1.1.3.2. …favorise l’échec scolaire et la reproduction sociale…

En France, le taux de difficulté scolaire mesuré à partir d’un ensemble d’indicateurs est beaucoup plus important dans les zones urbaines sensibles par rapport au reste de la ville. Par exemple, dans les collèges publics, le pourcentage d’élèves de 6e en retard de 1 an ou plus est plus important dans les collèges classés ZUS que dans les collèges hors ZUS (Tableau 3).

Depuis le rapport Coleman (1966), la plupart des études dans le domaine de l’éducation confirment que les élèves issus des milieux défavorisés risquent davantage de rencontrer des difficultés scolaires par rapport aux élèves originaires des milieux favorisés. Dans une édition de France, portrait social, Caille et Rosenwald (2006) montrent que les inégalités de réussite à l’école se forment principalement avant l’entrée en sixième et que les enfants des milieux modestes sont nettement plus désavantagés. Ceci ne signifie pas que l’école n’a pas de rôle à jouer dans la réussite des enfants d’origine socio-économique défavorisée. Le rapport Coleman souligne bien son potentiel effet égalisateur, même s’il considère que les moyens financiers ne sont pas déterminants. Cependant, l’homogénéité de l’environnement social et notamment scolaire remet en cause la capacité de l’école à corriger les inégalités de départ, puisqu’elle fabrique en elle-même de l’inégalité à travers la ségrégation résidentielle et scolaire. Les élèves des quartiers riches multiplient leurs chances de réussite en mobilisant les externalités positives offertes par l’homogénéité de leur école, tandis que ceux des quartiers pauvres subissent les effets des externalités négatives qui favorisent l’échec scolaire. Cette école à deux vitesses conduit dans les établissements favorisés à l’apprentissage de la compétition, alors que dans les établissements défavorisés, c’est l’apprentissage progressif de la domination sociale qui est entretenu (Duru-Bellat, 2004).

Tableau 3 : Retard scolaire filles-garçons en collège
Tableau 3 : Retard scolaire filles-garçons en collège

Champ : collèges publics France métropolitaine et DOM

Source : ministère de l’éducation nationale, DEP (ONZUS, 2005, p.92)

Il est largement prouvé dans les pays anglo-saxons que les effets de pairs ont un impact sur les résultats des élèves (Hoxby, 2000 ; Sacerdote, 2001). En France, une partie non négligeable de l’échec scolaire est expliquée par des effets de voisinage (Goux et Maurin, 2005). Ces auteurs utilisent deux stratégies pour tester si derrière la corrélation entre le retard à l’école des enfants et le niveau de retard scolaire du quartier dans lequel ils habitent et/ou le niveau socioculturel des autres familles, il existe bien une relation de cause à effet. En comparant, d’une part, les performances scolaires des familles venant de s’installer dans le voisinage et des familles déjà présentes et ,d’autre part, les destins scolaires dans les secteurs HLM et non HLM, ils trouvent un effet causal significatif du contexte social sur la scolarité. Ce résultat est confirmé par ces mêmes auteurs (Goux et Maurin, 2007) qui montrent que la performance des adolescents à la fin du collège est étroitement influencée par celle des autres adolescents dans le voisinage. Alors qu’il est difficile de révéler un effet significatif du programme Zones d’Éducation Prioritaires (ZEP) sur la réussite des élèves (Benabou et al. 2004), l'homogénéisation sociale progressive de ces collèges et l’augmentation de la proportion des jeunes enseignants peu expérimentés met au centre le débat sur l’école républicaine et la nécessité de repenser et évaluer la lutte contre la ségrégation spatiale pour garantir l’égalité de chance et des possibles.

Dans un pays où la réputation des écoles fréquentées est décisive pour accéder à certains emplois, et dans une période où le système économique et social connaît de fortes mutations qui exigent de plus en plus d’adaptation à un environnement concurrentiel en changement permanent, l’éducation est plus que jamais indispensable aux individus comme aux nations (Gurgant, 2004).

Enfin, au-delà de ses conséquences économiques et inégalitaires, les motivations de la lutte contre la ségrégation à l’école correspondent aussi à une volonté d’intégration et à un apprentissage du vivre ensemble. L’école est le berceau de la socialisation et devrait être représentative de l’ensemble de la société. Elle est le lieu de confrontation et d’apprentissage des différences culturelles et sociales mais aussi le lieu de sensibilisation au respect et à la solidarité. Plusieurs études sociologiques montrent l’importance de la période scolaire dans la construction des « vrais amis » (Bidart, 1988) et dans la formation du capital social.