c)

Du fait des lacunes dans leur appareil psychique, la rencontre avec un objet potentiel et ses effets internes risquent sans cesse de susciter, chez les sujets de ma clinique, une tension qui déborde le système pare-excitations ainsi que les systèmes intégratifs, court-circuite l’activité précaire de liaison du moi et déclenche un afflux d’excitations désorganisatrices qui se propage sans frein ni filtre jusqu’aux premiers neurones saisis lors des expériences précoces. Lorsque cela se produit, le moi de ces enfants se trouverait confronté à une « double charge émotionnelle ». Ils seraient alors envahis par la sensation hautement déplaisante d’être emportés dans un mouvement « cyclonique » incontrôlable de contamination des représentations par l’excitation et d’attraction réciproque des expériences traumatiques passées et actuelles. Ainsi cette recherche a pu mettre en évidence comment, du fait de la nature de leur vécu précoce et des défaillances de leur appareil psychique, ces enfants seraient sans cesse et, d’une certaine manière depuis toujours, aux prises avec des expériences traumatiques, dès qu’ils seraient en contact avec les expériences émotionnelles issues de « la question de la rencontre de l’objet », de la perception de la réalité de l’objet, et de leurs effets sur leur réalité interne. Ils n’auraient ainsi jamais pu se constituer de confiance de base envers le monde et les bons objets internes et externes. Ils seraient perpétuellement confrontés aux résurgences des terreurs primitives à l’égard des mauvais objets. Simultanément, ils n’auraient jamais pu acquérir de confiance de base vis-à-vis de leurs propres capacités et compétences, de même que vis-à-vis de leur propre valeur et faculté d’être aimés; aussi seraient-ils toujours sujets aux angoisses primitives liées à la continuité d’existence. La conjonction de ces facteurs ne permettrait pas de « dévalorisation » des situations de danger précoces, en particulier celle de « désaide », d’agonie subjective primitive. Ils seraient ainsi sans cesse aux prises avec des vécus d’Hiflosigkeit, des déclenchements de réactions d’angoisse automatique, débordantes, disruptives et disloquantes. Les signaux d’angoisse ne pourraient donc être opérants chez eux : en l’absence de contenants fiables, de persistance de la différenciation dedans-dehors, leur moi précaire ne pourrait déclencher de processus de défense et de traitement ; il serait court-circuité, sidéré. Rien ne viendrait endiguer la propagation de l’excitation aux traces mnésiques anciennes, rien ne pourrait empêcher l’envahissement par les réminiscences hallucinatoires terrifiantes. Ceci déclencherait la précipitation de réactions en chaîne, sur le mode « blocage-lutte-fuite », et le déclenchement du signal neurobiologique qui enjoint d’interrompre l’activité de pensée et de lancer le processus de décharge, caractéristique du fonctionnement psychique originaire.