisir, et l’incapacité de protéger le moi de la confusion et de l’envahissement du psychisme par une trop grande quantité d’excitation, grâce aux frayages opérant en dérivation. Afin de pallier ces défaillances, ces enfants n’auraient d’autre choix que de développer un système de défense drastique, à visée d’isolation tant de la réalité externe que de leur réalité interne, grâce au recours aux procédés autistiques, à la rigidification en « capsule-carapace » des membranes filtres, et au repli narcissique.

Les interactions précoces expérimentées par ces enfants ne semblent pas leur avoir permis de se constituer de véritable enveloppe psychique, disposant de toutes les propriétés nécessaires (filtre, régulation, transformation et inscription) vis-à-vis des excitations. Il est apparu que les comportements de ces enfants pouvaient refléter une figuration complexe de leur moi, organisée par des perceptions de l’enveloppe qui oscilleraient entre deux positions :

  • La première, du moins celle qui semble être originaire, serait dérivée de la sensation d’une surface-peau déchirée, interrompue, en de multiples endroits. Elle donnerait des représentations de « sac troué » laissant fuir en hémorragie ce qu’il y avait à contenir, et de moi-peau « passoire » si fragile et perméable que la moindre excitation viendrait l’effracter, envahir et contaminer l’espace intérieur.
  • La deuxième, qui me paraît être plus secondaire dans le sens où elle découlerait des effets de la mise en place d’un système de défenses autistiques, serait dérivée de la sensation d’une surface-peau rigide, blindée et imperméable des deux côtés, faisant barrage et tenant les réalités interne et externe à distance. Cette sensation donnerait des représentations de moi-peau carapace, aux qualités de surface d’inscription et d’interface quasi inexistantes. Elle dériverait également des sensations musculaires que procurent l’agitation, et des sensations de continuité que procure la production sonore permanente. Cette figuration du contenant donnerait des représentations de moi-peau musculaire et de moi-peau sonore. Elle entretiendrait l’agrippement à la production d’excitations motrices et sonores « autosensuelles », utilisées en « contre-feux » annulant la perception des excitations issues de la réalité interne, comme de la réalité externe.

Ceci permettrait d’affiner la représentation de l’organisation du mode de fonctionnement de ces enfants, en double personnalité. Leur système de défense par évitement de la confrontation aux réalités interne et externe, et par identification adhésive aux sensations auto-procurées, leur permettrait une forme d’adaptation superficielle, ainsi qu’une protection précaire contre des éprouvés de désespoir et d’agonie subjective. Mais l’observation de leur capacité à se transformer en « volcan en éruption», avec une nette tendance à la violence, paraît révéler une partie d’eux-mêmes sous-jacente extrêmement active et redoutable : une partie plus psychotique, « explosive », du fait d’une activité pulsionnelle et d’affects primaires de rage et de haine, non élaborés et insuffisamment contenus à l’interne. Le fonctionnement psychique de ces enfants semble ainsi être caractérisé par des oscillations constantes, brutales et très rapides entre plusieurs états psychiques, organisés par différentes positions identificatoires et leur mode de traitement de l’expérience, des angoisses sans nom, insaisissables et insensées, communiquées de façon non verbale, une confusion psychotique agie et une perception directe, sans filtre, des réalités extérieures et émotionnelles.