2.2.1. La localisation dans le modèle monocentrique

Le cadre théorique général de la Nouvelle Economie Urbaine (NEU) à travers « la théorie de l’espace résidentiel » (Zoller, 1988, p.73) illustre les déterminants des logiques de localisation des ménages, en supposant que la localisation des emplois est exogène19. Il est parfaitement adapté à la fois à l’étude de la polarisation sociale (Fitoussi et al. 2004) mais aussi à l’analyse des facteurs de leur déconcentration (Anas et al. 1998).

Ce modèle standard est basé sur des hypothèses restrictives, que des travaux successifs en économie urbaine ont tenté de relâcher les unes après les autres (Yinger, 2005). L’espace est réduit à la seule distance au centre de la ville (Central Business District) qui se résume, techniquement, en un point. Le sol est parfaitement homogène à l’image de la plaine de Von Thünen (pas d’aménités). Les ménages sont identiques par rapport à la taille (composition) et au nombre d’actifs, au goût (fonction d’utilité) et au revenu. Ils sont parfaitement mobiles au sein de la ville (pas de contrainte pour améliorer potentiellement leur utilité) et ils se déplacent de la même manière entre leur lieu de résidence et le lieu d’emploi (CBD). Le modèle se réduit à un anneau suburbain dont l’espace est utilisé uniquement pour résider et se déplacer par les ménages. La fonction d’utilité U du ménage dépend de la consommation d’un bien composite (z) et du nombre d’unités de logement (q). Au delà du problème classique de maximisation dans lequel le ménage décide de la quantité de logement consommée et du lieu de résidence, le point central du modèle réside dans l’émergence de l’outil analytique de la fonction d’enchère indiquant le montant qu’un ménage est prêt à payer pour chaque localisation.

D’une manière très simplifiée, l’objectif de chaque ménage ayant un revenu R est de déterminer z, q, et r (distance au centre), en maximisant son utilité sous une contrainte :

Figure 2 : La rente d’enchère d’équilibre
Figure 2 : La rente d’enchère d’équilibre
Figure 3 : Répartition des classes de revenu
Figure 3 : Répartition des classes de revenu

Source : d’après Fujita, 1989

La localisation des riches (blancs) au centre et des pauvres (noirs) en périphérie n’est pas un résultat du modèle mais une rationalisation de la situation de la ville américaine basée sur le constat d’une dominance de la force centrifuge du marché du logement. Les riches consomment plus de sol et choisissent une localisation périphérique pour bénéficier du faible prix du sol. Le modèle peut expliquer pourquoi les pauvres habitent au centre tant que l’élasticité de la demande de sol par rapport au revenu est supérieure à celle du coût marginal de transport par rapport au revenu (Papageorgiou, 1990 ; Boiteux-Orain et Huriot, 2002).

Notes
19.

Pour des discussions plus fines du modèle voir : Zoller (1988) ; Fujita (1989) ; Yinger (2005).